Impossible réconciliation avec la ligne de tendance historique

Impossible réconciliation avec la ligne de tendance historique

Agefi Suisse
VENDREDI, 16.12.2016

économie mondiale. Il n’y a pas de franche reprise ou de franche récession. Les cycles habituels ont disparu.

Bruno Bertez

La Fed a décidé de jouer la carte de la neutralité vis-à-vis de Trump. C’est une bonne stratégie. Tout autre choix aurait été contre-productif. Elle a monté les taux comme prévu, ajusté marginalement ses prévisions et son discours, rien de plus.

Le court et moyen terme est positif pour l’économie américaine. Les doutes que l’on pouvait nourrir il y a quelques mois sur la poursuite d’une croissance modérée sont levés, les indicateurs convergent vers une poursuite de cette croissance modeste, erratique, sans momentum, mais croissance positive tout de même. Et c’est ce qui convient à la Fed: cela permet, selon les besoins, de voir quelque fois le verre a moitié plein ou à moitié vide.

Beaucoup de Cassandre s’attendaient au vu des chiffres de 2015 et du début 2016, à un glissement vers la récession. Ils ont été déçus parce que, au fond, ils n’étaient pas neutres. Ils souhaitent cette récession, comme une  sorte de vengeance, une sorte de «je vous l’avais bien dit». Ceux-là retournent leur veste en ce moment. Ils jettent l’éponge, ils se rallient à la loi du plus fort. C’est une sorte de capitulation intellectuelle.

La réalité est que ni le pessimisme ni l’optimisme ne sont de mise: nous continuons non pas sur la même lancée, car il n’y a pas de lancée, non continuons dans le même pataugeage économique que celui qui a forcé la Fed à procéder aux QE: il n’y a pas de franche reprise ou de franche récession. Les cycles habituels ont disparu. Il y a de bons mois et il y en a de mauvais;  il y a de bons indicateurs et il  y en a de médiocres. Les deux points positifs à retenir sont l’amélioration sur le front du pétrole et l’arrêt de la dégradation/destruction  du capital bancaire.

Carney de la BOE a mis le doigt sur le vrai problème économique post 2009: c’est l’impossibilité à rejoindre les lignes de tendance antérieures, historiques. On reste très en deçà et tout temps qui passe est une perte de production de richesses potentielles qui se cumule.

Le mal, c’est une sorte de gaspillage, une sorte  de manque à gagner. Selon lui on est à 9% déjà en dessous des productions qui devraient être les nôtres si les tendances anciennes avaient été respectées.  Bien entendu il fait un mauvais diagnostic idéologique sur cet état de fait et c’est normal. Il ne peut reconnaître que toute cette situation est la faute, la responsabilité de la politique monétaire inflationniste de fuite en avant; il ne peut reconnaître que ce qui empêche la reprise cyclique normale et le retour aux tendances longues, c’est le poids sans cesse croissant du boulet des dettes et la difficulté de plus en plus grande à réaliser/maintenir  le taux de profit dans le système actuel de «kick the can». Le capital fictif et improductif, de poids mort, continue de s’accumuler non plus en raison des intérêts composés, mais en raison de l’inflationnisme monétaire qui se dirige vers les assets financiers et non vers l’équipement productif.

Notre position est contrastée; nous sommes plutôt positifs sur le court terme, mais plus réservé sur le moyen et long terme.

Sur le court terme nous bénéficions encore des décisions qui ont été prises lors du consensus de Shanghai en février dernier. Et il faut ajouter l’impact psychologique de l’élection de Trump. Avec les espoirs qu’elle fait naître.

Sur le moyen terme, nous envisageons des perturbations dans le système mondial en raison de la hausse du dollar, de la hausse des taux et de la fragilité  de ce que l’on appelle le reste du monde (ROW), y compris la Chine. Nous pensons que l’amélioration américaine se fait et va se faire au détriment du ROW et que celui ci risque un resserrement des conditions financières. America First fait payer en quelque sorte une amélioration relative de la situation US au reste du monde.

Sur le long terme, nous estimons que même si le programme de Trump comporte des aspects positifs partiels, il ne résout aucun des problèmes fondamentaux aussi bien des USA que du ROW et, qu’au contraire, il va assez rapidement les aggraver. Sur le long terme, Trump n’a aucune solution concernant la faible productivité, le chômage structurel, la démographie, le surendettement et l’insuffisance du taux de profit  qui oblige à peser sur la part des salariés dans le revenu national. Aucune solution pour passer d’une économie de dettes à une économie de revenus gagnés. La question de l’affrontement avec la Chine se précise, elle est bien plus grave que celle des relations avec la Russie car son importance économique est sans comparaison.

La forme  que prendra l’échec n’est pas définie par avance car nous ignorons l’issue du combat qui va se dérouler entre une certaine conception de l’avenir du monde global et  celle de Trump. L’une des premières indications viendra d’ici quelques mois, on les percevra au travers des choix qui seront faits par  la Fed de coopérer avec Trump en  monétisant la politique ou bien de son choix de la fracasser contre le mur de l’argent.n

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