Interview de Lavrov: Je suis convaincu que personne ne peut réconcilier seuls Palestiniens et Israéliens, comme les États-Unis tentent de le faire depuis de nombreuses années.

Question : La bande de Gaza est désormais sous le feu des projecteurs. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré qu’il était prêt à agir si le conflit s’aggravait en raison de certaines « troisièmes forces » de partisans pro-iraniens. Il y a eu une autre déclaration forte selon laquelle il ne serait pas possible de revenir au mécanisme antérieur du statu quo entre Israël et la bande de Gaza. Un nouveau mécanisme est nécessaire, mais Antony Blinken ne précise pas lequel. Etes-vous d’accord avec ça? Quelle est cette formule pour l’avenir ? À quoi cela pourrait-il ressembler ?

Sergueï Lavrov: Sur les affirmations du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken concernant l’ingérence de tiers dans ce conflit il faut noter Les États-Unis comptent parmi les leaders de ceux qui interviennent déjà. Cela comprend l’envoi de deux groupes de porte-avions et de plusieurs milliers de soldats dotés de toutes les armes nécessaires, y compris des armes lourdes, dans la zone de conflit. Plus un État prend de telles mesures proactives, plus le risque et le danger d’une escalade du conflit sont élevés.

Nous sommes convaincus que la première étape indispensable devrait être un cessez-le-feu, la résolution des problèmes humanitaires et la facilitation du départ des citoyens étrangers de la bande de Gaza. 

Il faudra ensuite mettre en place un mécanisme permettant de replacer la situation dans un contexte plus large. Nous en parlons depuis des décennies à l’ONU. La communauté internationale tout entière a réaffirmé et continue de réaffirmer son attachement à la solution à deux États. Il s’agit de la solution dite des deux États, dans laquelle deux États souverains à part entière, la Palestine et Israël, vivent côte à côte dans des conditions de bon voisinage, de paix et de sécurité entre eux et avec tous les autres voisins. 

Comme vous le savez, ce plan est inscrit dans un certain nombre de décisions du Conseil de sécurité de l’ONU et dans l’Initiative de paix arabe présentée par l’Arabie saoudite en 2002. Il a été salué par tous les musulmans et par d’autres membres de la communauté internationale. 

Ce plan a été concrétisé par l’accord selon lequel quatre « acteurs » coordonneraient les négociations directes pertinentes : la Russie, les États-Unis, l’ONU et l’UE – le « quatuor » de médiateurs internationaux. 

Depuis de nombreuses années, les États-Unis bloquent le travail de ce mécanisme, se réunissant pour l’apparence, et n’essayant en aucun cas de trouver des mesures permettant de mettre en œuvre la décision du Conseil de sécurité de l’ONU concernant les frontières du futur territoire palestinien, l’État, sa capitale, la solution aux problèmes des réfugiés et l’approvisionnement en eau. Tout cela est précisé dans la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Ces dernières années, les États-Unis ont bloqué le Quatuor. À l’heure actuelle, il n’existe aucune autre autorité qui serait acceptable par tous. Si le secrétaire d’État américain Antony Blinken a des idées brillantes à cet égard, nous n’en savons rien.

Je suis convaincu que personne ne peut réconcilier seuls Palestiniens et Israéliens, comme les États-Unis tentent de le faire depuis de nombreuses années. Il faut agir en s’appuyant sur le potentiel collectif des pays de la région, de l’UE et des États-Unis (il est également difficile de se passer d’eux). Nous devons agir collectivement et non unilatéralement.

Question: Certains hommes politiques palestiniens et israéliens affirment que c’est la Russie qui pourrait devenir médiateur dans les négociations entre Israël et la Palestine. La Russie envisage-t-elle de proposer une initiative de paix dans un avenir proche ? Si oui, quand et quels sont les principes de base de cette initiative ?

Sergueï Lavrov: Je viens de répondre qu’il est peu probable que les services de médiation unilatérale soient d’une grande aide dans ce domaine. La Russie faisait partie du mécanisme de médiation sous la forme d’un « quatuor » de médiateurs internationaux. Notre pays reste prêt à aider par tous les moyens possibles à mettre fin à l’effusion de sang et à discuter d’une solution à long terme basée sur une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Nous avons des relations normales avec Israël et la Palestine. Le président russe Vladimir Poutine a toujours souligné dans ses discours internationaux sur le Moyen-Orient notre engagement particulier à assurer la sécurité d’Israël. Il y a là un million et demi, voire deux millions de nos concitoyens.

Nous pouvons voir les conditions géopolitiques dans lesquelles ce pays évolue. Nous comprenons qu’elle a autant besoin de paix que ses voisins. Cela inclut la Syrie, le Liban et les Palestiniens, qui ont été empêchés de créer leur propre État pendant plus de soixante-quinze ans, comme l’ensemble de l’humanité progressiste l’avait juré à la fin des années 1940.

Récemment, nos collègues turcs ont avancé l’idée que les pays ayant une influence sur les parties au conflit devraient nommer leurs propres garants qui pourraient s’unir et se mettre d’accord sur certaines recommandations aux parties. Aujourd’hui, j’ai demandé à mon collègue, le ministre turc des Affaires étrangères Hassan Fidan, d’étoffer cette idée. Voir. Dans les deux cas, les réflexions vont dans le bon sens de l’action collective.

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