Editorial : Trump, Marine, etc sont des nécessités de l’Histoire

Mervyn King ancien gouverneur de la banque d’Angleterre vient de nous avertir ou rappeler selon le cas, que le Japon et l’Europe cherchaient à affaiblir leur monnaie; les USA eux ne veulent pas que le dollar s’apprécie. Sans le dire, c’est la guerre des monnaies.

C’est l’occasion pour nous tirer un coup de chapeau au grand économiste méconnu, Sismondi. A un certain stade la recherche de la compétitivité est un tonneau des Danaides, une vis sans  fin, une « vice » sans fin écrivons nous souvent.

Nous ne sommes absolument pas contre les échanges, nous ne sommes pas pour le protectionnisme, loin de là, mais il ne faut pas que cela tourne au dogme et à l’idéologie, les conditions concrètes doivent être examinées.

A certains moments et c’est le cas, il faut avancer prudemment. Nous sommes pour la libération maximum des échanges compatible avec l’état des sociétés, pour la libération des échanges compatibles avec le maintien ordonné de l’évolution du corps social. Si on va trop vite, le corps social se fragmente, il y a trop de trainards; si on ne fait rien et que l’on bloque l’ouverture, le niveau de vie stagne.

Donc il faut trouver ce rythme optimum et c’est une démarche politique.

On retrouve ici l’argument majeur contre la compétitivité coûte que coûte ,  formulé il y a deux siècles par Sismondi (1773-1842), un économiste suisse trop sous-estimé:

«Il vient enfin une époque où le monde civilisé tout entier ne forme plus qu’un seul marché, et où l’on ne peut plus acquérir dans une nouvelle nation de nouveaux chalands. La demande du marché universel est alors une quantité précise que se disputent les diverses nations industrieuses. Si l’une fournit davantage, c’est au détriment de l’autre. La vente totale ne peut être augmentée que par les progrès de l’aisance universelle, ou parce que les commodités autrefois réservées aux riches sont mises à la portée des pauvres» [12].

Ce qui est vrai de l’ouverture mondiale, de la libération des échanges de biens  et de services, est vrai également du progrès des technologies,  du progrès des processus de production: ils doivent se faire à un rythme compatible avec le maintien de la cohésion sociale. Si l’évolution ne se fait pas à ce rythme raisonnable, alors la mécanique économique se dérègle et avec elle la mécanique sociale entrainant toute celle de la politique.

Plutot que de réfléchir à ces questions les élites préfèrent les escamoter; elles ont choisi la dénégation.  Ceci les conduit à constater les ravages du mal, sans pouvoir y porter un diagnostic adapté. Ceci les conduit, constatant que les rouages grincent? à tenter de mettre de l’huile, du lubrifiant, de la liquidité pour éviter le grippage. C’est ainsi que nous interprétons la situation historique présente: une mécanique qui a de plus en plus de difficulté à tourner et des mécaniciens bornés qui s’affairent avec leur burette pour huiler, huiler, de plus en plus. Jusqu’à ce que cela déborde.

Aux Etats-Unis les salariés qui sont en bas de l’échelle, et ils sont de plus en plus nombreux à s’y trouver, ces salariés n’ont pas connu de hausse de pouvoir d ‘achat depuis 25 ans. En Europe, les salaires en moyenne sont inférieurs à ce qu’ils étaient en 2008 , alors que les revenus de répartition, les « benefits » ont baissé.

Real US wages

En régime dit normal, l’ouverture, la globalisation et les progrès technologiques permettent une amélioration du niveau  de vie de tous. Mais cela, c’est pour la théorie, la norme théorique. Dans la réalité historique, la globalisation et la technologie produisent des gagnants et des perdants; des privilégiés et des laissés pour compte. Le commerce international bénéficie à certains et détruit les emplois d’autres; les progrès de l’efficacité des productions augmentent la rémunération et le capital de certains groupes sociaux mais met les autres sur la paille ou plutôt sur les registres de l’aide sociale.   Et le fossé qui sépare les gagnants des perdants est d’autant plus colossal, il devient un gouffre, quand les élites, faute de voir les problèmes les masquent par la création de monnaie, les noient sous le déluge de nos fameux lubrifiants. Nos fameux lubrifiants exaspèrent les fissures, creusent les fossés qui séparent les gagnants  des perdants. On est au symbole du 1% face aux 99%.

Faute de reconnaitre que la globalisation et la technologie sont destructrices, « disruptive », on essaie réparer les dégats par ce qui , au contraire, augmente la destruction: la création de crédit, de monnaie et de digits qui sont injectés dans le système bancaire et financier, lequel est précisément le lieu des  contradictions et des antagonismes du Système!  Les bénéfices de la globalisation et du progrès des techniques sont la tendance à la baisse des prix, les marchandises sont de plus en plus accessibles, mais les élites, tournant le dos au bon sens ont choisi de s’opposer à la déflation structurelle des prix, en conséquence de leur choix premier qui est tout masquer par la dette et le crédit.

En fait ces élites se sont mis dans une impasse bourrée de contradictions. Ils ont tout faussé, il n’y a plus de fonction autonome de rééquilibrage et finalement le bateau prend eau de toute part, on écope, on écope alors que de nouvelles fissures, de nouveaux dysfonctionnements se révèlent chaque jour. Les crises, les krachs se rapprochent, changent sans  cesse de forme et de mode d’apparaitre et le remède est toujours le même: printons, printons en choeur.

En fait et les plus lucides s’en apercoivent, nous sommes dans un cercle vicieux dont il n’est plus possible de sortir. L’incapacité du Système à émerger de la crise 2008 le force à s’enfoncer dans des palliatifs qui accroissent les déséquilibres. Le coût pour maintenir le tout en ordre est sans  cesse grandissant, la productivité, l’efficacité  des pseudo remèdes chutent sans arrêt. La circularité produit des risques, les risque produisent de l’incertitude, l’incertitude produit de la frilosité,  laquelle finalement pèse sur l’investissement. Le capitalisme devient jeu financier, il perd sa légitimité en enrichissant les uns et en mettant les autres au chômage. Le capitalisme perd ses soutiens dès lors qu’il ne profite plus à l’ensemble de la société.

Le capitalisme a un coût. Tout système a un coût d’entretien  et de reproduction, il faut de l’énergie pour maintenir un système en vie. Il faut sans cesse investir et réinvestir dans les structures profondes, cachées du Système. Nous sommes dans la situation paradoxale ou les élites essaient de faire supporter ce coût de maintien  et de reproduction du système… par ceux qui n’en bénéficient plus! Par ceux qui en sont … les victimes. C’est ce que nous soulignons régulièrement, au risque de lasser: le système  essaie de sauver sa peau sur le dos des plus faibles. Peut-on être plus bête, plus stupide? C’est jouer le jeu de Gribouille qui se jetait à l’eau pour ne pas être mouillé: le système se détruit en profondeur pour se sauver.

Faute d’être traités au niveau économique et social, les problèmes, les antagonismes, les contradictions passent à un niveau supérieur, elles passent au niveau politique, voire au niveau géopolitique et militaire. La dislocation de l’attrape nigaud du bi-partisme en Europe, la montée des extrêmes, peu importe qu’ils soient de droite ou de gauche, l’ascension de Trump, l’absence de légitimité de presque tous les gouvernements en place, tout cela est le symptôme du déplacement des antagonismes que nous décrivons. On ne peut plus changer à l’intérieur d ‘un niveau, alors on passe au niveau supérieur.

Le capitalisme a cessé de produire des effets positifs pour la majorité, cette majorité se disloque et ceci se reflète au niveau politique. L’idée que le système est truqué, qu’il n’est pas honnête, transparent, équitable gagne peu à peu, elle se répand et il n’ y a rien d’étonnant à ce qu’elle se traduise par la montée des leaders populistes ou celles des formations politiques extrêmes, voire spontanément rebelles.  Trump, Marine Le pen sont des Nécessités de l’Histoire avec un grand « H », pas des accidents.

La bêtise des élites n’ayant pas de limite, elles persévèrent dans  les voies qu’elles ont choisies, ce que nous appelons les voies de l’évidence stupide. Les voies de Gribouille: toujours plus de « printing », toujourd plus de crédit, toujours  plus de dettes,  c’est à dire finalement toujours plus de report des problèmes dans  le futur.  C’est le principe du chasse neige. Le système est incapable, viscéralement, de selectionner des élites politiques intelligentes. Elles font toujours la même chose et de plus en plus fort, de plus en plus grossièrement, de plus en, plus cyniquement. Pour faire taire les peuples, pour masquer la dislocation, on en est à imaginer  » l’helicopter money » , c’est à dire la distribution gratuite d’argent, on en est a imaginer le « revenu universel » …Bref on en est à expliquer aux kleptos et ploutos qu’il faut qu’ils abandonnent quelques miettes.

 

 

 

 

 

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