Brian Berletic: La « guerre commerciale » des États-Unis et de l’Europe contre la Chine n’est qu’une étape vers un conflit plus grave. L’affaire Nexperia

L’affaire Nexperia va bien au-delà d’une simple mesure réglementaire du gouvernement néerlandais ; il s’agit d’un moment crucial dans la lutte de pouvoir technologique entre l’Occident et la Chine.

Sur le papier, les Pays-Bas invoquent des lacunes administratives et des risques pour la sécurité nationale pour justifier leur intervention.

Mais en réalité, il s’agit de couper l’accès de la Chine aux technologies de puces occidentales. Nexperia est peut-être basée en Europe, mais elle appartient au chinois Wingtech, et l’on craint que ce précieux savoir-faire ne retombe entre les mains des Chinois.

En gelant les décisions d’entreprise de Nexperia et en limogeant son PDG chinois, les Néerlandais ont commis une erreur impensable il y a quelques années : ils ont pratiquement nationalisé le contrôle d’une entreprise technologique chinoise.

Il ne s’agit pas d’une prise de contrôle totale, mais cela envoie un message clair : l’Europe en a assez de prétendre pouvoir maintenir des marchés ouverts tout en protégeant les technologies critiques.

L’Europe adopte ainsi la même logique intransigeante que celle des États-Unis via le CFIUS : si une entreprise présente ne serait-ce qu’un risque stratégique potentiel, l’État intervient.

Derrière tout cela se cache une forte pression américaine.

Washington a passé des années à inciter ses alliés comme les Pays-Bas et le Japon à restreindre les flux de technologie des semi-conducteurs vers la Chine. Les Pays-Bas bloquaient déjà l’exportation des outils de fabrication de puces haut de gamme d’ASML vers Pékin.

Cette initiative de Nexperia va plus loin : il s’agit d’empêcher la Chine d’absorber l’expertise occidentale par le biais de la propriété et de la gestion, et pas seulement par le biais des échanges commerciaux.

En substance, il s’agit d’un pare-feu au niveau du savoir qu’au niveau industriel.

Pour l’Europe, cela marque un véritable changement de positionnement . Elle s’éloigne d’une position de bloc neutre et axé sur le commerce pour devenir un acteur stratégique, prêt à intervenir directement sur les marchés lorsque la sécurité nationale ou collective est en jeu.

Le fait que le gouvernement néerlandais autorise Nexperia à continuer de produire des puces montre qu’il cherche à trouver le juste milieu entre la protection de la technologie et l’évitement des répercussions économiques ou des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement.

La Chine, quant à elle, percevra cette situation comme une grave escalade. Les plaintes de Wingtech concernant un coup d’État politique au sein du conseil d’administration montrent à quel point Pékin est déstabilisé. Il s’agit d’une perte de contrôle.

On peut s’attendre à une réaction, probablement par le biais de points de pression économiques comme les terres rares, les pièces automobiles ou d’autres secteurs où la Chine dispose encore d’une forte influence.

Nexperia est devenu le dernier cas d’école dans un monde où la frontière entre affaires et sécurité nationale n’existe plus

La « guerre commerciale » entre les États-Unis et l’Europe avec la Chine n’est qu’une étape vers un conflit plus grave écrit Berletic

Les États-Unis et l’Europe intensifient leur « guerre commerciale » contre la Chine – ce qui ne fait que préparer le terrain pour une véritable guerre/guerre par procuration – tout comme ils l’ont fait à partir de 2014 contre la Russie ou l’Iran tout au long du 21e siècle.

Les États-Unis multiplient les provocations dans la province insulaire de Taïwan ainsi qu’avec les Philippines en mer de Chine méridionale, dans l’espoir de créer un prétexte pour intensifier les restrictions, les saisies, les sanctions et les tarifs douaniers déjà injustifiables contre les entreprises chinoises, voire des industries entières.

À défaut, les États-Unis tentent également de lier la Chine à la Russie et de la mettre dans le même panier que celle-ci dans le cadre de la guerre par procuration en cours en Ukraine.

Confrontation plus large, pression plus extrême

Une escalade provoquée ouvrirait la porte à des politiques beaucoup plus agressives comme la fermeture de l’espace aérien aux avions de ligne chinois, l’expulsion de diplomates, la saisie d’actifs à plus grande échelle et même des tentatives d’imposer progressivement des blocus contre les navires chinois.

Cela s’ajoutera à l’ingérence politique mondiale déjà en cours, financée par les États-Unis, à la déstabilisation et même à la capture politique des partenaires et des partenaires potentiels de la Chine.

Ensemble, ils constitueraient une tentative rapide et à grande échelle visant à isoler la Chine dans l’espoir d’étouffer son essor.

La création de récits destinés à mettre en œuvre ces politiques est déjà en cours depuis longtemps. Dans le même temps, cette politique continue d’avancer : les États-Unis et l’Europe tentent d’apparaître comme des « victimes » en prétendant vouloir coopérer avec la Chine, voire en faisant semblant de « se retirer » de la Chine.

Le même jeu a été joué avec la Russie et l’Iran avant que des conflits majeurs ne soient lancés contre les deux.

L’essentiel Les États-Unis poursuivent et continuent de poursuivre la primauté mondiale. Toutes ses politiques servent cet objectif – tout le reste n’est que tromperie et diversion visant à donner le temps et l’espace aux États-Unis pour se créer la meilleure position possible alors qu’ils cherchent à subordonner toutes les nations – en particulier la Chine – à leur primauté.

Le seul remède à ce problème est ce que le monde multipolaire fait pour le dénoncer, s’y opposer et l’arrêter. Rejeter cette hypothèse sous prétexte que « la Russie et la Chine ont une plus grande production militaro-industrielle » et qu’elles « gagneraient » probablement une guerre ouverte, revient à ignorer la réalité : les États-Unis ne sont pas susceptibles de mener une guerre ouverte contre la Chine, mais plutôt d’utiliser leur monopole mondial sur l’espace informationnel, leur capacité à capturer et contrôler politiquement les nations du « reste du monde », et leur armée d’envergure mondiale pour surpasser géopolitiquement la Chine de manière à jouer en faveur des États-Unis plutôt que de dépendre de leur faiblesse militaro-industrielle.

Ce n’est pas que la Chine soit impuissante – mais la situation est loin d’être déjà déterminée et la complaisance ne fait que donner un avantage supplémentaire à la primauté des États-Unis, qui constitue une menace pour la paix et la prospérité – y compris celle des Américains ordinaires.

Laisser un commentaire