« Un soupçon de mauvaise foi à l’Elysée »

Le pouvoir est enfermé dans des schémas anciens qu’il se sent incapable d’ajuster aux configurations atroces d’aujourd’hui.

Magistrat honoraire et président de l’Institut de la parole


Cela fait longtemps que je récuse, à mon niveau modeste, ce débat dilatoire entre « le besoin de sécurité et le respect des libertés individuelles ». Il est clair que les Français l’ont évacué et pris parti, pour sauvegarder la sécurité de tous contre l’islamisme meurtrier, en faveur, s’il le faut, d’une diminution de la liberté de chacun. C’est une adhésion massive à la fois au bon sens et à l’efficacité pénale et sociale.

Le pouvoir, sauf à mépriser cette conviction majoritaire, ne peut plus se réfugier derrière des arguties qui accordent la réalité d’un combat à l’obligation de limites prétendues. Il ne s’agit en aucun cas de soutenir qu’une éradication totale de la malfaisance terroriste est possible mais de placer les gouvernants d’aujourd’hui face à leurs responsabilités : laisser croire qu’on fait tout quand on se complaît à n’évoquer que les freins ou qu’on en invente !

À ce titre, on ne peut que dénoncer le caractère démobilisateur d’un propos présidentiel qui est trop ressassé pour ne pas constituer une conviction forte de François Hollande. Celui qui se rapporte à l’union nationale et à son souci de la cohésion sociale.

Il n’y aurait pas forcément de la mauvaise foi dans une telle approche, seulement une illusion pour se donner bonne conscience, si un conseiller de l’Élysée, bien sûr anonyme, ne révélait pas la stratégie purement électoraliste d’un affrontement prétendu idéologique entre, pour aller vite, les humanistes du pouvoir et la multitude des citoyens.

Que déclare cet éclaireur du président de la République ?

L’opposition non seulement n’aurait « pas respecté la dignité qu’on doit aux victimes » – ce qui est déjà un reproche scandaleux – mais, pire, elle serait porteuse d’un programme antirépublicain.

« … Leur solution n’est pas de mettre plus de forces sur le terrain, c’est au fond d’en terminer avec la présence des immigrés et des musulmans. Ils veulent en finir avec le droit… Ils diront : « On ne veut plus de voile, plus d’imams, plus d’étrangers. » Et nous, nous défendrons les lois de la République… Leur ligne, c’est mieux vaut perdre l’État de droit que perdre la vie… Nous, c’est pour la vie en commun, pour la vie tout court, vive l’État de droit ».

Une telle caricature est une honte.

Elle brosse à gros traits délibérés un contraste éclatant entre le bien d’un côté et le mal de l’autre en imputant aux adversaires du pouvoir des dénonciations sommaires, globales et des envies d’exclusions radicales. Tout cela est proféré en pleine conscience de l’absurdité du procès qui, lui, franchement, à cause de son outrance inepte, n’a rien de républicain.

Cette charge grossière est cependant symptomatique de la conception que l’Élysée se fait de l’État de droit. L’alternative ne serait qu’entre lui, sa pureté mais sa faiblesse et une répression sauvage et imbécile. Cette représentation manifeste à quel point le pouvoir est enfermé dans des schémas anciens qu’il se sent incapable d’ajuster aux configurations atroces d’aujourd’hui. Ainsi, nous n’aurions pas droit à une démocratie à la fois respectable et vigoureuse, sans complaisance aucune pour le terrorisme et la délinquance ordinaire. Liés l’un à l’autre.

Extrait de : L’Elysée contre les Français ?

Laisser un commentaire