Un lecteur
Je sens une perplexité croissante… nous sommes nombreux à partager cette perplexité
Un élément qui ne cesse de me laisser perplexe est le suivant : dans les années 1930, en réponse à la crise qu’il provoquait, l’empire capitaliste se préparait à la guerre, plaçait ses pions, les livrait aux fascistes en général pour se prémunir contre la menace socialiste et communiste. en Europe, et aux nazis en particulier pour contrer la Russie communiste.
Aujourd’hui, l’empire recommence, mais il n’y avait aucune menace : c’est l’OTAN qui a provoqué une guerre que la Russie voulait éviter, et les Chinois voulaient juste faire des affaires,
pas de mouvement social à grande échelle, pas de menace pour l’hégémonie du capital. , rien…
…sauf à penser qu’il ne s’agit pas seulement de maintenir l’hégémonie du capital, mais de maintenir l’hégémonie capitaliste d’origine blanche d’Europe occidentale.
Je saisis l’occasion de cette perplexité pour la commenter car la question qui est implicitement posée est extrêmement importante:
Pourquoi les occidentaux se lancent ils dans pareille aventure qui ressemble à celle des années 30 alors que l’hégémonie du capital n’est pas menacée.
D’abord je rends hommage a la description qui est faite de l’analogie avec les années 30 , elle est adéquate. « C’est vrai que dans les années 1930, en réponse à la crise qu’il provoquait, l’empire capitaliste se préparait à la guerre, plaçait ses pions, les livrait aux fascistes en général pour se prémunir contre la menace socialiste et communiste. en Europe, et aux nazis en particulier pour contrer la Russie communiste.«
Ensuite cependant je relève une affirmation erronée: « Aujourd’hui, l’empire recommence, mais il n’y a aucune menace »
Enfin j’affirme que si il y a une menace et qu’elle est terrible, existentielle.
1-Depuis 2008 le monde est dans une situation d’extrême instabilité et de fragilité.
2– Il est également soumis a un mouvement de pivot qui le fait passer de US centrique a Sino centrique avec toutes les conséquences que cela va avoir sur l’ordre financier et monétaire en particulier sur le statut d’hegemonie du dollar.
3– Enfin le système mondial est rongé de l’intérieur par la taupe du besoin de profit . Le capital s’est considérablement accumulé depuis la Seconde Guerre Mondiale, , il n’y a pas eu assez d’inflation, il n’y a pas eu de crise de destruction massive depuis longtemps donc il y a un mal terrible d’excès de capital et d’insuffisance profit. Ce mal terrible oblige à créer toujours plus de dettes et à surexploiter et baisser le niveau de vie des salariés . Les dettes mondiales se sont envolées vers les 350 trillions et les liquidités banques centrales sont de 170 trillions pour un GDP mondial de 100 trillions. Une véritable épée de Damoclès , une arme de destruction massive.
Je vous recommande de lire le texte ci dessous , il ne vous apprendra rien de nouveau sur le fond puisque je ne cesse de répéter et de démontrer que le système est en crise; mais ce texte résume bien la situation et montre l’ampleur de la crise que le monde doit affronter ainsi que les enjeux pour l’Occident.
- La Chine face au grand jeu du G20 et de la gouvernance mondiale
- Yves Tiberghien
- Dans Revue internationale de politique comparée
Depuis 2008, le système économique international est entré dans une phase critique (« critical juncture »), marquée par deux tendances lourdes opposées et dont le résultat place les pays émergents et surtout la Chine en position centrale d’arbitre.
La première grande réalité actuelle est l’augmentation des risques systémiques et l’urgence fonctionnelle d’une gouvernance mondiale plus robuste pour faire face à ces risques. En premier lieu, la crise financière bancaire de 2008 et sa rechute de 2011 via le levier de la dette souveraine et de la zone euro démontrent clairement la violente instabilité des marchés financiers et le retour sur le devant de la scène du problème traditionnel de la régulation du système monétaire international et des flux de capitaux
Fin 2011, l’économie mondiale se retrouve encore au bord du gouffre, sans mécanisme efficace de gouvernance et coordination financière, en dehors de consultations ad hoc et d’actions coordonnées entre banques centrales.
Comme dans les années 1930, la pression monte dans les sociétés vulnérables (Grèce, Italie, France, mais aussi Chine, Japon, etc.) face aux inégalités croissantes et aux mesures radicales devenues nécessaires en période de crise. On peut voir notamment lien entre les inégalités, l’érosion du contrat social national et les émeutes anglaises ou grecques, ou encore le fort contentement qui gronde en France. Clairement, plus de coordination internationale et de gouvernance sont nécessaires pour ralentir cette érosion et garantir la pérennité du système mondial
En parallèle, le monde fait face à une série d’autres risques systémiques qui demandent une coordination et gouvernance urgence entre les grands pays du monde : changement climatique et risques de désastres avant vingt ans ; marchés énergétiques et des ressources de plus en plus tendus ; zones de famine et de pauvreté aiguë ; et augmentation de la conscience du risque nucléaire depuis la crise de Fukushima en mars 2011.
Qu’entendons-nous ici par risques systémiques ? Il s’agit de risques pris à différents niveaux, souvent au niveau d’acteurs privés décentralisés, mais ayant un impact potentiel au niveau national ou mondial, autrement dire sur le système même. Ulrich Beck a bien montré que nous vivons de plus en plus dans un âge du risque et des « incertitudes fabriquées » Mais les quelques dernières années nous ont fait entrer dans un âge où les risques pris par les grands acteurs dépassent leur propre échelle ou celle de notre vie individuelle. Les décisions prises par BP dans le Golfe du Mexique, par les banques d’investissement de Wall Street entre 2000 et 2008 sur les produits dérivés, ou par l’opérateur électrique TEPCO à Fukushima ont ceci en commun : ces décisions et celles des régulateurs nationaux associés à ces décisions étaient fondées sur des calculs de probabilités devenus peu estimables du fait des vastes incertitudes technologiques impliquées. Elles ont eu des conséquences imprévisibles menant à des catastrophes globales (systémiques) ayant des conséquences massives et indirectes sur une multitude de personnes et d’organisations qui n’étaient pas impliquées dans la prise de décision initiale. En cet âge hyper moderne, les enjeux potentiels de nombreuses décisions techniques ont une portée à la fois profonde et globale.
Du fait des avancées technologiques toujours plus grandes et de l’intensification de la mondialisation économique sur la planète, nous faisons face à une augmentation de ces risques systémiques et à un besoin croissant de coordination et de gouvernance mondiale.
Cet article définit la gouvernance mondiale comme l’ensemble des règles, normes, traités, et institutions qui permettent aux états de coordonner leur action au niveau global dans le contexte d’une souveraineté fragmentée et de l’absence d’un gouvernement mondial
Une telle définition s’appuie sur le concept d’institutions en tant que règles du jeu, lesquelles forment la base et l’infrastructure des marchés et de toute coopération humaine Ces institutions ont un rôle fonctionnel : elles servent à résoudre les problèmes de coûts de transactions, le dilemme traditionnel de l’action collective, et l’absence d’information
Ces obstacles aux transactions économiques et à la coopération sont particulièrement importants au niveau global, où les participants ne partagent pas les mêmes normes culturelles ou les mêmes intérêts ; ce qui rend la formation d’institutions internationales ou d’une gouvernance globale plus importante encore . Le G20 est aujourd’hui au cœur de cette problématique et représente la frontière actuelle de la gouvernance mondiale.
Certes, la gouvernance mondiale n’est pas la seule solution possible aux problèmes systémiques de notre ère. Comme le pense Rodrik on peut aussi tenter de réduire l’intensité de la mondialisation et de revenir à une capacité accrue des États individuels, même si cela nous paraît peu vraisemblable aujourd’hui.
La deuxième tendance lourde du monde actuel est la transformation historique actuelle des équilibres de pouvoir. Entre 2000 et 2010, la part de l’économie mondiale représentée par les pays développés de l’OCDE (Amérique du Nord, Europe, Japon, Corée, Australie, Nouvelle-Zélande) est passée de 60 % à 51 %, après avoir été stable pendant plusieurs décennies. Ce phénomène exceptionnel est ni plus ni moins le plus grand transfert de richesse relative et de pouvoir entre les pays du monde depuis 1945
Même si de nombreux analystes mettent en avant le phénomène des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, et récemment Afrique du Sud), aucune région ne bénéficie autant de la grande redistribution de pouvoir en cours que l’Asie, et aucun pays ne bénéficie autant que la Chine. L’économie de la Chine est presque quatre fois plus large que celle de l’Inde. C’est l’économie chinoise qui a pris une taille systémique en dépassant l’économie de la France en 2004, celle de l’Angleterre en 2005, celle de l’Allemagne en 2007 et celle du Japon en 2008
La plupart des économistes voient le rattrapage économique des États-Unis par la Chine comme un fait probable qui aura lieu autour de 2020-2025. La toute récente analyse faite par Arvind Subramanian, utilisant un taux de croissance réduit de 7 % pour la Chine et optimiste de 2,5 % pour les États-Unis sur 20 ans arrive à un résultat plus plausible, mais important : la Chine atteindrait 20 % de l’économie mondiale et les États-Unis tomberaient sous le seuil de 15 % d’ici 2030
Sur le plan commercial, il faut se souvenir que la part de la Chine dans les exportations mondiales était proche de 0 en 1995. Mais la croissance a été formidable depuis : la part de la Chine est passée de 3 % en 1999 à 10 % des exportations mondiales en 2009
Mais comme le souligne Ed Steinfeld, pratiquement 55 % de ces exportations sont le fruit d’entreprises étrangères installées en Chine
. En 2010, le montant d’IDE attiré en Chine a atteint 100 milliards de $
Clairement, la Chine se retrouve subitement en position de pivot dans tous les grands débats de gouvernance mondiale.
Aucune évolution n’est désormais possible sans elle. Et tous les yeux se tournent d’autant plus vers elle que la Chine est pressentie non pas seulement comme grande puissance émergente, mais aussi comme future puissance hégémonique, ou au moins prééminente.
L’Inde est encore en retrait relatif, mais il ne fait pas de doutes qu’elle est également appelée à jouer un rôle croissant dans la gouvernance mondiale l ne faut également pas oublier des puissances régionales comme l’Indonésie et le Vietnam qui sont promises à une influence de plus en plus importante.
Ce grand rééquilibrage du pouvoir mondial complique la question de la gouvernance mondiale, puisque chaque grand pays se préoccupe soudain de sa place dans le futur échiquier mondial au lieu de se soucier prioritairement des biens publics mondiaux. En même temps, il offre la possibilité d’une nouvelle voix et de nouvelles coalitions dans le grand jeu pour le futur du monde.
Bonjour Monsieur,
J’apprécie vos analyses. Chacune des périodes de crises 1770, 1850, 1930 s’est terminée par une augmentation de la consommation d’énergie. Ce coup ci c’est impossible a l’échelle planétaire. Donc l’occident tente par tous les moyens de conserver sa part. En conséquence dettes guerres famines, etc .. a l’intérieur des pays les élites tentent de conserver leur part donc accroissement des inégalités, paupérisation de la classe moyenne et perte progressive de la démocratie.
Cordialement.
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