Stimulus Japonais. Retour du gouvernement aux politiques fiscales. Les réformes d’Abe seront-elles au rendez-vous?
Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a annoncé mercredi matin que son gouvernement était en train de préparer des mesures de stimulus économique à hauteur de 265 milliards de dollars.
Ce projet de dépenses est beaucoup plus important que la somme évoquée il y a quelques jours. Le ministre de l’économie, Nobuteru Ishihara, avait en effet annoncé 189.3 milliards le 12 juillet. Le projet révélé par Abe compte environ 123 milliards de mesures fiscales dont les détails ne sont pas encore déterminés, mais le discours d’Ishihara présageait l’accent mis sur la relance de l’agriculture, le tourisme, et un projet de train à lévitation magnétique.
L’annonce est considérée comme présageant d’un redoublement des mesures de relance monétaires de la part de la banque centrale Japonaise (BOJ). Le gouverneur de la banque, Haruhiko Kuroda annoncera ses propres mesures à l’issue de sa réunion de vendredi. La banque suisse UBS estime qu’il y a 50% de chances que les politiques de la banque deviennent encore plus accommodantes à l’issue de la rencontre. La banque s’attend à ce que le programme de Quantitative and Qualitative Easing (QQE) augmente de 94.6 milliards de dollars, passant à 851.8 milliards par an, et à une baisse du taux d’intérêt sur les dépôts à la BOJ, les réduisant à -0.3% contre leur niveau actuel de -0.1%.
L’une des variables les plus importantes dans la politique de la BOJ est son achat de dette souveraine japonaise (JGB). En juin, la banque détenait plus de 37% de la dette japonaise, et les prédictions restent très hésitantes quant à savoir si cette proportion augmentera suite à la réunion de la banque centrale. Constitutionnellement, elle n’a pas le droit d’acheter cette dette à son émission, mais ses achats sur le marché secondaire font qu’elle finance indirectement plus de 60% des dépenses du gouvernement depuis 2013. La question fondamentale est, évidemment, à partir de quel niveau peut-on dire que les achats de dette japonaise de la BOJ constituent une forme de «helicopter money».
Kuroda avait, au cours d’une interview en juin, annoncé qu’il n’y avait pas besoin de mettre de telles politiques en place, mais il semble maintenant que le gouvernement de Abe voit les choses autrement. Parmi les propositions du parti Komeito au budget du gouvernement japonais de mardi figurait, entre autres, un projet de distribution de 10,000 yens (95.3 dollars) pour les individus aux faibles salaires. Une hausse du salaire minimum de 24 yens (.23 dollars) est aussi proposée, et si elle était approuvée, cette hausse serait la plus forte à jamais avoir été décidée.
Toutes ces mesures illustrent la très forte coopération entre la BOJ et le gouvernement japonais. Le pays n’a cessé de tenter de nouvelles solutions pour remédier à la récession qui dure depuis maintenant depuis 25 ans. Il semble maintenant désespéré. Depuis le début du programme de QQE en 2013, la BOJ a d’acheté des obligations et des actions. Elle est maintenant gros actionnaire dans 200 des 225 compagnies de l’indice Nikkei, et elle détient 55% des titres des Exchange Traded Funds (ETFs) japonais. Pourtant, la croissance ne repart pas. L’inflation avait augmenté suite au QQE avant de rechuter en mi-2014. Fondamentalement, les mesures de Abe et de Kuroda ne semblent pas traiter les véritables problèmes de l’économie japonaise. De telles mesures fiscales et monétaires seraient probablement efficaces dans un pays en récession depuis peu longtemps, mais l’économie japonaise compte tenu de la durée de la récession est maintenant très différente.
Les consommateurs, les épargnants, et les chefs d’entreprises ont adapté leur comportement à la récession et à la déflation. Les injections monétaires japonaises, au lieu d’inciter à la dépense, fuient: elles quittent le pays immédiatement et se retrouvent dans les marches obligataires américains et européens. Les entreprises investissent peu. Certaines d’entre elles récupèrent même d’anciennes pièces d’ordinateurs dans les décharges pour réparer leur matériel informatique au lieu d’acheter de nouvelles machines. La productivité des travailleurs ne progresse guère, en raison d’une gouvernance qui met l’emphase sur la «séniorité» plutôt que le dynamisme dans ses promotions. Ce dont le Japon a véritablement besoin est la troisième planche de l’Abenomics, celle que le premier ministre n’a pas mis en place. Pour sortir du marasme, il faut des réformes structurelles, voire un changement des mentalités, les stimulus fiscaux et monétaires ne suffiront pas. Sauf peut-être à courir le risque de la sur-stimulation, c’est dire de l’aventure. Nous n’en sommes peut-être plus très loin.n