L’erreur clé des Trumponomics
Faux diagnostique de la crise. La rentabilité réelle de tous les papiers financiers va être réduite à zéro à horizon de 12 ans douze ans.
Le marché des actions américain a continué de grimper et la plupart des grands indices sont maintenant en même temps, au plus haut, ce qui est rare. Le momentum et les marchands de titres des établissements de la profession financière ont pris la main et il faut bien faire les bonus de fin d’année n’est-ce pas! Les scrupules, on verra plus tard. Ce texte ne doit être lu qu’après lecture et relecture de notre texte récent (L’Agefi du 22 novembre), qui porte synthèse de notre analyse des Trumponomics. Notre conclusion, nous vous la rappelons est que la communauté spéculative mondiale tire un «coup de fusil» à la faveur de la conjonction de deux éléments:
l la perspective d’une stimulation keynésienne qui va hausser le taux de croissance;
l la montée des taux d’intérêt administrés.
Cette conjonction fait vendre les obligations et acheter les actions, introduit une grande rotation qui masque la réalité: les actifs financiers devraient en bonne logique baisser en raison:
-1) du renchérissement du crédit;
-2) de l’accroissement prévisible de l’inflation;
-3) de la montée des primes de risque nécessaire pour compenser la mise en difficultés du système mondial et des émergents.
La conclusion de notre synthèse était à la fois ferme et nuancée: ferme car les Trumponomics ne sont pas la solution à la crise qui s’est révélée en 2008, nuancée car personne ne sait quand les illusions seront dissipées. L’une des inconnues majeures est le degré de collaboration de la Fed à cette politique des Trumponomics.
Le capital financier a voulu saisir une opportunité, c’est maintenant évident. A juste titre, il a jugé qu’il valait mieux faire un bout de chemin avec Trump, plutôt que de s’opposer à lui. Les baisses d’impôts l’enchantent; la réduction des régulations bancaire l’enthousiasme; les projets de dépenses d’infrastructures subventionnées lui font miroiter des cadeaux qui, avec peu de capitaux propres, vont générer de gros profits.
En fait, sous des dehors populistes, les Trumponomics ont un petit côté Crony, c’est à dire un côté favorable «aux 1%» très net. Le peuple, si cela fonctionne, bénéficiera du «trickle down», c’est à dire des éventuelles retombées.
L’erreur majeure des Trumponomics est théorique, elles font un diagnostic faux de la crise, et à ce titre, elles ne font que prolonger les erreurs précédentes sous une autre forme. Les Trumponomics ne rétablissent pas le taux de profit structurel de l’économie américaine et en même temps ne rétablissent pas une propension suffisante à l’épargne, ce qui fait qu’elles reposent sur l’accélération de la fuite en avant dans le crédit et la suraccumulation de capital fictif. Nous y reviendront. Simplement, au lieu de considérer que la correction des déséquilibres dépend des Etats-Unis, les Trumponomics considèrent que cette correction doit être faite par les autres, par les partenaires mondiaux, et elles les punissent en conséquence.
Ne vous étonnez pas de notre sévérité. Nous sommes certes favorables au populisme en tant que moteur du changement politique post-crise, pour chahuter le bi-partisme social démocrate, mais nous n’avons jamais un seul instant cru que ses leaders étaient capables de redresser la situation et de prendre les bonnes mesures. Le populisme est un moment de l’histoire, un coup d’arrêt, une étape, que nous qualifions de destructrice, pour éviter le mot «négative». Le populisme, partout, a vocation non pas à gérer mais à bouleverser l’ordre ancien, un point c’est tout.
Sur les mesures prévues et à prendre, il y a un aspect opportuniste, comme la relance artificielle de la demande, certes, une occasion de bousculer l’édifice, mais absolument pas de solution. C’est du «kick the can fiscal» qui relaie du «kick the can monétaire» et accroit les contradictions des deux! «America first», c’est un beau slogan, mais totalement irresponsable dans un monde dont l’interdépendance monétaire, financière, commerciale a été poussée très loin depuis 35 ans. «America first»est même une imbécillité dans un monde ou la monnaie mondiale est «le dollar», c’est à dire une monnaie crée par le levier, le crédit, bref par le risk-on et la capacité bilantielle des établissements TBTF. Capacité bilantielle qui ne peut se maintenir que si le risk est «on» et la volatilité maitrisée. Les Trumponomics vont durcir la déglobalisation, attiser les affrontements commerciaux et monétaires, contribuer à creuser les failles, peut être aussi à raréfier la liquidité globale. L’aspect positif d’America first, c’est le coup d’arrêt à une forme de globalisation financière qui ne profitait qu’à une minorité kleptocratique. L’aspect positif, c’est la mise en question des élites qui ont failli.
Ceci signifie qu’en termes d’investissement, de vrai investissement, comme pour une retraite par exemple, nous continuons de nous en tenir à notre pronostic: tout est surévalué de 40 à 50%, la rentabilité réelle de tous les papiers financiers sera nulle, sur une durée de 12 ans, et entre temps il y aura des chutes, des accès de volatilité qui ruineront la plus grande partie des détenteurs de portefeuille.