Le grand penseur Arnold Schwarzenegger nous a enseigné que « c’est quand cela commence à faire mal que cela fait du bien ». Il parlait de la gonflette musculaire et du body-building. Nous l’avons appliqué aux marchés financiers sous forme d’une sorte de théorie « contrariante »: « c’est quand les investisseurs sérieux, les value- investors commencent à perdre leurs clients que l’on peut diagnostiquer la vraie capitulation » , la vraie capitulation c’est le commencement de la fin. De la fin du bull market.
Les grands, les géants du value investing perdent leurs clients, leur conviction dans leur choix de principe vacille. C’est ce que nous diagnostiquons: cela fait mal. Les « investisseurs » chassent le momentum, ils ne peuvent plus résister à la non-performance, c’est leur carrière et leur survie en tant que gérant qui est en jeu. Donc progressivement, ils lâchent prise. Avec des habillages divers, des argumentaires plus ou moins fallacieux, ils jettent l’éponge et pour retenir les clients, ils bifurquent. Dans le monde de la Great Experiment , le gestionnaire qui conserve ses principes et ses règles contre-performe . Celui qui est sérieux, qui travaille, qui est intelligent et qui se sert de modèles testés et expérimentés, celui là perd. Il perd sur ses portefeuilles et donc sur a clientèle. son fond de commerce rétrécit. Les naïfs, les suiveurs du momentum, les moutonniers gagnent.
Nous avons interprété la vogue de la gestion passive, indicielle, celle des ETF etc comme un phénomène de suivisme, un symptôme de recherche de la performance à tout prix, comme en fait le signal d’une fin de période.
Nous avons écrit il y a peu que le facteur risque devenait colossal avec des marchés très surévalués selon les normes historiques et une période de transition politique, économique, financière, monétaire et donc systémique qui se profilait.
Le risque n’est pas à son prix, même si les valorisations théoriques hors risque sont encore soutenables. Nous avons dit que c’était précisément dans cette période qu’il fallait revenir à la gestion active, intelligente, éprouvée, sélective. C’est quand l’allocation du capital a été délirante que ceux qui corrigent les défaillances sont récompensés.
Tout a une fin, tous les cycles se terminent un jour, inutile de répéter cette évidence. C’est lorsque le nombre des rebelles, le nombre des résistants à la tentation du suivisme, c’est lorsque les nerfs de ces gens auront été mis à très lourde épreuve et que beaucoup auront craqué que le dernier carré, alors engrangera le bénéfice qui aurait du revenir à toute cette communauté des récalcitrants. Ils ramasseront toutes les mises. Mais leur nombre sera très réduit.
Les gérants professionnels sont faibles, contrairement à ce que l’on croit. ils ne peuvent résister longtemps à la pression de la concurrence, à la pression de l’exemple, de la publicité et à la dictature des bench marks. Celui qui peut tenir est celui qui a une clientèle de qualité exceptionnelle, une clientèle avec laquelle il est en phase, avec laquelle il communie et communique. Une clientèle qui ne se considère pas comme faisant partie du système du tiers payant, mais qui considère que c’est son argent et qui a donc la même répugnance pour le risque non rémunéré. Le professionnalisme , la professionnalisation ont fortement modifié l’acte d’investissement en généralisant deux choses:
-d’abord le tiers payant, on joue avec l’argent des autres
et ensuite
-la compétition, la concurrence.
Le professionnalisme, le fait d’en faire un métier, ne permet pas d’échapper à la destruction, il oblige à rester « all in », dedans, exposé.
Jeremy Grantham est l’un des meilleurs. Pas seulement en tant que gérant, mais aussi sur le plan humain, éthique. Il est à classer dans notre catégorie « des gens bien ». C’est un investisseur value, qui a des convictions, une méthode de travail qui a fait ses preuves dans les circonstances les plus difficiles. Et ce n’était pas le fait du hasard, pas un coup de chance, non. Selon le WSJ, sa firme GMO a vu fondre la masse des fonds sous gestion de 35% en deux ans et demi. La masse sous gestion a chuté à 80 millards venant de 124 en Juin 2014. Il a du licencier 65 personnes soit 10% des effectifs.
Le GMO Benchmark Free Allocation Fund a fait + 3,4% en 2016, ce qui se compare à +5,7% pour ses pairs et +12% pour l’indice S&P 500 dividendes réinvestis. En refusant de prendre des risques qui n’étaient pas rémunérés, les fonds de Grantham ont subi une hémoragie.
La profession ne peut s’écarter durablement des comportements moyens et c’est la dessus que comptent les autorités. Contrairement à ce que l’on professe, l’argent sur les marchés est un argent de court terme ! Pourquoi? parce que si vous ne performez pas dans le court terme comme vos pairs, vous êtes laminés. Et c’est catastrophique pour l’allocation efficace du capital, car très peu de gens ont la capacité intellectuelle , morale et nerveuse pour tenir une vision de long terme. Le fameux » don’t fight the Fed » s’analyse autour de ces idées, la Fed peut vous mettre à l’envers du marché pendant très longtemps, beaucoup plus longtemps que vous, vous ne pouvez tenir, donc vous cédez, vous pliez, vous passez par ses fourches caudines, vous faites ce qu’elle veut.
La revanche contre la Fed sera très payante, mais pour une minorité très restreinte.