Editorial: pourquoi le capital nous impose des Macron

Vous savez que la base de notre cadre analytique est le taux de profit ou plutôt son insuffisance. Nous sommes en système capitaliste, et même si il a muté dans la perversité financière, le profit est le moteur de ce système capitaliste.

La finance et l’ingénierie financière sont d’ailleurs un moyen, pervers je le répète, de combler l’insuffisance de  la profitabilité. Le levier, par exemple, le recours à la dette est un moyen d’essayer de maintenir ou d’améliorer le taux de profit.

C’est parce que la réalisation du profit souhaité ou imposée n’est pas au rendez vous que le système s’est détourné de sa vocation productive et qu’il a évolué vers la finance et le jeu financier. La financiarisation est un produit de l’insuffisance de la profitabilité du capital total, ce capital  qui est à la recherche de son profit dans le système.

Pour ceux qui en doutent il suffit de rappeler cette sorte de grève de l’investissement productif qui sévit depuis le début des années 80, l’année 82 plus exactement: les rachats d’action et distributions de dividendes croissants   qui ne sont rien d’autres que  des réductions du capital .  Le phénomène a démarré en 1982, puis  s’est amplifié en 2004 et n’a cessé de croitre depuis 2010 , à la faveur de la chute des taux d’intérêt provoquée par la déflation. Si le capital n’investit pas, c’est parce qu’il n’y a pas intérêt, c’est parce que la profitabilité n’est pas assez forte pour lui, compte tenu du facteur risque. Le capital ne se prive jamais, quand c’est attrayant, de gagner de l’argent! C’est sa fonction, sa raison d’être.

La déflation dont il est question ci dessus, n’est, au delà du politiquement correct, que l’autre nom de la crise de surproduction ou encore  c’est l’autre nom de l’insuffisance  de la demande. Chut, il ne faut pas le dire car il ne faut qu’il  soit su que le monde souffre d’une crise de surproduction, cela paraîtrait scandaleux.

C’est pourtant la réalité, le monde préfère ne pas produire parce que si il produisait plus, le profit ne serait pas suffisant. Il n’est pas rentable, au taux de profit actuel, de mettre au travail trop de capital productif pour produire plus.  Et tout se passe donc comme si on voulait maintenir le taux de profit et la valeur  du capital en adoptant une attitude malthusienne,  en réfrenant  son désir d’investir.

La financiarisation est un sorte de symptôme la tentative du capital,  de la masse de capital d’échapper à la dévalorisation ou à la destruction. Les cash flows disponibles sont excédentaires par rapport aux occasions d’investissement productif rentables et on les utilise soit pour distribuer des dividendes, soit pour faire de l’ingénierie financière et en particuler des rachats d’ actions, des buy backs. Le fait que le crédit soit abondant et quasi gratuit renforce cette tendance puisque l’on peut en plus s’endetter pour presque rien pour « booster » la valeur de son capital en le rachetant.

Cette grève de l’investissement que consituent  les  rachats d’action et la distribution forte de dividendes  est la manifestation  même de cette insuffisante profitabilité du capital.

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Le paradoxe est que la perception des économistes classiques, des gouvernements, des banques centrales et des médias est que,  au contraire de ce que je soutiens,   les profits seraient  trop élévés. En quelque sorte , selon ces hurluberlus, la déflation viendrait du fait que les profits sont trop élévés. La répartition de la valeur ajoutée serait trop déséquilibrée en faveur du capital et au détriment du facteur travail. Et bien entendu, nos zozos mettent en avant le fait que la part de la valeur ajoutée qui revient au capital est historiquement très élevées, presque à un niveau record aux Etats Unis! C’est l’argument des keynésiens plus ou moins néo et plus ou moins sociaux démocrates , des Stiglitz, Piketty  et autres. Ce serait la répartition des revenus et de la valeur ajoutée qui serait la cause de nos problèmes. Et ils jettent au visage les trésors de guerre, les trésoreries fantastiques des sociétés sans se rendre compte qu’en fait ils détruisent leurs arguments et abondent dans notre sens: si les firmes conservent leur cash flow disponible excédentaire sous forme de trésorerie et n’en font rien, si elles conservent un trésor comme Harpagon, c’est parce qu’elles n’ont pas d’opportunité suffisamment attrayante pour l’employer productivement ! C’est parce que les opportunités d’investissement productif au taux de profit souhaité/exigé  sont réduites.

La crise de la croissance lente, de l’investissement anémique , ce n’est rien d ‘autre  qu’une crise des opportunités d’investissement,  c’est à dire une crise de la profitabilité, c’est à dire qu’il n’y a pas assez de profit pour rentabiliser tout le capital et que cela incite à ne pas en mettre plus au travail.

Pour une même unité de production tout se passe comme si la quantité de capital qu’il fallait employer avait monté trop vite, trop vite pour le profit que l’on pouvait retirer. Il y a une course depuis 1982 entre d’un côté la progression des chiffres d’affaires, les revenus et la masse de ce qui a le statut de capital et qui prétend à son profit. Notre système pour tourner est devenu trop gourmand   en capital;  il lui en faut trop et cela l’asphyxie car le profit n’arrive pas à suivre. L’un prend l’ascenseur, c’est le capital et l’autre prend les escaliers, ce sont les profits. .

Un article du Guardian, journal libéral tombe dans le piège. Larry Elliott s’étonne du fait que les firmes croulent sous le cash,  n’investissent pas et néanmoins enregistrent des profits records. Le pauvre il ne comprend pas! Il ne sait pas comment le système fonctionne. Notre économiste oublie l’essentiel: les profits par rapport aux ventes et aux chiffres d’affaires sont élevés, mais cela n’a que peu à voir avec la profitabilité.

La profitabilité qui est le critère d’investissement du capitaliste ce n’est pas la marge par rapport aux ventes, c’est le taux de profit; c’est le ratio de profit rapporté au capital. Et l’accroissement fantastique de la masse de capital dans le système depuis 1982 fait que ce ratio de profitabilité est considéré comme insuffisant.  Le numérateur du ratio de profit, le profit a progressé, mais le dénominateur, la masse de capital a progressé beaucoup, beaucoup plus. Les capitalistes ont beau augmenter sans cesse les marges bénéficiaires et pressurer le facteur travail, faire baisser leurs impôts,  cela ne suffit pas car la masse de capital en jeu, à l’oeuvre dans le système croit encore plus vite que les profits générés.

Le capitalisme  ce n’est pas le profit rapporté aux ventes, c’est à dire aux GDP, c’est la profitabilité c’est à dire le profit rapporté au capital total engagé dans le système; et la masse de capital qu’il faut satisfaire a galopé depuis 1982 et elle a encore accéléré depuis 2010 ! Le capital ne se nourrit pas en proportion du chiffre d’affaires et des ventes, il se nourrit en fonction de ce qui lui revient, à lui, à toute sa masse!

Cette masse de capital est sans pitié car tous les capitaux sont en concurrence entre eux pour le profit et malheur a celui qui ne réalise pas le profit moyen il est puni à mort, dévalorisé, quelque fois détruit par les faillites. Le capital a l’épée dans les reins, si il ne fait pas aussi bien que les autres alors il périclite. La libre circulation des capitaux a fait en sorte que personne dans le monde ne puisse échapper à la menace de destruction ou de dévalorisation, c’est marche ou crève, voila pourquoi le capital est aussi avide, voila pourquoi il nous impose des Macron.

La grande erreur des élites depuis le début des années 80, c’est de gouverner le système sans le comprendre, aveuglés qu’ils sont par des théories économiques fausses, idéologiques: ils croient à leurs propres constructions idéologiques de propagande. A ces constructions qui escamotent le rôle central du profit et de la profitabilité. Il n’ont pas compris que la variable clef, c’est le stock de capital qui exige sa mise en valeur et en s’accumulant, exige de plus en plus;  et que le déséquilibre c’est celui de la masse insuffisante de profit rapportée à la masse de capital.

 

 

 

 

 

 

 

 

3 réflexions sur “Editorial: pourquoi le capital nous impose des Macron

  1. C’est très clair merci et surtout, vous exprimez ce qu’intuitivement, les Français ont compris, sans pouvoir l’exprimer comme vous le faites et que les PIcketti et consorts « pervertissent » en recadrant cette perception intuitive du « bas peuple » pour la conformer à quelque chose de plus « mondialistement correct ».

    Sinon, une info incroyable dont je n’avais pas eu vent, et que je découvre ce midi dans ZH (et pourtant, j’habite à 7 kms de ce village !)
    http://www.zerohedge.com/news/2017-07-28/french-government-built-migrant-shelter-small-town-–-residents-responded-building-wa

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  2. Si je suis votre raisonnement, il faudrait donc euthanasier une grande part du stock de capital.
    Sur quels critères, détruire le « mauvais » capital pour conserver le « bon » ?

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