L’Hotel California des taux négatifs

Article Bertez: La dette à taux négatif, c’est Hotel California !

Les taux négatifs sont une drogue dure, il n’y a qu’un sens , toujours plus. On ne peut qu’abuser de ce qui est gratuit, surtout quand c’est au détriment des autres. Les taux négatifs, c’est le comble du tiers payant si bien analysé par Milton.

On en parle souvent sous l’aspect épargne/placement pour déplorer que la rémunération des épargnants soit devenue nulle; surtout pour ceux qui sont les moins capables de supporter le risque, c’est à dire les « petits ».

On oublie l’autre versant des taux négatifs: à savoir l’incitation donnée aux gouvernements et aux états et maintenant aux Corporate à emprunter. Si cela ne vous coûte rien de vous endetter vous en usez et abusez. En baissant le coût de l’endettement, vous augmentez la demande de crédit et le volume d’émissions obligataires. Vous le faites d’autant plus facilement que vous achetez vos élections grâce aux voix que vous collectez par vos dépenses. Le Français Hollande est en train cyniquement d’en administrer la démonstration, chaque jour il ajoute à son catalogue de largesses dans la persepctive de 2017. Nous laisserons de côté l’effet nocif du crédit et de la dette sans douleur sur la mauvaise allocation du capital dans un monde qui souffre déja de surproduction et de gaspillages.

L’Allemagne avait bien vu ce phénomène, les taux bas, zéro ou négatifs sont une incitation à la dépense , aux déficits et à la dette. Mais voir clairement ne signifie pas que l’on réagisse et que l’on s’y oppose concrètement. Les Allemands sont l’hommage du vice à la vertu ou son symétrique!

Quand on entre dans l’univers enchanté des taux négatifs, on cotoie Peter Pan et la fée Clochette, on ne peut plus en sortir , en fait c’est “Hotel California”. On peut check-in , mais pas check-out. Aucun gouvernement n’est capable de supporter un retour des taux de long terme dans les normes et moyennes historiques, ce qui signifie que le financement par la production de crédit d’origine monétaire est devenue obligatoire. On ne peut retourner à un système dans lequel le crédit serait adossé à l’épargne. C’est la raison pour laquelle, la semaine dernière encore, Draghi a éprouvé le besoin de répeter que les taux allaient rester quasi nuls aussi loin que l’oeil porte à l’horizon. Rien qu’évoquer la perspective d’un retour à une rémunération normale ferait s’effondrer les marchés.

Notons en passant l’imbécilité de la thèse de Bernanke qui nous dit que les taux sont bas à cause d’un « savings glut », c’est de la mauvaise foi caractérisée car il sait bien, pour avoir lu Keynes , que dans un système ou le crédit est originé, produit par le système bancaire, il n’y a pas de limite au crédit par une quelconque raréfaction ou excédent d’épargne.

Bernanke sait bien qu’il y a longtemps que les banques ne sont plus « intermédiaire » de crédit mais « originateur ». Et puis il lui suffit de lire les travaux de la Banque d’Angleterre , notre maitre à tous en la matière. Si les taux sont bas et négatifs, c’est non pas à cause d’un excédent imaginaire d’épargne, mais parce que les Banques Centrales monétisent le crédit en général et les déficits des gouvernements en particulier. Et parce que la demande de monnaie reste forte, ce qui fait que les agents économiques ne la boudent pas. Du moins, pas encore. Lorsqu’il y aura une vraie reprise, et il y en aura une un jour, les actifs réels, les biens et les services deviendront plus désirables que le papier et on s ‘apercevra des erreurs de raisonnements des Banquiers Centraux. Il sera trop tard.

Il y a déconnection, disjonction entre le crédit et l’épargne. Donc le « savings glut », on s’en fiche. C’est un colossal piège, qui s’est refermé sur les Etats.

Mais il y a plus. Les taux zéro ou négatifs tuent les » business model » non seulement des banques, mais aussi des organismes de protection , des institutions de retraite et ils tuent les investisseurs professionnels en valeurs à revenu fixe. Ils tuent les classes moyennes.

Il n’y a plus aucune prime, aucun « spread » à gratter nulle part, tout « carry » devient insuffisant voire négatif, voire suicidaire. Il n’y a plus de « spread », plus de prime pour la durée, plus de prime pour la solvabilité, plus de prime pour l’illiquidité, plus de prime pour la volatilité. C’est la destruction du modèle même de la finance moderne qui s’effectue sous nos yeux . La seule attitude rationnelle du gestionnaire responsable, comme vient de l’expliquer le grand Bill Gross est de ne raisonner qu’en protection du capital et à la rigueur de « shorter » le crédit le plus vulnérable à un ralentissement économique lequel est inévitable. En passant notons que Gross a compris la relation qui existe entre les actions et les bonds et qu’ils les assimilent à juste titre: le raisonnement de Gross vaut pour les actions également, elles ne sont pas une alternative. C’est une fausse diversification! Voir son dernier bulletin mensuel intitulé « Bon appétit »

Le montant de la dette souveraine mondiale négociée sur le marché obligataire à des taux négatifs s’est élevé à plus de 10.000 milliards de dollars fin mai, soutenu notamment par une politique monétaire accommodante, a estimé vendredi l’agence d’évaluation financière Fitch. La dette souveraine négociée à des taux négatifs se chiffre à 10.400 milliards de dollars à fin mai, en hausse de 5% par rapport à environ 9.900 milliards de dollars en avril, selon un calcul réalisé par Fitch.

Le montant de la dette à un taux négatif sur le marché obligataire au Japon et en Italie a contribué le plus à cette augmentation sur un mois. Les taux négatifs concernent 14 pays dans le monde, selon l’agence de notation.

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