« La politique étrangère de l’Europe est presque entièrement motivée par la peur de la Russie et de la Chine, ce qui entraîne une dépendance envers la sécurité des États-Unis » écrit jeffrey Sachs.
Bien entendu je ne partage pas l’analyse ci dessous proposée par Jeffrey Sachs, analyse que l’on peut qualifier de « in the box », politiquement correcte.
Je ne la partage pas parce qu’elle ne va pas au fond des choses et que ce faisant elle passe à coté de la réalité objective qui est que la politique étrangère de l’Union Européenne est une politique non pas d’intérêt national ou public mais une politique de classe.
Les élites européennes ne sont pas stupides, elles savent pertinemment qu’il n’y a pas de Danger Russe , que ce danger est inventé de toutes pièces et qu’il est de circonstance.
Il a été inventé pour faire peur aux masses et surtout faire passer la pilule infame des exigences de l’OTAN américaine qui veut que l’Europe paie; qui veut que l’Europe paie trois fois pour sa pseudo défense d’abord par le seigneuriage monétaire accepté en 1971 , ensuite par les commandes de matériel militaire et enfin par l’obéissance aux sanctions.
Se servir de la peur du danger russe pour expliquer l’alignement européen est une erreur intellectuelle puisque le danger russe n’existe pas et qu’il a été inventé, produit, manufacturé pour justifier cette politique.
Le danger russe est une construction parallèle, un détour pour arriver à ce point: la soumission à l’Amérique!
Le danger Russe c’est comme le terrorisme et le COVID une construction parallèle afin de militariser les polices domestiques, afin de ficher, de contrôler, bâillonner, et produire des sujets obéissants.
La politique étrangère européenne, c’est une politique qui est menée par des corrompus, par des young leaders, par des stipendiés , par des élus de la famille Goldman Sachs ou Rothschild, par des gens « tenus », compromis et qui vise à protéger les nantis, le grand business, les rentes, bref l’ordre social européen.
La solidarité occidentale est une solidarité de classe fondée sur la volonté de perpétuer diverses formes d’exploitation domestiques et coloniales malgré la situation crisique du système. L’alliance se construit deux ennemis fictifs, Chine et Russie, afin de forcer les masses à l’alignement, de les museler et étouffer les antagonismes et contradictions de la situation historique en cette fin du grand cycle issu de la Seconde Guerre mondiale.
Le pays européen le plus acharné à la solidarite exceptionnaliste et à la guerre est précisement celui qui est le plus proche de l’effondrement social et financier; la Grande Bretagne; elle est plus belliqueuse, plus impérialiste, plus colonialiste que l’empereur américain lui même!
La France par tradition gaullienne est certainement le maillon fable de l’Alliance mais elle a à sa tête un président qui ne représente pas réellement la culture et l’histoire du pays. Elle a à sa tête un président qui vient d’ailleurs , transgressiste, satanique, qui refuse l’héritage français, sponsorisé par des intérêts financiers plus internationaux et délocalisés que nationaux. Macron n’exprime pas , ne représente pas vraiment la bourgeoisie française, il n’en est le chef que par défaut.
L‘alignement occidental vise à maintenir un ordre social dépassé et inique qui s’effondrerai si la cheville ouvrière de cet ordre, la finance dollarisée, venait à se disloquer.
L’Europe est obligée de se rallier à la défense de l’exceptionnalisme non parce qu’elle en profite , -non, car elle est pillée-, mais parce qu’elle y est imbriquée, maillée, elle fait partie du tissus exceptionnaliste par le biais de son système financier/monétaire. Mais il y a une contradiction, un antagonisme radical entre d’un coté les intérêts de la finance de marché à l’anglo saxonne et de l’autre les intérêts de l’industrie et de la finance productive rhénanes

La politique étrangère européenne est faite par la classe financière au détriment de la classe manufacturière, et au prix de la destruction des forces vives des nations et de la paupérisation des classes moyennes salariées.
C’est une situation évolutive pour deux raisons, d’abord la fragilisation de la classe financière et bancaire par l’excès de dettes et ensuite par les excès du pillage américain qui risque de se retourner politiquement contre ceux qui l’acceptent.
Une nouvelle politique étrangère pour l’Europe
Jeffrey D. Sachs | Été 2025 | Magazine Horizons, numéro 31
L’Union européenne a besoin d’une nouvelle politique étrangère fondée sur ses véritables intérêts économiques et sécuritaires.
L’Europe est actuellement prise dans un piège économique et sécuritaire qu’elle a elle-même créé, caractérisé par une hostilité dangereuse envers la Russie, une méfiance mutuelle envers la Chine et une extrême vulnérabilité face aux États-Unis. La politique étrangère de l’Europe est presque entièrement motivée par la peur de la Russie et de la Chine, ce qui entraîne une dépendance envers la sécurité des États-Unis.
La soumission de l’Europe aux États-Unis découle presque entièrement de sa peur prédominante de la Russie, une peur amplifiée par les États russophobes d’Europe de l’Est et par un récit erroné de la guerre en Ukraine. Convaincue que la Russie est sa principale menace pour sa sécurité, l’UE subordonne tous ses autres enjeux de politique étrangère – économique, commerciale, environnementale, technologique et diplomatique – aux États-Unis. Ironiquement, elle reste étroitement liée à Washington alors même que les États-Unis sont devenus plus faibles, instables, erratiques, irrationnels et dangereux dans leur propre politique étrangère envers l’UE, allant jusqu’à menacer ouvertement la souveraineté européenne au Groenland.
Pour définir une nouvelle politique étrangère, l’Europe devra surmonter le faux postulat de son extrême vulnérabilité face à la Russie. Le discours de Bruxelles, de l’OTAN et du Royaume-Uni soutient que la Russie est réellement expansionniste et qu’elle envahira l’Europe si l’occasion se présente. L’occupation soviétique de l’Europe de l’Est de 1945 à 1991 est censée prouver cette menace aujourd’hui. Ce discours erroné déforme gravement le comportement russe, passé et présent.
La première partie de cet essai vise à corriger l’idée fausse selon laquelle la Russie représente une menace sérieuse pour l’Europe. La deuxième partie envisage une nouvelle politique étrangère européenne, une fois que l’Europe aura surmonté sa russophobie irrationnelle.
La fausse prémisse de l’impérialisme occidental de la Russie
La politique étrangère européenne repose sur la prétendue menace que représente la Russie pour sa sécurité. Ou bien, ce postulat est faux. La Russie a été envahie à plusieurs reprises par les grandes puissances occidentales (notamment la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et les États-Unis au cours des deux derniers siècles) et a longtemps cherché à assurer sa sécurité grâce à une zone tampon entre elle et les puissances occidentales. Cette zone tampon, très disputée, comprend la Pologne, l’Ukraine, la Finlande et les États baltes d’aujourd’hui. Cette région, située entre les puissances occidentales et la Russie, constitue le principal dilemme sécuritaire auquel l’Europe occidentale et la Russie sont confrontées.
Les principales guerres occidentales lancées contre la Russie depuis 1800 comprennent :
- L’invasion française de la Russie en 1812 (guerres napoléoniennes)
- L’invasion britannique et française de la Russie en 1853-1856 (guerre de Crimée)
- La déclaration de guerre allemande contre la Russie le 1er août 1914 (Première Guerre mondiale)
- L’intervention alliée dans la guerre civile russe, 1918-1922 (guerre civile russe)
- L’invasion allemande de la Russie en 1941 (Seconde Guerre mondiale)
Chacune de ces guerres représente une menace existentielle pour la survie de la Russie. Du point de vue russe, l’échec de la démilitarisation de l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, la création de l’OTAN, l’intégration de l’Allemagne de l’Ouest dans l’OTAN en 1955, l’expansion de l’OTAN vers l’Est après 1991 et l’expansion continue des bases militaires et des systèmes de missiles américains en Europe de l’Est, près des frontières russes, ont constitué les menaces les plus graves pour la sécurité nationale de la Russie depuis la Seconde Guerre. mondiale.
La Russie a également envahi l’ouest à plusieurs reprises :
- L’attaque de la Russie contre la Prusse orientale en 1914
- Le pacte Ribbentrop-Molotov en 1939, divisant la Pologne entre l’Allemagne et l’Union soviétique et annexant les États baltes en 1940
- L’invasion de la Finlande en novembre 1939 (la guerre d’hiver)
- L’occupation soviétique de l’Europe de l’Est de 1945 à 1989
- L’invasion russe de l’Ukraine en février 2022
Ces actions russes sont considérées par l’Europe comme une preuve objective de l’expansionnisme de la Russie vers l’Ouest. Or, une telle vision est naïve, ahistorique et relève de la propagande. Dans les cinq cas, la Russie a agi pour protéger sa sécurité nationale – telle qu’elle la concevait – et non pour son propre bien. Cette vérité fondamentale est la clé de la résolution du conflit euro-russe actuel. La Russie ne cherche pas l’expansion vers l’Ouest ; elle recherche sa sécurité nationale fondamentale. Pourtant, l’Occident a longtemps omis de reconnaître, et encore moins de respecter, les intérêts fondamentaux de la Russie en matière de sécurité nationale.
Considérons ces cinq cas de prétendue expansion de la Russie vers l’ouest.
Le premier cas, l’attaque russe en Prusse-Orientale en 1914, peut être immédiatement mis de côté. Le Reich allemand avait été le premier à déclarer la guerre à la Russie le 1er août 1914. L’invasion russe de la Prusse-Orientale constituait une réponse directe à la déclaration de guerre de l’Allemagne.
Le deuxième cas, l’accord de la Russie soviétique avec le Troisième Reich d’Hitler pour le partage de la Pologne en 1939, puis l’annexion des États baltes en 1940, est considéré en Occident comme la preuve la plus flagrante de la perfidie russe. Là encore, il s’agit d’une lecture simpliste et erronée de l’histoire. Comme l’ont soigneusement documenté des historiens comme EH Carr, Stephen Kotkin et Michael Jabara Carley , Staline a tendu la main à la Grande-Bretagne et à la France en 1939 pour ancienne alliance défensive contre Hitler, qui avait déclaré son intention de faire la guerre à la Russie à l’Est (pour le Lebensraum, le travail forcé des Esclaves et la défaite du bolchevisme). La tentative de Staline de forger une alliance avec les puissances occidentales a été totalement repoussée. La Pologne a refusé l’entrée des troupes soviétiques sur son sol en cas de guerre avec l’Allemagne. La haine des élites occidentales envers le communisme soviétique était au moins aussi grande que leur peur d’Hitler. De fait, une phrase courante parmi les élites de droite britanniques à la fin des années 1930 était : « Mieux vaut l’hitlérisme que le communisme ».
Face à l’échec de la constitution d’une alliance défensive, Staline chercha alors à créer une zone tampon contre l’invasion allemande imminente de la Russie. La partition de la Pologne et l’annexion des États baltes étaient tactiques, visant à gagner du temps pour la bataille d’Armageddon à venir contre les armées hitlériennes, qui éclatèrent le 22 juin 1941, avec l’invasion allemande de l’Union soviétique lors de l’opération Barbarossa.La division de la Pologne et l’annexion des États baltes qui avaient précédé l’invasion pourraient bien pu retarder l’invasion et éviter à l’Union soviétique une défaite rapide face à Hitler.
Le troisième cas, la guerre d’hiver russo-finlandaise, est également considérée en Europe occidentale (et notamment en Finlande) comme une preuve de la nature expansionniste de la Russie. Pourtant, une fois de plus, la motivation fondamentale de la Russie était défensive et non offensive. La Russie craignait que l’invasion allemande ne passe en partie par la Finlande et que Leningrad ne soit rapidement prise par Hitler. L’Union soviétique propose donc à la Finlande un échange de territoire avec elle (notamment en cédant l’isthme de Carélie et quelques îles du golfe de Finlande en échange de territoires russes) afin de permettre la défense russe de Leningrad. La Finlande refusa cette proposition, et l’Union soviétique envahit la Finlande le 30 novembre 1939. Par la suite, la Finlande rejoignit les armées d’Hitler dans la guerre contre l’Union soviétique pendant la « guerre de continuation » de 1941 à 1944.
Le quatrième cas, l’occupation soviétique de l’Europe de l’Est (et l’annexion continue des États baltes) pendant la Guerre froide, est perçue en Europe comme une nouvelle preuve amère de la menace fondamentale que représente la Russie pour la sécurité de l’Europe. L’occupation soviétique était certes brutale, mais elle avait elle aussi une motivation défensive totalement ignorée par les récits occidentaux et américains. L’Union soviétique a été la plus durement touchée par la défaite d’Hitler, perdant le nombre impressionnant de 27 millions de citoyens dans la guerre. La Russie avait une exigence primordiale à la fin de la guerre : que ses intérêts de sécurité soient garantis par un traité la protégeant des menaces futures de l’Allemagne et de l’Occident en général. L’Occident, désormais mené par les États-Unis, a refusé d’accéder à cette exigence fondamentale de sécurité. La Guerre froide est le résultat du refus occidental de respecter les préoccupations sécuritaires vitales de la Russie. Bien sûr, l’histoire de la Guerre froide telle que racontée par le récit occidental est exactement l’inverse : elle résulte uniquement des tentatives belliqueuses de la Russie pour conquérir le monde !
Voici l’histoire réelle, bien connue des historiens, mais presque totalement inconnue du public aux États-Unis et en Europe. À la fin de la guerre, l’Union soviétique chercha à conclure un traité de paix qui établirait une Allemagne unifiée, neutre et démilitarisée. Lors de la conférence de Potsdam en juillet 1945, à laquelle participaient les dirigeants de l’Union soviétique, du Royaume-Uni et des États-Unis, les trois puissances alliées convinrent du « désarmement et de la démilitarisation complètes de l’Allemagne, ainsi que de l’élimination ou du contrôle de toute l’industrie allemande susceptible d’être utilisée pour la production militaire ». L’Allemagne serait unifiée, pacifiée et démilitarisée. Tout cela serait garanti par un traité mettant fin à la guerre. En réalité, les États-Unis et le Royaume-Uni s’efforcèrent avec diligence de saper ce principe fondamental.
Dès mai 1945, Winston Churchill chargea son chef d’état-major d’élaborer un plan de guerre visant à lancer une attaque surprise contre l’Union soviétique à la mi-1945, sous le nom de code « Opération Impensable » . Si une telle guerre était jugée irréaliste par les stratégies militaires britanniques, l’idée que les Américains et les Britanniques devaient se préparer à une guerre contre l’Union soviétique s’imposa rapidement. Les stratégies estiment que le moment le plus probable pour une telle guerre était le début des années 1950. L’objectif de Churchill, semble-t-il, était d’empêcher la Pologne et d’autres pays d’Europe de l’Est de tomber sous l’influence soviétique. Aux États-Unis également, les stratégies militaires de haut rang en vinrent à considérer l’Union soviétique comme le prochain ennemi de l’Amérique quelques semaines après la capitulation de l’Allemagne en mai 1945. Les États-Unis et le Royaume-Uni recrutèrent rapidement des scientifiques nazis et des agents de renseignement de haut rang (tels que Reinhard Gehlen, un dirigeant nazi qui bénéficierait du soutien de Washington pour créer l’agence de renseignement allemande d’après-guerre) afin de commencer à planifier la guerre à venir contre l’Union soviétique.
La Guerre froide a éclaté principalement parce que les Américains et les Britanniques ont rejeté la réunification et la démilitarisation allemandes convenues à Potsdam. Les puissances occidentales ont préféré abandonner la réunification allemande en créant la République fédérale d’Allemagne (RFA, ou Allemagne de l’Ouest) à partir des trois zones d’occupation détenues par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. La RFA allait être réindustrialisée et remilitarisée sous l’égide américaine. En 1955, l’Allemagne de l’Ouest était admise à l’OTAN.
Alors que les historiens débattent ardemment de qui a respecté ou non les accords de Potsdam (par exemple, l’Occident pointant du doigt soviétique le refus d’autoriser un gouvernement véritablement représentatif en Pologne, comme convenu à Potsdam), il ne fait aucun doute que la remilitarisation de la République fédérale d’Allemagne par l’Occident a été la cause principale de la guerre froide.
En 1952, Staline propose une réunification de l’Allemagne fondée sur la neutralité et la démilitarisation. Cette proposition a été rejetée par les États-Unis. En 1955, l’Union soviétique et l’Autriche convinrent que l’Union soviétique retirerait ses forces d’occupation d’Autriche en échange de l’engagement de cette dernière à une neutralité permanente. Le traité d’État autrichien fut signé le 15 mai 1955 par l’Union soviétique, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, associés à l’Autriche, mettant ainsi fin à l’occupation. L’objectif de l’Union soviétique était non seulement d’apaiser les tensions concernant l’Autriche, mais aussi de montrer aux États-Unis un modèle réussi de retrait soviétique d’Europe assorti de neutralité. Une fois de plus, les États-Unis rejetèrent l’appel soviétique à mettre fin à la guerre froide sur la base de la neutralité et de la démilitarisation de l’Allemagne. En 1957 encore, le doyen américain des affaires soviétiques, George Kennan, appelait publiquement et ardemment, lors de sa troisième conférence Reith pour la BBC, les États-Unis à convenir avec l’Union soviétique d’un retrait mutuel de leurs troupes d’Europe. L’Union soviétique, soulignait Kennan, n’avait ni l’intention ni l’intention d’envahir militairement l’Europe occidentale. Les partisans de la Guerre froide aux États-Unis, dirigés par John Foster Dulles, n’en voulaient rien savoir. Aucun traité de paix ne fut signé avec l’Allemagne pour mettre fin à la Seconde Guerre mondiale avant la réunification allemande en 1990.
Il convient de souligner que l’Union soviétique a respecté la neutralité de l’Autriche après 1955, ainsi que celle des autres pays neutres d’Europe (dont la Suède, la Finlande, la Suisse, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal). Le président finlandais Alexander Stubb a récemment déclaré que l’Ukraine devrait rejeter la neutralité, compte tenu de l’expérience négative de la Finlande (la neutralité finlandaise prenant fin en 2024, date de l’adhésion du pays à l’OTAN). C’est une idée étrange. La Finlande, sous sa neutralité, est conservée en paix, a atteint une prospérité économique remarquable et s’est hissée au sommet du classement mondial du bonheur (selon le Rapport mondial sur le bonheur).
Le président John F. Kennedy a montré la voie possible pour mettre fin à la Guerre froide, fondée sur le respect mutuel des intérêts de sécurité de toutes les parties. Kennedy a bloqué la tentative du chancelier allemand Konrad Adenauer d’acquérir des armes nucléaires auprès de la France, apaisant ainsi les inquiétudes soviétiques quant à une Allemagne dotée de l’arme nucléaire. Sur cette base, JFK a négocié avec succès le Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires avec son homologue soviétique Nikita Khrouchtchev. Kennedy a très probablement été assassiné quelques mois plus tard par un groupe d’agents de la CIA suite à son initiative de paix. Des documents publiés en 2025 confirment les soupçons de longue date selon lesquels Lee Harvey Oswald était directement manipulé par James Angleton, un haut responsable de la CIA. La prochaine ouverture américaine en faveur de la paix avec l’Union soviétique a été menée par Richard Nixon. Lui aussi a été renversé par les événements du Watergate, qui laissent également entrevoir une opération de la CIA qui n’a jamais été éludée.
Mikhaïl Gorbatchev a finalement mis fin à la Guerre froide en dissolvant unilatéralement le Pacte de Varsovie et en promouvant activement la démocratisation de l’Europe de l’Est. J’ai participé à certains de ces événements et été témoin de certaines des initiatives de paix de Gorbatchev. À l’été 1989, par exemple, Gorbatchev a demandé aux dirigeants communistes polonais de l’ancien gouvernement de coalition avec les forces d’opposition exercées par le mouvement Solidarnosc. La fin du Pacte de Varsovie et la démocratisation de l’Europe de l’Est, toutes deux impulsées par Gorbatchev, ont rapidement conduit le chancelier allemand Helmut Kohl à appeler à la réunification de l’Allemagne. Cela a conduit aux traités de réunification de 1990 entre la RFA et la RDA, et au traité « 2+4 » entre les deux Allemagnes et les quatre puissances alliées : les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Union soviétique. En février 1990, les États-Unis et l’Allemagne avaient clairement promis à Gorbatchev que l’OTAN « ne se déplacerait pas d’un pouce vers l’est » dans le contexte de la réunification allemande, un fait aujourd’hui largement nié par les puissances occidentales, mais facilement vérifiable. Cette promesse clé de ne pas élargir l’OTAN a été faite à plusieurs reprises, mais elle n’a pas été incluse dans le texte de l’accord 2+4, car celui-ci concernait la réunification allemande et non l’expansion de l’OTAN vers l’est.
Le cinquième cas, l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, est une fois de plus perçue en Occident comme la preuve de l’incorrigible impérialisme de la Russie vers l’Ouest. Le mot favori des médias,experts et propagandistes occidentaux est que l’invasion russe était « non provoquée »et qu’elle témoigne donc de la volonté implacable de Poutine non seulement de rétablir l’Empire russe, mais aussi de progresser vers l’Ouest, ce qui signifie que l’Europe devrait se préparer à une guerre avec la Russie. C’est un mensonge absurde, mais il est si souvent répété par les médias grand public qu’il est largement cru en Europe.
Le fait est que l’invasion russe de février 2022 a été si profondément provoquée par l’Occident qu’on soupçonne qu’il s’agissait bel et bien d’un projet américain visant à entraîner les Russes dans une guerre pour vaincre ou affaiblir la Russie. Cette affirmation est crédible , comme le confirme de nombreuses déclarations de responsables américains. Après l’invasion, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a déclaré que l’objectif de Washington était « d’affaiblir la Russie au point de l’empêcher de commettre le même genre d’actes qu’en envahissant l’Ukraine. L’Ukraine peut gagner si elle dispose des équipements et du soutien adéquats. »
Français La principale provocation américaine contre la Russie était d’étendre l’OTAN vers l’est, contrairement aux promesses de 1990, avec un objectif important : encercler la Russie avec les États de l’OTAN dans la région de la mer Noire, rendant ainsi la Russie incapable de projeter sa puissance navale basée en Crimée en Méditerranée orientale et au Moyen-Orient. En substance, l’objectif américain était le même que celui de Palmerston et de Napoléon III lors de la guerre de Crimée : bannir la flotte russe de la mer Noire. Les membres de l’OTAN incluraient l’Ukraine, la Roumanie, la Bulgarie, la Turquie et la Géorgie, formant ainsi un nœud coulant pour étrangler la puissance navale russe en mer Noire. Brzezinski a décrit cette stratégie dans son livre de 1997 Le Grand Échiquier , où il a affirmé que la Russie se plierait certainement à la volonté occidentale, car elle n’avait d’autre choix que de le faire . Brzezinski a spécifiquement rejeté l’idée selon laquelle la Russie s’aligne un jour sur la Chine contre l’Europe.
Toute la période qui a suivi la chute de l’Union soviétique en 1991 a été marquée par l’arrogance occidentale (comme l’historien Jonathan Haslam l’a intitulé dans son excellent compte rendu ), où les États-Unis et l’Europe ont cru pouvoir repousser l’OTAN et les systèmes d’armement américains (comme les missiles Aegis) vers l’Est sans se soucier des préoccupations de sécurité nationale de la Russie. La liste des provocations occidentales serait trop longue pour être détaillée ici, mais en voici un résumé.
Premièrement, contrairement aux promesses faites en 1990, les États-Unis ont entamé l’élargissement de l’OTAN vers l’Est avec les annonces du président de l’époque, Bill Clinton, en 1994. À l’époque, le secrétaire à la Défense de Clinton, William Perry, avait envisagé de démissionner face à l’imprudence des actions américaines, contrairement aux promesses précédentes. La première vague d’élargissement de l’OTAN a eu lieu en 1999, incluant la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. La même année, les forces de l’OTAN ont bombardé la Serbie, alliée de la Russie, pendant 78 jours pour la diviser, et l’OTAN a rapidement installé une nouvelle base militaire majeure dans la province séparatiste du Kosovo. En 2004, la deuxième vague d’expansion de l’OTAN vers l’Est a inclus sept pays, dont les voisins directs de la Russie dans les pays baltes et deux pays riverains de la mer Noire : la Bulgarie et la Roumanie. En 2008, la majeure partie de l’UE a reconnu le Kosovo comme un État indépendant, contrairement aux protestations européennes selon lesquelles les frontières européennes sont sacro-saines.
Deuxièmement, les États-Unis ont abandonné le cadre de contrôle des armements nucléaires en quittant unilatéralement le Traité sur les missiles antibalistiques (TABM) en 2002. En 2019, Washington a également abandonné le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI). Malgré les objections vigoureuses de la Russie, les États-Unis ont commencé à déployer des systèmes de TBM en Pologne et en Roumanie, et se sont réservés le droit d’en déployer en Ukraine en janvier 2022.
Troisièmement, les États-Unis ont profondément infiltré la politique intérieure ukrainienne, dépensant des milliards de dollars pour façonner l’opinion publique, créer des médias et orienter la politique intérieure du pays. Les élections de 2004-2005 en Ukraine sont largement considérées comme une révolution de couleur américaine, au cours de laquelle les États-Unis ont utilisé de leur influence, ouverte et secrète, et de leur financement pour orienter le examen en faveur des candidats qu’ils soutenaient. En 2013-2014, les États-Unis ont joué un rôle direct dans le financement des manifestations de Maïdan et dans le soutien au violent coup d’État qui a renversé le président neutre Viktor Ianoukovitch, ouvrant ainsi la voie à un régime ukrainien favorable à l’adhésion à l’OTAN. Par ailleurs, j’ai été invité à me rendre sur Maïdan peu après le violent coup d’État du 22 février 2014 qui a renversé Ianoukovitch. Le rôle du financement américain des manifestations m’a été expliqué par une ONG américaine profondément impliquée dans les événements de Maïdan.
Quatrièmement, à partir de 2008, malgré les objections de plusieurs dirigeants européens, les États-Unis ont poussé l’OTAN à s’engager à s’élargir à l’Ukraine et à la Géorgie. L’ambassadeur américain à Moscou de l’époque, William J. Burns, a télégraphié à Washington une note désormais tristement célèbre intitulée « Niet signifie Niet : les lignes rouges de la Russie concernant l’élargissement de l’OTAN », faisant que l’ensemble de la classe politique était russe profondément opposée à l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine et craignait qu’une telle initiative ne conduise à des troubles civils en Ukraine.
Cinquièmement, après le coup d’État de Maïdan, les régions ethniquement russes de l’Ukraine orientale (Donbass) se sont séparées du nouveau gouvernement ukrainien occidental mis en place par le coup d’État. La Russie et l’Allemagne ont rapidement conclu les accords de Minsk, selon lesquels les deux régions séparatistes (Donetsk et Lougansk) resteraient au sein de l’Ukraine, mais bénéficieraient d’une autonomie locale, calquée sur celle de la région ethniquement allemande du Tyrol du Sud, en Italie. Minsk II, soutenu par le Conseil de sécurité de l’ONU, aurait pu mettre fin au conflit, mais le gouvernement de Kiev, avec le soutien de Washington, a décidé de ne pas mettre en œuvre l’autonomie. L’échec de la mise en œuvre de Minsk II a empoisonné la diplomatie entre la Russie et l’Occident.
Sixièmement, les États-Unis ont progressivement élargi l’armée ukrainienne (active et de réserve) à environ un million de soldats d’ici 2020. L’Ukraine et ses bataillons paramilitaires d’extrême droite (tels que le bataillon Azov et le Secteur droit) ont mené des attaques répétées contre les deux régions séparatistes, avec des milliers de morts civiles dans le Donbass à cause des bombardements ukrainiens.
Septièmement, fin 2021, la Russie a présenté un projet d’accord de sécurité russo-américain , appelant principalement à la fin de l’élargissement de l’OTAN. Les États-Unis ont rejeté l’appel de la Russie à mettre fin à l’élargissement de l’OTAN vers l’Est, réaffirmant leur engagement en faveur de la politique de « porte ouverte » de l’OTAN, selon laquelle les pays tiers, comme la Russie, ne pourraient pas leur mot à dire sur l’élargissement de l’OTAN. Les États-Unis et les pays européens ont réitéré à plusieurs reprises l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Le secrétaire d’État américain aurait également déclaré au ministre russe des Affaires étrangères en janvier 2022 que les États-Unis conservaient le droit de déployer des missiles de moyenne portée en Ukraine, malgré les objections de la Russie.
Huitièmement, suite à l’invasion russe du 24 février 2022, l’Ukraine a rapidement accepté des négociations de paix fondées sur un retour à la neutralité. Ces négociations ont eu lieu à Istanbul, sous la médiation de la Turquie. Fin mars 2022, la Russie et l’Ukraine ont publié un mémorandum conjoint faisant état des progrès réalisés dans la conclusion d’un accord de paix. Le 15 avril, un projet d’accord proche d’un règlement global a été présenté. À ce stade, les États-Unis sont intervenus et ont indiqué aux Ukrainiens qu’ils ne soutiendraient pas l’accord de paix, mais qu’ils soutenaient la poursuite des combats en Ukraine.
Les coûts élevés d’une politique étrangère ratée
La Russie n’a formulé aucune revendication territoriale contre les pays d’Europe occidentale, et n’a jamais menacé l’Europe occidentale, si ce n’est le droit de riposter aux frappes de missiles soutenus par l’Occident en Russie. Jusqu’au coup d’État de Maïdan en 2014, la Russie n’a formulé aucune revendication territoriale sur l’Ukraine. Après le coup d’État de 2014, et jusqu’à fin 2022, la seule revendication territoriale de la Russie concernait la Crimée, afin d’empêcher que la base navale russe de Sébastopol ne tombe aux mains des Occidentaux. Ce n’est qu’après l’échec du processus de paix d’Istanbul – torpillé par les États-Unis – que la Russie a revendiqué l’annexion des quatre oblasts ukrainiens (Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijia). Les objectifs de guerre déclarés de la Russie restent aujourd’hui limités, notamment la neutralité de l’Ukraine, sa démilitarisation partielle, son statut permanent de non-membre de l’OTAN et le transfert de la Crimée et de ses quatre oblasts à la Russie, qui représentent environ 19 % du territoire ukrainien de 1991.
Il ne s’agit pas là d’une preuve d’impérialisme russe vers l’ouest. Ces exigences ne sont pas non plus injustifiées. Les objectifs de guerre de la Russie font suite à plus de trente ans d’opposition russe à l’expansion de l’OTAN vers l’est, à l’armement de l’Ukraine, à l’abandon par les États-Unis du programme d’armement nucléaire et à la profonde ingérence occidentale dans la politique intérieure ukrainienne, notamment par son soutien au violent coup d’État de 2014, qui a placé l’OTAN et la Russie dans une situation de conflit direct.
L’Europe a choisi d’interpréter les événements des trente dernières années comme la preuve de l’expansionnisme implacable et incorrigible de la Russie vers l’Ouest – tout comme l’Occident a insisté sur le fait que l’Union soviétique était seule responsable de la Guerre froide, alors qu’en réalité, l’Union soviétique a montré à maintes reprend la voie de la paix grâce à la neutralité, à l’unification et au désarmement de l’Allemagne. Tout comme pendant la Guerre froide, l’Occident a préféré provoquer la Russie plutôt que de reconnaître ses préoccupations sécuritaires, pourtant parfaitement compréhensibles. Chaque action russe a été interprétée au maximum comme un signe de perfidie russe, sans jamais reconnaître son point de vue. Il s’agit là d’un exemple frappant du dilemme sécuritaire classique, où les adversaires se taisent complètement, anticipent le pire et réagissent agressivement sur la base de leurs hypothèses erronées.
Le choix de l’Europe d’interpréter la Guerre froide et l’après-Guerre froide selon cette perspective fortement biaisée lui a coûté très cher, et ce coût ne cesse de croître. Plus important encore, l’Europe en est lieu à se considérer comme entièrement dépendante des États-Unis pour sa sécurité. Si la Russie est effectivement incorrigiblement expansionniste, alors les États-Unis sont véritablement le sauveur indispensable de l’Europe. Si, au contraire, le comportement de la Russie reflétait bien ses préoccupations sécuritaires, alors la Guerre froide aurait très probablement pu prendre fin des décennies plus tôt, sur le modèle de neutralité autrichienne, et l’après-Guerre froide aurait pu être une période de paix et de confiance croissante entre la Russie et l’Europe.
En réalité, l’Europe et la Russie sont des économies complémentaires : la Russie est riche en matières premières (agriculture, minéraux, hydrocarbures) et en ingénierie, tandis que l’Europe abrite des industries à forte intensité énergétique et des hautes technologies clés. Les États-Unis s’opposent depuis longtemps aux liens commerciaux croissants entre l’Europe et la Russie résultant de cette complémentarité naturelle, soulignant le secteur énergétique russe comme un concurrent du secteur énergétique américain et, plus généralement, les liens commerciaux et d’investissement étroits entre l’Allemagne et la Russie comme une menace pour la prédominance politique et économique américaine en Europe occidentale. Pour ces raisons, les États-Unis se sont opposés aux gazoducs Nord Stream 1 et 2 bien avant le conflit ukrainien. C’est pourquoi Biden a annoncé une promesse de mettre fin à Nord Stream 2 – comme cela s’est produit – en cas d’invasion russe de l’Ukraine. L’opposition américaine à Nord Stream et à la rupture des liens économiques germano-russes reposait sur des principes généraux :L’UE et la Russie devaient rester à distance, de peur que les États-Unis ne perdent leur influence en Europe.
La guerre en Ukraine et la rupture de l’Europe avec la Russie ont gravement porté atteinte à l’économie européenne. Les exportations européennes vers la Russie ont chuté, passant d’environ 90 milliards d’euros en 2021 à seulement 30 milliards d’euros en 2024. Les coûts de l’énergie ont grimpé en flèche, l’Europe étant passée du gaz naturel russe à bas prix acheminé par gazoduc au gaz naturel liquéfié américain, bien plus cher. L’industrie allemande a reculé d’environ 10 % depuis 2020, et les secteurs chimiques et automobiles allemands sont tous deux en difficulté. Le FMI prévoit une croissance économique de l’UE de seulement 1 % en 2025 et d’environ 1,5 % pour le reste de la décennie.
Le chancelier allemand Friedrich Merz a appelé à une interdiction permanente du rétablissement des flux gaziers du Nord Stream, mais il s’agit presque d’un pacte de suicide économique pour l’Allemagne. Ce pacte repose sur l’idée, selon Merz, que la Russie vise la guerre avec l’Allemagne, alors qu’en réalité, l’Allemagne provoque la guerre avec la Russie en se livrant à un bellicisme et à un renforcement militaire massif. Selon Merz, « une vision réaliste des aspirations impérialistes de la Russie est nécessaire ». Il affirme : « Une partie de notre société a une peur profonde de la guerre. Je ne la partage pas, mais je peux la comprendre. » Plus alarmant encore, Merz a déclaré que « les moyens diplomatiques sont épuisés », alors qu’il n’a apparemment même pas tenté de dialoguer avec le président russe Vladimir Poutine depuis son arrivée au pouvoir. De plus, il semble volontairement aveuglé par le quasi-succès de la diplomatie en 2022 dans le cadre du processus d’Istanbul, c’est-à-dire avant que les États-Unis n’y mettent un terme.
L’approche occidentale envers la Chine reflète son approche envers la Russie. L’Occident attribue souvent à la Chine des intentions négatives qui sont, à bien des égards, des projections de ses propres intentions hostiles envers la République populaire. L’ascension rapide de la Chine vers la prééminence économique entre 1980 et 2010 a conduit les dirigeants et stratégies américains à considérer cette ascension comme contraire aux intérêts américains. En 2015, les stratégies américaines Robert Blackwill et Ashley TellisOnt clairement expliqué que la grande stratégie américaine repose sur l’hégémonie américaine, et que la Chine représente une menace pour cette hégémonie en raison de sa taille et de son succès. Blackwill et Tellis ont préconisé un ensemble de mesures de la part des États-Unis et de leurs alliés pour entraver la réussite économique future de la Chine, telles que l’exclusion de la Chine des nouveaux blocs commerciaux de la région Asie-Pacifique, la restriction des exportations de produits de haute technologie occidentale vers la Chine, l’imposition de droits de douane et d’autres restrictions sur les exportations chinoises, ainsi que d’autres mesures anti-chinoises. Il faut noter que ces mesures ont été recommandées non pas en raison de délits spécifiques commis par la Chine, mais parce que, selon les auteurs, la croissance économique continue de la Chine était contraire à la primauté américaine.
Un parti de la politique étrangère vis-à-vis de la Russie et de la Chine consiste en une guerre médiatique visant à discréditer ces ennemis déclarés de l’Occident. L’Occident a présenté la Chine comme commettant un génocide dans la province du Xinjiang contre la population ouïghoure. Cette accusation absurde et exagérée a été formulée sans aucune preuve sérieuse , tandis que l’Occident ferme généralement les yeux sur le génocide en cours de dizaines de milliers de Palestiniens à Gaza aux mains de son allié, Israël. De plus, la propagande occidentale regorge d’allégations absurdes sur l’économie chinoise. L’initiative chinoise « la Ceinture et la Route », très précieuse, qui finance les pays en développement pour la construction d’infrastructures modernes, est décriée comme un « piège de la dette ». L’extraordinaire capacité de la Chine à produire des technologies vertes, telles que les modules solaires dont le monde a un urgent, est qualifiée par l’Occident de « surcapacité » qui devrait être réduite, voire besoin supprimée.
Sur le plan militaire, le dilemme sécuritaire face à la Chine est interprété de la manière la plus inquiétante, tout comme avec la Russie. Les États-Unis proclament depuis longtemps leur capacité à perturber les voies maritimes vitales de la Chine, mais qualifient ensuite la Chine de militariste lorsqu’elle prend des mesures pour renforcer sa propre capacité navale en réponse. Plutôt que de considérer le renforcement militaire de la Chine comme un dilemme sécuritaire classique devant être résolu par la diplomatie, la marine américaine déclare qu’elle doit se préparer à une guerre avec la Chine d’ici 2027. L’OTAN appelle de plus en plus à un engagement actif en Asie de l’Est, dirigé contre la Chine. Les alliés européens des États-Unis se conforment généralement à l’approche agressive américaine envers la Chine, tant sur le plan commercial que militaire.
Une nouvelle politique étrangère pour l’Europe
L’Europe s’est mise dans une situation difficile, se soumettant aux États-Unis, refusant toute diplomatie directe avec la Russie, perdant son avantage économique par le biais de sanctions et de guerres, s’engageant dans des augmentations massives et inabordables de ses dépenses militaires et coupant ses liens commerciaux et d’investissement à long terme avec la Russie et la Chine. Il en résulte une dette croissante, une stagnation économique et un risque croissant de guerre majeure, ce qui, apparemment, n’effraie pas Merz, mais devrait nous terrifier. La guerre la plus probable n’est peut-être pas celle avec la Russie, mais avec les États-Unis, qui, sous Trump, ont menacé de s’emparer du Groenland si le Danemark ne vendait pas ou ne transférait pas le Groenland à Washington. Il est fort possible que l’Europe se retrouve sans amis : ni la Russie ni la Chine véritable, mais aussi les États-Unis, les États arabes (indignés de l’aveuglement de l’Europe face au génocide israélien), l’Afrique (encore sous le coup du colonialisme et du postcolonialisme européen), et au-delà.
Il existe bien une autre voie, très prometteuse, si les responsables politiques européens réévaluent les véritables intérêts et risques sécuritaires de l’Europe et remplacent la diplomatie au cœur de sa politique étrangère. Je propose dix mesures concrètes pour parvenir à une politique étrangère qui reflète les véritables besoins de l’Europe.
Premièrement, il faut ouvrir les communications diplomatiques directes avec Moscou. L’échec manifeste de l’Europe à s’engager dans une diplomatie directe avec la Russie est dévastatrice. L’Europe croit peut-être même à sa propre propagande de politique étrangère, puisqu’elle s’abstient d’aborder les questions clés directement avec son homologue russe.
Deuxièmement, se préparer à une paix négociée avec la Russie concernant l’Ukraine et l’avenir de la sécurité collective européenne. Plus important encore, l’Europe devrait convenir avec la Russie que la guerre doit prendre fin sur la base d’un engagement ferme et irrévocable de l’OTAN à ne pas s’étendre à l’Ukraine, à la Géorgie ou à d’autres pays plus à l’est. De plus, l’Europe devrait accepter des modifications territoriales pragmatiques en Ukraine en faveur de la Russie.
Troisièmement, l’Europe devrait rejeter la militarisation de ses relations avec la Chine, par exemple en rejetant tout rôle de l’OTAN en Asie de l’Est. La Chine ne représente absolument aucune menace pour la sécurité de l’Europe, et l’Europe devrait cesser de soutenir aveuglément les prétentions américaines à l’hégémonie en Asie, qui sont déjà dangereuses et illusoires, même sans son soutien. Au contraire, l’Europe devrait renforcer sa coopération avec la Chine en matière de commerce, d’investissement et de climat.
Quatrièmement, l’Europe devrait se doter d’un mode de diplomatie institutionnelle raisonnable. Le mode actuel est inapplicable. Le Haut Représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité sert principalement de porte-parole à la russophobie, tandis que la diplomatie de haut niveau – si tant est qu’elle existe – est dirigée de manière confuse et alternative par des dirigeants européens individuels, le Haut Représentant de l’UE, le président de la Commission européenne, le président du Conseil européen, ou une combinaison variable de ces derniers. En bref, personne ne parle clairement au nom de l’Europe, puisqu’il n’existe pas de politique étrangère claire européenne.
Cinquièmement, l’Europe devrait reconnaître que sa politique étrangère doit être dissociée de l’OTAN. En réalité, l’Europe n’a pas besoin de l’OTAN, puisque la Russie n’est pas sur le point d’envahir l’UE. Elle devrait en effet se doter de ses propres capacités militaires, agissant des États-Unis, mais à un coût bien inférieur à 5 % de son PIB, objectif numérique absurde fondé sur une évaluation totalement exagérée de la menace russe. De plus, la défense européenne ne doit pas être confondue avec la politique étrangère européenne, même si ces deux notions ont été profondément confondues ces derniers temps.
Sixièmement, l’UE, la Russie, l’Inde et la Chine devraient collaborer à la modernisation écologique, numérique et des transports de l’espace eurasien. Le développement durable de l’Eurasie est une situation gagnant-gagnant-gagnant-gagnant pour l’UE, la Russie, l’Inde et la Chine, et ne peut se réaliser que par une coopération pacifique entre les quatre grandes puissances eurasiennes.
Septièmement, le Global Gateway européen, le mécanisme de financement des infrastructures dans les pays tiers, devrait collaborer avec l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route ». Actuellement, le Global Gateway est présenté comme un concurrent de la BRI. En réalité, les deux organisations devraient unir leurs forces pour cofinancer les infrastructures d’énergie verte, numérique et de transport en Eurasie.
Huitièmement, l’Union européenne devrait augmenter son financement du Pacte vert pour l’Europe (PVE), accélérant ainsi la transformation de l’Europe vers un avenir sobre en carbone, plutôt que de gaspiller 5 % de son PIB en dépenses militaires inutiles et sans intérêt pour l’Europe. L’augmentation des dépenses pour le PVE présente deux avantages : premièrement, elle apportera des bénéfices régionaux et mondiaux en matière de sécurité climatique ; Deuxièmement, elle renforcera la compétitivité de l’Europe dans les technologies vertes et numériques du futur, créant ainsi un nouveau modèle de croissance viable pour l’Europe.
Neuvièmement, l’UE devrait s’associer à l’Union africaine pour développer massivement l’éducation et le développement des compétences au sein des États membres de l’UA. Avec une population de 1,4 milliard d’habitants qui devrait atteindre environ 2,5 milliards d’ici le milieu du siècle, contre environ 450 millions pour l’UE, l’avenir économique de l’Afrique influencera profondément celui de l’Europe. Le meilleur espoir de prospérité pour l’Afrique réside dans le développement rapide d’une éducation et de compétences de pointe.
Dixièmement, l’UE et les BRICS devraient affirmer clairement et fermement aux États-Unis que l’ordre mondial futur ne repose pas sur l’hégémonie, mais sur l’État de droit, conformément à la Charte des Nations Unies. C’est la seule voie vers une véritable sécurité pour l’Europe et le monde. La dépendance à l’égard des États-Unis et de l’OTAN est une illusion cruelle, surtout compte tenu de l’instabilité des États-Unis eux-mêmes. La réaffirmation de la Charte des Nations Unies, en revanche, peut mettre fin aux guerres (par exemple, en mettant fin à l’impunité d’Israël et en appliquer les décisions de la CIJ en faveur de la solution à deux États) et prévenir de futurs conflits.