Editorial: vers un bilan de la Fed de 10 trillions, il est grand temps de se révolter

La presse et les marchés sont à courte et très courte vue. Les autorités également, elles qui se sont toutes ralliées à l’idée que »le long terme est une succession de courts termes »;

Nous ne mangeons pas de pain là. Nous faisons du court terme certes  presque de façon didactique pour permettre au lecteur de faire le lien entre ce qu’il voit et ce qui se déroule. Mais notre démarche est une vraie démarche de long terme: nous mettons à jour des forces, des élements qui gouvernent le long terme.

C’est ce qui nous permet depuis le début de la GFC puis de la GEC de ne pas nous être trompé.  Dès 2009, puis encore en 2011, lorsque nous n’avons pas cru à l’Exit. Nous avons vu juste, à la fois sur le fait que la crise allait durer très très longtemps, sur le fait que la politique engagée n’avait pas d’issue et que l’on ne retournerait pas en arrière et enfin sur le fait que la crise allait remonter aux institutions, aux structures, au politique, au social et au géopolitique. L’enjeu de toute crise est conflictuel, il s’agit toujours en dernière analyse de savoir: qui va payer?

La crise va même modifer nos façons de penser , pas seulement les théories, mais la culture.

Au passage nous avons seriné que les bulles n’en étaient pas vraiment car il n’y avait nulle « mania », mais un entonnoir, l’entonnoir de la répression financière,  mis en place cyniquement qui visait à forcer les détenteurs de capitaux à rechercher le rendement à tout prix, au fur et à mesure que les banques centrales le rendaient plus rare.

Nous avons soutenu que tout ceci était là pour durer. Ce n’était pas un intermède, non c’était une nouvelle phase de l’histoire. Il n’y a pas de « bulles » avons nous sans cesse écrit tant que les politiques monétaires restent ce qu’elles sont:  c’est la masse de liquidités dans le monde et les taux administrés, nuls ou négatifs qui, mécaniquement font gonfler la valeur des assets financiers. C’est un monde nouveau que celui ou les autorités ont unifié et pris le contôle du  champ des assets financiers et réussi  à faire en sorte que leur valeur ne soit plus que relative  et non plus fondamentale;  que leur valeur dépende de la valeur des autres assets et non pas du Réel sous jacent. La Bourse est un jeu à l’intérieur d’un univers dont les Banques cenrtales ont pris le contrôle.

Nous avons soutenu que nous étions entré dans  un autre système politique et social au dela, par dela le capitalisme et le socialisme, dans  un système  de capitalo-socialisme monétaire administré, piloté par un quarteron monopolistique de Maîtres auto proclamés, cooptés, libérés de tout contrôle et par conséquence privés de toute légitimité. Les débats pour les contester ne suffisent plus, car ils ont tué toute critique, ils ont imposé une parole dite « d’autorité » qui évacue toute remise en question. Non seulement , ils sont dans une névrose, comme les mouches dans une bouteille, mais ils ont réussi à y faire pénétrer une masse colossale de complices qui font l’opinion.

Nous soutenons que le problème est maintenant politique et que cette prise de pouvoir par un « quarteron d’individus félons » doit être traitée au niveau ou elle se situe: le niveau politique.

Ils font de la politique, ils ne gèrent pas la monnaie. Et nous sommes dans une mécanique infernale;  leurs théories sont fausses, ils échouent, mais leur échec ne leur sert qu’à une chose:  aller plus loin, en  faire plus, s’octroyer plus de pouvoir et rendre l’évolution irréversible.

Ils ont échoué, c’est une évidence puisque l’on ne peut retourner à la situation qui prévalait avant la crise de 2008, on a besoin des béquilles  même pas pour marcher, pour stagner. Et pourtant Yellen ose dire en substance: « comme nous approchons de nos buts, il est temps  de tirer les leçons de ce que nous avons appris, pour conduire la politique monétaire future ». Mais attention ces leçons ne servent pas à revenir en arrière, mais à fournir des justifications … pour aller encore plus loin!

Ce que fait Yellen au dela d’agiter le chiffon rouge pour la Communauté Spéculative Mondiale qui attend de savoir si elle doit acheter ou vendre, ce que fait Yellen, c’est poser les bases d’une politique monétaire durablement « dovish », durablement inflationniste! D’une politique monétaire qui rationalise le fait que l’on ne peut plus en sortir. Le long terme, c’est une succession de courts termes, le long terme c’est la ratification, l’enracinement des politiques, des outils, des idées de court terme.  Et personne ne lit, personne ne va au dela de l’attrappe nigaud que constitue le montera/montera pas les taux, alors que Yellen  dans  son intervention , bien titrée, bien annoncée, parle, écrit pour l’Histoire, elle pose méthodiquement les bases, les bases analytiques, d’un système dans  lequel les banques centrales conservent et entretiennent un bilan de dimension colossale et n’envisagent plus de le contracter.

Yellen pose les bases d’un système durable, qui repose sur l’utilisation du bilan des banques centrales pour résoudre tous les problèmes, faire face à toutes les incertitudes et traiter tous les accidents. C’est une institutionnalisation de l’exceptionnel. Ce qui n’était qu’une Expérience, si on la suit, va devenir la régle, le modus operandi régulier et commun. Le chèque en blanc signé, sous l’emprise de la panique de 2008, va être perpétuel, sans  limite de validité, sans  montant, il va être vraiment chèque en blanc. Les pleins pouvoirs. La tyrannie. Ils vont jongler avec les trillions, pire que « le capitalisme, qui joue aux dès notre royaume! »

En 2008, les banquiers centraux ont pris le pouvoir, ils ont déplacé, transferé plus de ressources que jamais les guerres et les politiciens n’avaient réussi à le faire. En 2011, ils devaient stopper, rendre leur mandat, rendre le chèque en blance, non seulement, à cause de leur échec ils ne l’ont pas fait, mais ils ont  doublé et quadruplé; le bilan de la Fed a explosé à 4,5 trillions et plus! Nous prenons date: dans  l’état actuel de fragilité des marchés financiers, dans  l’état actuel des déséquilibres économiques de toutes sortes, dans  l’état actuel d’incurie des hommes politiques, dans l’état actuel des risques disimulés, il faudra dans le moyen terme passer à un bilan de la Fed de … 10 trillions. C’est mathématique c’est à dire prudent, cela ne tient pas compte des risques supplémentaires « d’overshooting » lors d’un accident. Nous prenons date: 10 trillions de « backstop » il faudra. Et on achètera la pourriture qui s’est accumulée tout au long  de ces années de  « search for yield », toute la pourriture qui ne peut résister à un simple ralentissement , même modéré.  On achétera tout, les emprunts Corporate, les créances bidons de l’ingénierie malthusienne qui s’est développée comme un cancer.

La Fed s’est mise dans  un corner, elle n’a plus de marge de manoeuvre sur les taux, elle le dit elle même. Les simulations faites par Reifschneider, reprises pat Yellen  « Gauging the ability of the FOMC to respond to future récessions »sont claires: « si on n’a pas la possibilité de couper radicalement  les taux d’intérêt, il faut compenser par des achats d’assets beaucoup plus agressifs et des « forward guidances », (des promesses de taux longs trés bas.) « . Les simulations sur lesquelles Yellen s’appuie avancent  une estimation de 4 trillions d’achats de titres, nous, nous les évaluons à 10 trillions minimum. Et ce ne sera que le début car l’absencede flexibilité sur les taux dont la Fed se plaint, ne va pouvoir que s’accentuer, plus le bilan de la Fed sera gigantestque, plus le marché financier sera surévalué, plus la pourriture sera répandue dans le crédit et l’ingénierie, plus la rigidité va augmenter, on ne pourra supporter le moindre soufle de vent de normalisation, l’édifice sera trop fragile avec des fondations pourries.

La Fed s’est trompée sur tout, absolument tout, voila la vérité. Elle a été incapable de voir venir la crise, elle a été incapable d’en analyser les causes, elle a été incapable d’en apprécier les effets de contagion, elle a reflaté une bulle immobilière, elle a souflé une bulle des fonds d’état, elle a supprimé toute fonction de découverte des prix du risque, elle a produit une croissance lente, déséquilibrée, elle a raté ses objectifs d’inflation, elle a alimenté la plus grande vague d’inégalités jamais élévée dans l’Histoire. Elle a propagé  l’immoralité, le « moral hazard », provoqué la montée du populisme et finalement disloqué le système politique.  Voila le résultat de son action et il est tel que beaucoup se rallient aux thèses conspirationnistes et  croient que cela est volontaire, que  cela est la manifestation d’une stratégie  de chaos. Un des gouverneurs le plus honnête n’y est pas allé par quatre chemins, il s’agit du dissident Eric Rosengreen: « L’économie et les marchés financiers ne sont pas aussi stables que nous l’avions assumé ». On ne peut mieux dire, en langage bien sur diplomatique, que le jugement de ces gens  est défaillant et qu’ils nous le font payer.

 

 

2 réflexions sur “Editorial: vers un bilan de la Fed de 10 trillions, il est grand temps de se révolter

  1. Je ne pense pas que ce soit conspirationniste de penser que c’est volontaire, en effet, vous dites vous même qu ils font de la politique, qu ils veulent plus de pouvoir, c est là ou je ne vous comprends plus.

    J’aime

    1. Réflechissez, ce n’est pas parce que c’est volontaire que cela a fait l’objet d’une conspiration. Il n’y a pas réunion secrète de ces gens pour comploter!

      La convergence est objective, elle vient du fait que tous ont eu le même professeur, Stanley Fischer au MIT et que Stanley Fischer lui même a repris les idées de son professeur, un autre maître, Samuelson. C’est une pensée consanguine, monopolistique. Il s’est ajouté à ces influences celle de Friemdan revu par Bernanke.

      Plutot que dans des conspirations, nous sommes dans des filiations.

      J’aime

Laisser un commentaire