Les « dominants » détruisent l’Europe

Je suis pro-européen , pas européiste n ‘en déplaise à ceux qui ne savent pas lire.

Je suis pro-européen par raison, parce que chaque nation européenne a une taille et un poids insuffisants  face aux géants de ce monde.

Je suis pro-européen d’origine, c’est à dire de l’époque ou le projet visait à créer une alternative puissante, multiforme aux blocs.

Je suis pro européen politique, c’est à dire pour une construction qui serait d’abord et prioritairement politique. je pense que « le politique » est premier, ce qui veut dire que d’abord il faut négocier la question de la souveraineté des peuples et des nations et non pas nous placer devant le fait accompli d’une dictature à la fois de Bruxelles et de  Bonn. Dictature sous tutelle Américaine. Je suis pro-américain, contre les néo-cons et les Marchands du Temple.

Je suis européen car je soutiens  un monde multipolaire et je lutte contre l’impérialisme qu’il soit à « un » à  « deux » ou à « trois ». Je récuse l’issue fatale de la guerre qui se profile.

Je suis européen car, face aux partisans du Nouvel Ordre Mondial Elitiste et à deux vitesses, il n’y a qu’une solution politique qui puisse faire barrage. Au » soft power », je souhaite que l’on oppose le « hard power  » des peuples, des citoyens, même si certains d’entre eux ont  peine à s’y retrouver dans la Modernité et l’Ouverture. Ils doivent avoir leur mot à dire sur le degré d’ouverture et le rythme de ce processus.

Je suis Européen » politique », pas Européen « subreptice »,  et à ce titre compte tenu des priorités, je n’ai aucun ennemi ni à l’extrème droite, ni à l’extrème gauche.

Un bon, excellent texte d’Alain de Benoist.

Que l’on soit europhile ou eurosceptique, un fait est patent : l’Europe va plus mal que jamais. Pourquoi ?

Les signes s’accumulent en effet : crise de l’euro qui perdure, « non » des Danois au référendum du 3 décembre, vagues migratoires hors de contrôle, colère sociale, paysans au bord de la révolte, aggravation des perspectives financières, explosion des dettes publiques, montée des populismes et des mouvements « conservateurs » et eurosceptiques. S’y ajoute la possible sécession de la Grande-Bretagne, qui créerait évidemment un précédent. Jean-Claude Juncker l’a déjà avoué : l’année 2016 pourrait bien marquer le « début de la fin » de l’Union européenne. « Personne ne peut dire si l’Union européenne existera encore en l’état dans dix ans », a déclaré de son côté Martin Schulz, président du Parlement européen. « Nous risquons une dislocation », a renchéri Michel Barnier. « L’Europe, c’est fini », a conclu Michel Rocard. Cela donne le ton. L’Union européenne se défait sous nos yeux sous l’impact des événements.

Dans l’affaire des migrants, le pape François opposait récemment ceux qui veulent dresser des murs et ceux qui veulent établir des ponts. Il oubliait qu’entre les ponts et les murs, il y a les portes, lesquelles fonctionnent comme des écluses : on peut, selon les circonstances, les ouvrir ou les fermer. La mise en place de l’espace Schengen supposait que l’Union européenne assure le contrôle de ses frontières extérieures. Comme elle en a été incapable, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, le Danemark, l’Autriche, la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie, la Serbie, la Macédoine et même la Belgique viennent, les unes après les autres, de rétablir le contrôle de leurs frontières intérieures ou de limiter de manière drastique les entrées de « réfugiés » sur leur sol. Cela signifie que l’espace Schengen est déjà mort. Ne vouloir établir que des ponts, c’est se condamner, à terme, à ne plus dresser que des murs.

Le début des années 1990 a vu la fin du consensus tacite des citoyens vis-à-vis du projet d’intégration communautaire. À l’heure actuelle, un tiers seulement des Européens déclarent faire confiance aux institutions européennes, soit qu’ils pâtissent de la crise (dans les pays du Sud), soit qu’ils craignent d’être touchés à leur tour (dans les pays du Nord). De l’Europe, on attendait l’indépendance, la sécurité, la paix et la prospérité. On a eu la vassalisation au sein de l’OTAN, la guerre dans les Balkans, la désindustrialisation, la crise agricole, la récession et l’austérité. D’où un sentiment de dépossession qui touche tous les peuples.

Je suis Européen politique et à ce titre compte tenu des priorités, je n’ai aucun ennemi ni à l’extreme droite, ni à l’extrème gauche.

 

Les souverainistes pourraient se réjouir de l’actuel retour en force des nations, mais ne s’agirait-il pas du retour des égoïsmes nationaux ?

L’actuel retour aux frontières n’est qu’un repli temporaire qui ne correspond nullement à un retour en force de l’État-nation. Tous les centres de décision des pays européens restent aux mains d’instances internationales, ce qui revient à dire que leur souveraineté (politique, économique, militaire, financière, budgétaire) ne tient plus que par la peinture. Au surplus, il n’y a pas un reproche que l’on fait à l’Union européenne que l’on ne pourrait pas adresser tout aussi bien aux États-nations. Le déficit démocratique des institutions européennes, par exemple, n’est jamais qu’un exemple de la crise générale de la représentation qui affecte aujourd’hui tous les pays, parallèlement à une crise fondamentale de la décision que l’on retrouve à tous les niveaux.

Était-ce inéluctable ?

Le plus grand reproche que l’on puisse faire à l’Union européenne, c’est d’avoir discrédité l’Europe. L’Europe actuelle est, en effet, tout sauf une Europe fédérale, et c’est pourquoi elle est incapable de s’unir dans le respect de la multiplicité des « nous » nationaux, c’est-à-dire des existences collectives qui existent en son sein. Elle n’a jamais voulu se construire comme une puissance autonome, mais comme un vaste marché, un espace de libre-échange censé s’organiser selon le principe exclusif des droits de l’homme, sans attache collective ni allégeance à une chose commune. Elle s’est faite, dès l’origine, à partir de l’économie et du commerce au lieu de se faire à partir de la politique et de la culture. L’idée sous-jacente était que, par une sorte d’effet de cliquet, la citoyenneté économique entraînerait inéluctablement la citoyenneté politique. C’est le contraire qui s’est produit.

Conformément aux diktats du « sans-frontiérisme » libéral, l’Europe a voulu s’unifier dans une perspective « universelle », en se référant à des notions abstraites sans aucun ancrage culturel ou historique pouvant faire sens pour les peuples. Loin de protéger les Européens de la mondialisation, l’Union européenne est ainsi devenue l’un de ses principaux vecteurs. Au lieu de chercher à faire émerger une volonté politique commune fondée sur la conscience d’un destin unique, elle a choisi de s’ouvrir au monde sans réaliser qu’on ne peut s’adapter aux circonstances extérieures sans posséder un principe intérieur. Loin de se situer dans la perspective d’un monde multipolaire, elle s’est mise au service d’une « religion de l’humanité », préfigurant ainsi un ordre cosmopolitique fondé sur l’universalisation de la démocratie libérale (un oxymore dont le sens exact est la soumission des procédures démocratiques au système du marché).

Le drame est que plus les politiques que la Commission européenne met en œuvre échouent, plus elle s’obstine à persévérer dans la même voie, convaincue qu’elle est que tout va s’effondrer si l’on interrompt sa fuite en avant. On n’échappera donc pas à cette fuite en avant. Ni à l’effondrement.

Entretien réalisé par Nicolas Gauthier

Boulevard Voltaire.

Laisser un commentaire