L’Histoire enseigne que quand l’ordre économique change, tout change. Et surtout, l’ordre monétaire ancien devient intenable. Toutes les valeurs vont changer
TRADUCTION BRUNO BERTEZ
Certains pensent que les perturbations tarifaires se résorberont à mesure que les négociations progresseront et qu’une réflexion plus approfondie sera menée sur la manière de les structurer de manière rationnelle. Cependant, j’entends désormais de la part d’un nombre croissant de personnes confrontées à ces problèmes qu’il est déjà trop tard. Par exemple, de nombreux exportateurs vers les États-Unis et importateurs d’autres pays commerçant avec les États-Unis affirment devoir réduire considérablement leurs échanges avec les États-Unis, conscients que, quelle que soit l’évolution des droits de douane, ces problèmes ne disparaîtront pas et qu’une réduction radicale des interdépendances avec les États-Unis est une réalité à laquelle il faut s’attendre.
De toute évidence, les producteurs et investisseurs américains en Chine, les producteurs et investisseurs chinois en Chine qui traitent avec des Américains, les producteurs et investisseurs américains aux États-Unis qui traitent avec des Chinois, et les producteurs et investisseurs chinois aux États-Unis qui traitent avec des Américains doivent désormais envisager des solutions alternatives, quelle que soit l’issue du prochain cycle de négociations commerciales.
Bien que cette nécessité de minimiser l’interdépendance entre les États-Unis et la Chine et les inquiétudes concernant les conflits soient désormais largement reconnues, ce point de vue est désormais de plus en plus répandu chez la plupart des personnes dans la plupart des pays qui traitent de la plupart des problèmes liés aux relations commerciales, aux relations sur les marchés de capitaux, aux relations géopolitiques et aux relations militaires avec les États-Unis.
Bien que cela ne soit pas encore pleinement réalisé, on se rend de plus en plus compte que le rôle des États-Unis en tant que plus grand consommateur mondial de biens manufacturés et plus grand producteur d’actifs de dette pour financer leur surconsommation n’est pas viable. Par conséquent, supposer que l’on peut vendre et prêter aux États-Unis et être remboursé en dollars forts (c’est-à-dire non dévalués) sur ses avoirs en dette américaine est une pensée naïve, et d’autres plans doivent donc être élaborés .
En termes plus simples, les énormes déséquilibres commerciaux et financiers créent des conditions insoutenables et des risques majeurs d’interruption de l’activité , et ils doivent donc être réduits : déséquilibres excessifs + démondialisation = déséquilibres commerciaux et financiers plus faibles.
Plus généralement, ce que je dis, c’est que, sur la base de plusieurs de mes indicateurs, il semble que :
1) nous sommes au bord de l’effondrement de l’ordre monétaire, de l’ordre politique national et de l’ordre mondial international en raison de fondamentaux insoutenables et mauvais qui peuvent être facilement vus et mesurés,
2) la progression des événements conduisant à ces désordres croissants est similaire à celle qui a progressé à de nombreuses reprises au cours de l’histoire, donc celle-ci ressemble à une version contemporaine de la vieille histoire de la façon dont les ordres monétaires, politiques et sociaux nationaux et géopolitiques internationaux changent,
3) il existe un risque croissant que les États-Unis, en imposant ces défis à relever, soient de plus en plus contournés par un monde de pays qui s’adapteront à ces séparations des États-Unis et créeront de nouvelles synapses qui se développeront autour d’eux, et
4) si ces circonstances sont gérées de la meilleure façon, les résultats seront bien meilleurs que si elles sont gérées de la pire façon
À mon avis, la meilleure solution serait une conception et une mise en œuvre sereines, analytiques et coordonnées, les déséquilibres et les besoins d’autosuffisance étant traités comme des défis partagés, afin de produire les désendettements et rééquilibrages nécessaires. Par exemple, comme expliqué dans mon nouveau livre :
Comment les pays font faillite : le grand cycle
Il existe une solution en trois parties et à 3 % pour résoudre le problème de la dette publique américaine, qui conduirait à des résultats bien meilleurs que la voie que nous semblons emprunter. Malheureusement , jusqu’à présent, nous n’avons pas vu de meilleures solutions, mais avons plutôt assisté à des conflits et une volatilité inquiétants qui nous apprennent des leçons aux conséquences irréversibles.
Pour ces raisons, je crains que nous ne nous éloignions du moment idéal pour être informés et planifier correctement ces grands changements dans l’ordre mondial, et je crois que les investisseurs, les décideurs politiques et les autres décideurs doivent cesser d’agiter leurs points de vue et leurs positions en réaction aux mouvements quotidiens du marché et aux annonces politiques et plutôt faire face à ces grands changements fondamentaux dans l’ordre mondial avec calme, intelligence et, idéalement, coopération.
Les opinions exprimées ici sont les miennes et ne sont pas nécessairement celles de Bridgewater.
» ….plutôt faire face à ces grands changements fondamentaux dans l’ordre mondial avec calme, intelligence et, idéalement, coopération.«
Ce serait une première mondiale fort bienvenue!
Cordialement
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Bonjour Monsieur Bertez
Je ne peux m’empêcher de mettre ce nouvel article en relation avec un article consacré au dilemme/paradoxe de Triffin que vous avez publié il y a quelques jours et qui a retenu toute mon attention.
Saur erreur de ma part, Robert Triffin a publié en 1960 les résultats de ses réflexions sur le système monétaire international issu des accords de Bretton Woods. Ses observations portent donc sur une période de 15 ans.
Il en a conclu que le dollar, du fait de son « privilège exhorbitant » de monnaie internationale, ne pouvait être à la fois stable et disponible en quantité abondante.
Les décideurs US ont sacrifié la stabilité de leur monnaie, ce qui a conduit à l’abandon de la convertibilité du dollar, au déséquilibre entre importations et exportations et à la dette.
Quelle que soit l’opinion que l’on a de Trump, force est de constater qu’il est le révélateur des limites du système actuel qui a duré pendant 80 ans.
Que va-t-il se passer maintenant sachant que les midterms sont dans moins de 2 ans ? Va-t-on reprendre l’idée de Keynes (proposée sans succès à Bretton Woods) d’une monnaie internationale, celle-ci étant gérée par le FMI ?
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