Recherche de notre ami Guy de la Fortelle
La French Tech vient de franchir un cap historique . Mistral AI devient la première décacorne française, propulsée par une levée de fonds record de 1,7 milliard de dollars. Ainsi se dessine une ambition claire : rivaliser avec les mastodontes américains de l’intelligence artificielle.
Mistral AI a annoncé mardi avoir levé 1,7 milliard d’euros dans une levée de fonds menée par le fournisseur néerlandais d’équipements pour la fabrication de puces ASML, confirmant une information rapportée par Reuters dimanche.
Le groupe néerlandais a investi 1,3 milliard d’euros dans le champion français de l’intelligence artificielle, devenant son principal actionnaire avec une prise de participation de 11%.
DST Global, Andreessen Horowitz, Bpifrance, General Catalyst, Index Ventures, Lightspeed et NVIDIA, investisseurs existants de Mistral AI, ont également pris part à la levée de fonds, selon un communiqué de la start-up française.
Cette levée de fonds porte la valorisation de Mistral AI à 11,7 milliards d’euros, selon le communiqué, faisant ainsi de l’entreprise la société d’IA la plus valorisée d’Europe.
ASML a également annoncé un partenariat stratégique avec Mistral AI pour utiliser ses modèles d’intelligence artificielle dans l’ensemble de son portefeuille de produits ainsi que l’obtention d’un siège au comité stratégique de Mistral, selon un communiqué du groupe néerlandais.
Fondée en 2023 par d’anciens chercheurs de Google DeepMind et Meta, Mistral AI se positionne comme l’alternative européenne aux États-Unis en matière d’intelligence artificielle (IA). La start-up est également au cœur de la stratégie française visant à devenir un concurrent de premier plan dans le domaine.
Cependant, sa valeur ne représente encore qu’une fraction de celle de ses homologues américains. OpenAI vise une valorisation d’environ 500 milliards de dollars (425,82 milliards d’euros) dans le cadre d’une éventuelle vente d’actions, a déclaré en août à Reuters une source proche du dossier, soit plus de 40 fois la valorisation de Mistral AI.
ASML a récemment renforcé ses liens avec la France en nommant l’ancien ministre français de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire au poste de conseiller spécial auprès de son comité exécutif. Le groupe est également dirigé par le français Christophe Fouquet depuis 2024. Tout est présenté de telle façon que les Français croient dur comme fer qu’ils ont enfin une licorne , qu’elle est française ou européenne et donc qu’elle peut être concurrente des géants américains.
Nous la tenons notre indépendance n’est-ce-pas !
« Les Américains n’ont pas intérêt à ce que l’on réunisse et à ce qu’une entreprise française travaille avec une entreprise hollandaise puisque ça veut dire que c’est un vrai espace économique unifié et que du coup on a une chance sur la guerre de l’échelle.«
Ces propos nous viennent directement d’un temple revendiqué de la correction politique, du wokisme en étendard, de la bien-pensance en bandoulière.
Je les ai entendus sur TMC (chaîne du groupe TF1), dans l’émission Quotidien animée par Yann Barthès.
Serait-ce le premier pas vers une souveraineté retrouvée, allons-nous enfin pouvoir investir dans les technologies européennes !?
Yann Barthès et son équipe de choc, donc, interrogeaient hier Arthur Mensch, cofondateur de Mistral AI au sujet de sa récente levée de fond.
Ils ont sorti le grand jeu, présenté Mense comme un « génie de l’IA » avec une grande nouvelle à annoncer : la pépite française de l’Intelligence Artificielle, Mistral AI, a levé 1,7 milliard d’euros, essentiellement auprès d’un autre champion européen de la tech : ASML.
ASML est une de ces entreprises très bizarre qui prend la lumière récemment : Il fabrique les machines à 400 millions de dollars qui permettent de graver les fameuses puces spécialisées dans l’IA.
Regardez bien cher lecteur naître, devant vos yeux ébahis, un vrai espace économique unifié… LE coup de force qui va permettre de donner une chance à l’Europe dans la guerre de l’échelle… Nous allons ENFIN pouvoir nous battre à armes égales avec les Américains !
Je ris. .
Car au fond ce qui se passe sous nos yeux, c’est essentiellement l’alliance de 2 groupes américains sous drapeaux français et hollandais afin de mieux capter les subventions, aides et épargnes européennes.
Commençons par le plus simple :
ASML
ASML nous est présentée comme une société des Pays-Bas. Elle est effectivement de droit néerlandais et ce n’est pas tout à fait anodin mais est-ce bien cela qui compte ?
Oui évidemment, cela fait des emplois aux Pays-Bas, de l’activité économique. La société est également régie par le droit néerlandais qui se trouve, quel heureux hasard, être l’un des plus souples et généreux d’Europe, en particulier envers les actionnaires.
Oui mais voilà, en terme de souveraineté, ce qui compte, c’est le propriétaire, c’est l’actionnaire, SURTOUT dans le cadre européen de Bruxelles qui a émasculé les États nationaux depuis longtemps, à commencer par leur capacité à tenir tête aux géants américains.
Et les 5 principaux actionnaires d’ASML sont américains, à commencer par les sempiternels BlackRock et Vanguard évidemment.
Cela signifie qu’une décision aussi importante et stratégique qu’un investissement de 1,5 milliard d’euro a évidemment été approuvée par les actionnaires donc par les Américains…
Pour le dire autrement, le PDG (français) d’ASML n’aurait jamais pris le risque de déplaire à ses actionnaires. Il est vraiment sympa Oncle Sam de nous laisser former cette alliance si stratégique alors même qu’il fait de la méchante désinformation et propage des narratifs de déstabilisations.
Allez, ces animateurs de TV ne sont pas à une contradiction près.
Mais à bien y regarder, même Mistral AI n’a pas grand chose de français, en tout cas dans sa structure décisionnaire.
Mistral AI
Lors de sa création, Mistral a d’abord été financé par le fonds américain Lightspeed Venture Partners, Andreessen Eric Schmidt, l’ancien patron de Google et les très atlantistes Xavier Niel et Rodolphe Saadé qui ont des intérêts ou visées importantes outre-atlantiques.
Notez d’ailleurs qu’Arthur Mensch était chez Google avant de créer Mistral avec, donc, la bénédiction d’un dirigeant-clé du groupe.
Mistral a également un partenariat technologique avec Microsoft et avec cet investissement d’ASML, la majorité du capital de Mistral est désormais sous contrôle américain… Donc Mistral l’est.
Note BB; Si Mistral AI comme ASML est sous domination capitalistique américaine cela fait de Mistral Ai non pas une licorne française mais … un nouveau cheval de Troie américain en Europe! En particulier ce controle de MistralAI/ ASML donne du poids aux américains quand ils s’opposent aux blocages européens en matière d’IA.
Là encore, même sans connaître les pactes d’actionnaires de Mistral, il aurait été quasiment impossible pour Mistral de faire rentrer ASML sans l’accord exprès des actionnaires historiques américains.
Mais alors pourquoi tous ces investisseurs et actionnaires favoriseraient-ils leur propre concurrence ?
Tout d’abord, ils ne le font pas vraiment.
J’ai écrit en mai dernier que la guerre de l’IA ne se menait déjà plus au niveau des modèles ni même de la capacité à les entraîner avec des milliards de milliards de données.
Non, l’enjeu désormais, c’est la puissance de calcul pour les faire tourner pour les utilisateurs. C’est d’ailleurs pour cela que la grande majorité des modèles sont en accès libre. Il n’y plus d’enjeu vous dis-je.
D’ailleurs, quand Yann Barthès demande à Arthur Mensch ce que Mistral fait mieux que ses concurrents, il répond… Que son modèle est « plus sympa ». Ah.
Au moment où j’écris ces lignes, OpenAI, l’éditeur de ChatGPT, vient d’annoncer un contrat titanesque à 300 MILLIARDS de dollars avec Oracle pour fournir de la puissance de calcul équivalente de 4,5 gigawatts soit des serveurs derniers cris alimentés en permanence par… 4 réacteurs nucléaire !
Si personnes ne sait encore comment Sam Altman va réussir à financer ce gouffre ou comment Oracle va aligner la puissance de calcul, nous n’avons en revanche pas de mal à concevoir le besoin pour ChatGPT qui compte déjà plus de 700 millions d’utilisateurs hebdomadaires, utilisateurs toujours plus nombreux et toujours plus gourmands en requêtes.
Non, vraiment, nous sommes à la ramasse à nous esbaudir ainsi des succès de Mistral AI.
Bien sûr, ce n’est pas désagréable ni complètement inutile d’avoir un acteur « français » de l’IA mais nous sommes très TRÈS loin du passage à l’échelle pour rattraper les Américains.
Les Américains se comportent en colonisateurs qui extraient la richesse… Encouragés par nos « élites »
En revanche, là où Mistral et ASML sont très très bien positionnées, c’est pour capter des subventions directement et indirectement, drainer l’épargne européenne, notre fameuse épargne si abondante, mettre la main sur des ingénieurs sans avoir à les faire traverser l’Atlantique pour les payer aux tarifs de la Silicon Valley…
En fait, nos partenaires américains se comportent avec nous comme la colonie que nous sommes pour en extraire, par tout moyen, toute la richesse possible, y compris par ce genre de transaction qui semblait les desservir de prime abord.
Bien sûr, je me réjouis qu’il y ait un peu de savoir-faire en matière d’IA sur notre sol, bien sûr il y a et il y aura encore des retombées positives pour l’économie française mais je peux vous assurer que notre indépendance des États-Unis NE viendra PAS de Mistral ni d’ASML qui sont déjà sous coupe réglée.
Nous ne sommes ABSOLUMENT pas en capacité, en France, de faire émerger un champion comme Mistral en 3 ans. Ce champion n’est pas fabriqué par nous et dès lors, pas vraiment pour nous. Il n’y a d’ailleurs pas de nous qui tienne pour les Niel et Saadé qui ont investi dans Mistral.
Le processus pour nous relever sera bien plus pénible, fastidieux et profond. Il a fallu une vingtaine d’année à la Russie pour retrouver des couleurs mais elle a été « aidée » par l’ostracisation occidentale.
À votre bonne fortune,
Guy de La Fortelle
PS : Vous avez vu les besoins énergétiques colossaux qu’exige l’IA, Elon Musk a d’ailleurs dû installé 4 turbines à gaz pour alimenté son tout dernier super-calculateur « colossus », le plus puissant jamais conçu.
Dans toute économie, l’énergie est la question centrale et celle du pétrole revient à grande vitesse en ce moment avec l’arrivée du pic de Hubbert des pétroles de schistes américains.