L’impossible victoire de Trump
Agefi Suisse
Les élites américaines ne sont pas irresponsables. Une très rude prise de conscience va déboucher sur une reprise en mains.
Il en va des élections comme des marchés. Depuis longtemps, l’argument pour prédire le comportement des marchés est téléonomique; il se formule: «ils» ne peuvent prendre le risque de le laisser baisser. Beaucoup s’en contentent, nous ne nous arrêtons pas là.
Nous avons abandonné le système des causes pour nous installer dans celui des Projets. Nous sommes dans un monde d’inversion, ce ne sont pas les causes qui commandent mais les «fins». Bien entendu cela veut dire que ce monde est magique et que tôt ou tard, il sera soumis à l’épreuve de Réalité. Mais il faut laisser du temps au temps de l’histoire, ce que les opérateurs des marchés et les analystes des médias ne font pas, ils actualisent tout, c’est à dire qu’ils tombent dans ce que nous avons désigné sous ce barbarisme/ néologisme, ils tombent dans «le présentisme». C’est le contraire de ce que font les sages.
S’agissant des élections américaines, nous avons suivi la même ligne de pensée, Trump ne peut gagner, «ils» ne le laisseront pas gagner. «Ils» ce ne sont pas les personnes, bien sur, «ils» désigne «le système».
Laissons de coté les raisons qui nous poussent à affirmer que l’on ne peut laisser gagner Trump, elles sont multiples, mais se résument à ceci: c’est la survie du système qui serait mise en danger. Or un système n’a qu’un objectif, se maintenir, se reproduire dans son être. La logique du vivant, c’est de vivre. Il est fragile, complexe et déjà il ne tient que par un miracle renouvelé quasi quotidiennement. Un choc du type Trump, ne peut être absorbé en l’état actuel d’instabilité du monde.
A partir du moment ou nous nous trouvons dans le «coûte que coûte», il faut imaginer que Trump ne sera pas élu et se poser les questions différemment: que peut il se passer avec un président illégitime, faible, non crédible, «lame duck» dès le départ de son mandat; alors que les Etats-Unis ont besoin à la fois d’une reprise en mains ferme, d’une restauration de la fonction présidentielle, de la mise en place de nouvelles lignes en matière de politique économique et sociale, d’une clarification ou redéfinition de leur politique étrangère, d’un consensus bi-partisan sur beaucoup de points. Entre autres le point fiscal. Le monde attend un nouveau leadership.
Les Etats -Unis sont au milieu du gué, tout est en attente, et pour passer de l’autre côté de la rive, le futur président a absolument besoin que le peuple soit derrière lui. Plus que jamais! En raison de la fragilité économique, en raison des inégalités, en raison d’une reprise de carton pate, d’une situation fiscale qui elle, est authentiquement déplorable, en raison d’une image très dégradée dans le monde etc, etc. Il faut prendre des décisions, et toutes sont douloureuses. Aussi bien celles de politique intérieure que celles de politique étrangère. Poursuivre sur la lancée, n’est pas une option car la lancée conduirait aux problèmes actuels, puissance dix. Et la fois prochaine, ce ne sera peut-être plus gérable par les artifices et les tricheries.
Ce que nous voulons suggérer, c’est que rapidement, dans les anticipations il faut tourner la page de l’élection et se projeter dans la situation telle qu’elle s’est révélée ces derniers mois. Nous prétendons que les élites américaines ne sont pas nulles, ou irresponsables et que ce qui vient de se passer à été une très rude prise de conscience, et que cette prise de conscience va déboucher sur une reprise en mains. Nous ne croyons pas au chien crevé au fil de l’eau comme c’est le cas par exemple en France, nous croyons à un changement de direction. Les élites ont senti passer le vent du boulet et elles vont se mettre au travail. Gare à ceux qui misent sur la continuité et la dégringolade de la pente comme les Européens.
Cette reprise en mains peut elle être menée avec Clinton? Bien sur que non pour toutes les raisons que nous avons listées, mais surtout parce que c’est une personne, une image du passé et que l’on ne peut changer d’orientation sans changer de figure de proue. Clinton est le symbole de tout ce qu’il faut rejeter, de tout ce dont il faut se débarrasser et aucun Think Tank, aucun groupe social, aucun bailleur de fonds n’est, au fond, disposé à miser sur elle; elle est là, par défaut, en intérim.
Rien ne presse cependant, car il faut élaborer, arbitrer, trouver des consensus au sein de cet ensemble complexe de personnes et de groupes et de classes qui contrôlent le pays. Nous n’employons pas le terme de «Deep State» à dessein, car le processus va aller largement déborder ce «Deep State», même si c’est lui qui va tenter de le piloter par réaction de défense.
Le «Deep State»actuel a failli, comme ses idéologues, ses économistes et ses politiciens. Ils vont tous tenter de rester en place bien sûr, voire de conduire le changement, mais nous pressentons qu’ils seront balayés et qu’ils n’y parviendront pas.
La concurrence est rude aux Etats-Unis quoi que l’on en pense.
Et elle est vivifiante. Régénératrice. Le serpent survit de sa mue…n
