Le déclin du modèle post-crise de 2008
Les responsables auto-proclamés de la conduite des affaires cherchent à regonfler la bulle qui laisse passer de l’air depuis l’été 2014.
« L’autre litanie est plus subtile, c’est celle de l’inflation/déflation. L’inflation n’est pas encore à 2%, mais c’est transitoire, on y arrive... »
Pour tenir la bulle et prolonger la lévitation, il faut d’abord nier qu’il y ait une bulle et c’est ce par quoi les Maîtres ont commencé. Il faut faire croire que ce que l’on voit marche bien et occulter ce que l’on ne voit pas, le passif du système. Or, la bulle, c’est la disproportion entre l’actif que l’on voit et le passif que l’on ne voit pas! Le passif, les dettes, les promesses, le crédit, les masses monétaires, eux ne connaissent pas!
Ecoutons Yellen, elle parle d’or; Draghi et Kuroda répètent en chœur, c’est Pathé Marconi, la voix de son maître.
«The US economy has made tremendous progress in recovering from the damage from the financial crisis. Slowly but surely the labor market is healing. For well over a year, we have averaged about 225.000 jobs (gains) a month. The unemployment rate now stands at 5%. So, we’re coming close to our assigned congressional goal of maximum employment.»
Cela, c’est la litanie de la reprise de l’emploi américain, litanie qui se limite à évoquer les chiffres officiels, non analysés et, bien sûr, qui ne tient pas compte de l’évolution catastrophique des salaires, de la qualité des emplois, du découragement des populations avec la chute de la «labour force participation». Les créations sont en trompe-l’œil, ce sont des petits boulots, quasi des emplois de larbins, qui ne permettent pas de boucler les fins de mois dignement. Le vrai symbole de l’illusion de la reprise de l’emploi, c’est… l’ascension de Trump, le populiste.
«Inflation which my colleagues here, Paul (Volcker) and Alan (Greenspan), spent much of their time as chairmen bringing inflation down from unacceptably high levels. For a number of years now, inflation has been running under our 2% goal, and we are focused on moving it up to 2%. But we think that it’s partly transitory influences, namely declining oil prices and the strong dollar that are responsible for pulling inflation below the 2% level we think is most desirable».
L’autre litanie est plus subtile, c’est celle de l’inflation/déflation. L’inflation n’est pas encore à 2%, mais c’est transitoire, on y arrive. Elle valide les objectifs de retour de la hausse des prix. Laquelle, au fond, est censée compléter le travail de Yellen, par… la baisse du pouvoir d’achat de ces salaires déjà maigres. Heureusement, l’inflation se profile à l’horizon, elle complétera la réussite par une nouvelle étape d’érosion du niveau de vie. Ce qui est la logique de la globalisation vue comme un arbitrage mondial des coûts du travail.
«So, I think we’re making progress there as well. This is an economy on a solid course – not a bubble economy.»
Et voici ce que l’on attendait, l’économie est solide, ce n’est pas une économie de bulle!
Rien, pas un mot sur le fait que l’on est obligé de maintenir un bilan de la Fed de plus de 4,5 trillions, rien sur le fait que l’on n’ose même pas monter les taux d’une fraction de point et que l’on a déclenché une panique sur les marchés quand on les a montés en réel à 0,38% et que l’on a osé envisager des nouvelles hausses, sur lesquelles on a dû revenir précipitamment. Rien sur le fait que la consommation, les ventes au détail sont anémiques, sur le fait que, pour maintenir son niveau de vie, le consommateur est à nouveau obligé de s’endetter, ce qui explique l’impossibilité de hausser les taux. Rien sur le crédit subprime qui ravage le secteur automobile, les prêts étudiants, le secteur de l’énergie…
«We tried carefully to look at evidence of potential financial instability that might be brewing and some of the hallmarks of that – clearly overvalued asset prices, high leverage, rising leverage, and rapid credit growth. We certainly don’t see those imbalances. And so although interest rates are low, and that is something that can encourage reach for yield behavior, I certainly wouldn’t describe this as a bubble economy.» Janet Yellen, April 7, 2016, International House: «A Conversation with Janet Yellen, Ben Bernanke, Alan Greenspan and Paul Volcker»
Sur la stabilité financière, rien à dire, «Tout va très bien Madame la Marquise, il faut seulement…» Rien sur le tangage du crédit Junk, High Yield; rien sur les nouveaux records de défaillances en mars, rien sur la pluie de dégradations par les Agences, alors que la politique reste hyper-stimulante et les taux voisins de zéro. Rien sur la chute de 8% du secteur bancaire il y a deux semaines.
Rien, bien sûr, sur l’absence de reprise des dépenses d’investissement, sur la récession industrielle, sur la production industrielle en baisse 13 mois sur 16. Rien sur les chiffres désastreux du PIB du premier trimestre qui se profilent à l’horizon selon le modèle de la Fed d’Atlanta.
Yellen, Draghi et Kuroda nous montent en bateau en prenant des critères faux, non significatifs, pour juger de l’état de santé des économies. Ce qui compte, ce n’est pas ce qu’ils agitent comme des chiffons rouges pour détourner notre attention, non ce qui compte c’est que rien n’est soutenable: sitôt que l’on stoppe les artifices ou que l’on parle de les supprimer, tout pique plein sud. Le système ne tient que par des béquilles et le seul fait d’imaginer, d’évoquer, de suggérer de les retirer fait vaciller l’édifice.
Et c’est cela, la vraie caractéristique fondamentale d’une économie bullaire: elle lévite, elle est suspendue dans les airs et chaque fois que la pression monétaire faiblit, alors cette économie menace de s’écraser. C’est cela le bullaire, c’est ce qui est suspendu dans les airs. Et cet état bullaire permet de faire illusion globalement, mais cela ne résiste pas à l’examen car ce qui apparait, c’est l’écume, la mousse, les bulles; en-dessous, il y a le marasme, les distorsions, les fragilités. L’apparence masque le fondamental, le «soft» dissimule le «hard».
La multiplication rapprochée des alertes, la succession des crises depuis 30 ans maintenant, sont la confirmation de notre diagnostic. Tout comme le volume incroyable de rachats d’actions, volume qui a été égal à la somme des nouvelles dettes des firmes au cours des dernières années, ce volume effrayant témoigne de l’absence d’investissements et de la raréfaction des occasions d’investir productivement. Nous sommes dans la situation du précurseur en la matière, le Japon, nous sommes prisonniers d’une dynamique perverse, la dynamique des bulles. L’agressivité des remèdes, leur aventurisme, révèlent la réalité du mal qu’ils prétendent soigner. Chaque initiative coûte de plus en plus cher pour un rendement décroissant et de moins en moins durable. Et non seulement les mesures réelles doivent être administrées, mais il y a pire, il faut sans cesse en promettre de nouvelles, plus draconiennes, comme vient de le faire le trio Yellen, Draghi et Kuroda. Il n’y a pas de limite, s’efforcent-ils de marteler, pour faire tenir le système: «le bilan des Banques Centrales peut être inflaté à l’infini» «les taux peuvent encore être abaissés», ont-ils répété ces derniers jours. On comprend leur panique, la croissance ralentit encore et le système est tellement fragile qu’il ne résisterait pas à la stagnation. Les bulles, pour persévérer dans leur fonction de lévitation, ont besoin de toujours plus, c’est «marche ou crève».
En 2011, les responsables américains avaient tout prévu, on allait vers l’Exit. On allait sortir des mesures exceptionnelles! On allait même tenter de vendre une partie des actifs accumulés par la Fed. Hélas, d’Exit il n’y a pas eu, il a fallu faire machine arrière et, au contraire, aller plus loin. Nous avons écrit et réécrit que l’on avait brûlé les vaisseaux, qu’il n’y avait aucune voie de retour en arrière, le bien-fondé de notre prévision se donne à voir quotidiennement. Plus cela dure, plus on s’enfonce dans l’humeur déflationniste, dans l’humeur de rétention, d’angoisse quant au futur.
Voilà l’évidence: la peur est l’une des causes essentielles, au plan psychologique, qui vient se superposer au dérèglement du réel. Et toutes les mesures prises ne font qu’ancrer et renforcer cette peur de l’avenir. Elles attestent du bien-fondé de la peur, elles la crédibilisent. Ces gens ne déblaient pas l’avenir, ils ne l’éclairent pas, ils le bouchent.
Tout le système est bullaire et ce que les gens voient, ce n’est pas le mal, ce ne sont que ses symptômes, son mode d’apparaitre. La succession des bulles visibles et identifiées comme telles est quasi trompeuse, elle suggère qu’il y en a une, puis une autre. Non, elles ne sont pas séquentielles, elles sont continues, avec des émergences périodiques selon des formes différentes; voilà ce que l’on ne veut surtout pas que vous compreniez.
La bulle des Telcos, du Nasdaq, la bulle du logement, la bulle du financement du logement, la bulle de l’ingénierie financière, la bulle des commodities, la bulle des biotechs, la bulle colossale des emprunts des Etats, la bulle des emprunts des émergents, la bulle du crédit chinois, tout cela, c’est la manifestation du même mal: un système qui a libéré la création illimitée de crédit et qui l’a solvabilisée par la dérive des liquidités. La solvabilité n’est plus assurée par les cash-flows, mais par la fourniture de liquidités sans cesse plus massives. Et c’est parce que la solvabilité n’est plus assurée par les cash-flows que ceux qui ont compris le système, au lieu d’accorder des crédits nouveaux, achètent des actifs anciens, préexistants et font monter les Bourses. La mère de toutes les bulles, c’est la masse de liquidités globales.
Notre analyse nous conduit à caresser l’idée que nous sommes dans une répétition de 2011: on a tenté l’Exit et on a échoué. La Bulle, la bulle qui englobe toutes les autres a commencé de se contracter; un moment, en août dernier, nous avons pensé qu’elle avait éclaté. Nous en sommes moins sûrs car les Chinois ont sorti l’artillerie lourde, et surtout, ils ont adopté le modèle anglo-saxon «d’extend and pretend». Peut-on regonfler une bulle qui a pris du plomb, qui a une déchirure? Chacun sa réponse. Tirez-en les conclusions qui correspondent à votre situation et à votre humeur.n
La vraie cause à l’origine du rebond du pétrole
La nouvelle de l’échec de Doha a provoqué des dégagements spéculatifs un peu précipités. Ceux ci n’ont pas été suivis. Les baissiers sont dépités.
Le rebond du pétrole ces dernières semaines n’était pas causé par la réunion des grands pays producteurs de pétrole à Doha, son succès était très improbable. La reprise du pétrole comme celle de toutes les matières premières est causée par l’anticipation d’une nouvelle vague de mesures de soutien originales des économies mondiales.
La croissance est fortement ralentie, les marchés financiers sont fragiles, une action est impérative et elle est en préparation. La question n’est pas de savoir s’ il va y avoir une action, il y en aura une, la question est de savoir si elle a une chance d’avoir un peu d’efficacité ou pas.
En clair peut-on regonfler une bulle qui a crevé?
Les grandes banques sont déja dans l’après NIRP, Quantitative easing et autres politiques monétaires non conventionnelles, elles explorent des scénarios plus audacieux et pour cause, elles savent que la situation présente et son évolution prévisible sont insupportables: ce qui ne peut arriver n’arrivera pas.
Donc ces banques étudient l’hypothèse privilégiée de «l’helicopter money» relancée par Mario Draghi, par Ben Berrnanke et validée par les cris d’orfraie habituels des Allemands. La Deusche Bank pense comme nous que nous sommes au carrefour, aux cross roads. Les politiques des dernières années ont montré leurs limites. Le Japon donne l’exemple de cet échec terrible. Tout le bénéfice de l’expérience de Haruhiko Kuroda a été annulé. La Deusche Bank, comme nous, s’attend à une innovation majeure.
Nous, nous ne serions pas étonnés si les marchés donnaient un signal haussier et sortaient de la zone d’incertitude technique actuelle, le moment est opportun!
Selon la Deusche Bank «Global monetary policy is at a cross-roads».On est à un carrefour. L’expérience du Japon pointe les limites des politiques des Banques Centrales. «Japan’s experience this year demonstrates the limits of central bank policy with the bank running out of government bonds to buy, negative rates reaching their limits and inflation expectations having almost completely unwound their Abenomics move higher»… Il n’y a plus assez de fonds d’Etat à acheter, les taux négatifs ont touché leurs limites, les anticipations d’inflation généres par les Abénomics se sont effondrées.
«New developments need to be followed closely for signs of the next global policy innovation.» Les nouveaux développements doivent être suivis de près, pour déceler les signes des prochaines innovations.