Sanctions américaines contre Rosneft et Lukoil : analyse de l’impact économique

23 octobre 2025 

Revue Russia’a pivot

L’administration américaine a imposé des sanctions complètes aux sociétés russes Rosneft et Lukoil, et menacé de sanctions secondaires les entreprises qui les approvisionnent. Ces entreprises assurent environ 50 % de la production et des exportations pétrolières russes. Nous analysons l’impact probable de ces mesures.

Gel de tous les actifs de Rosneft et Lukoil aux États-Unis

Aucun des deux pays ne possède d’actifs significatifs aux États-Unis, tandis que les échanges commerciaux entre la Russie et les États-Unis sont minimes, à seulement 5 milliards de dollars en 2024.

Sanctions secondaires contre les entreprises étrangères achetant des produits Rosneft/Lukoil

Les exportations pétrolières représentent environ 10 % du PIB russe, dont la moitié sont imputables à ces entreprises. Si les sanctions secondaires sont efficaces, cela représenterait pour la Russie une perte de revenus d’environ 109 milliards de dollars par an, soit 9 milliards de dollars par mois. Ce montant équivaut à peu près au budget militaire annuel de la Russie, ce qui semble expliquer pourquoi l’Occident réclame des sanctions visant notamment le pétrole russe. 

Les sanctions seront-elles efficaces ?

L’impact des sanctions américaines sur Rosneft/Lukoil est minime, tandis que les sanctions secondaires pourraient être plus importantes si elles étaient appliquées. Les États-Unis ont menacé d’imposer ces sanctions à toutes les entreprises qui traitent avec Rosneft/Lukoil, y compris les banques et les négociants tiers comme Turkiye. Pour être efficaces, les États-Unis devront imposer des sanctions directes à ces autres entreprises étrangères, ce qui risquerait d’ouvrir des tensions commerciales avec la Chine, l’Inde et la Turquie en particulier. Pour causer le maximum de dommages à la Russie, des sanctions complètes devront être appliquées à l’ensemble de la clientèle de Rosneft/Lukoil, ce qui sera difficile à réaliser.

En outre, la Russie pourrait également détourner sur son territoire les produits de Rosneft/Lukoil vers d’autres exportateurs non sanctionnés, ceux qui assurent les 50 % restants des exportations pétrolières russes. Cela signifie que le filet des sanctions pétrolières russes et ses capacités réelles présentent des failles importantes. 

Quel serait l’impact global ?

Les marchés mondiaux sont aujourd’hui très nerveux et s’inquiètent des effets des sanctions secondaires, si elles sont appliquées. L’hiver approche également, lorsque la consommation de pétrole pour le chauffage atteindra son pic. Une hausse immédiate des prix du pétrole est probable, rendant inefficace la tentative de plafonnement des prix de l’UE. Tant que des sanctions secondaires ne seront pas prononcées, la Russie devrait tirer davantage, et non moins, de ses exportations pétrolières.

Si des sanctions secondaires sont mises en œuvre, les prix du pétrole augmenteront encore davantage, ce qui entraînera un équilibre entre la baisse des exportations pétrolières russes et la hausse des revenus pétroliers. L’équilibre économique serait donc au moins partiel : la Russie exporterait moins, mais ses revenus augmenteraient. Il faudrait une énorme campagne de sanctions secondaires pour briser ce cycle et réellement nuire à l’économie russe.

Quelles sont les conséquences négatives potentielles ?

La Chine, l’Inde et la Turquie vendent toutes des produits pétroliers russes raffinés aux marchés européens ; les prix augmenteraient pour les consommateurs européens. Avec peu de temps pour organiser des approvisionnements alternatifs, notamment auprès des États-Unis, l’Europe pourrait connaître des pénuries d’énergie.

Il existe également un risque élevé de sanctions de rétorsion. Les États-Unis achètent environ 20 % de leur uranium brut directement à la Russie, et 30 % supplémentaires sur des marchés (comme le Niger) bénéficiant d’un fort soutien russe. Cela pourrait avoir des répercussions sur la capacité nucléaire américaine.

Ni la Chine, ni l’Inde, ni la Turquie ne devraient accepter passivement les sanctions secondaires américaines. Il est difficile de prévoir les mesures de rétorsion que ces pays pourraient prendre contre les États-Unis, mais tous ont jusqu’à présent résisté et représentent collectivement environ 10 % du commerce mondial des États-Unis, soit une valeur d’environ 290 milliards de dollars. Autrement dit, si une guerre commerciale éclatait entre les États-Unis et les acheteurs de pétrole russe, le risque pour les États-Unis serait trois fois supérieur à l’impact sur l’économie russe. 

Pronostic

Nous estimons que les mesures prises contre Rosneft et Lukoil auront peu d’impact sur l’économie russe, mais qu’elles pourraient certainement nuire davantage aux économies européennes, avec à la fois une hausse immédiate des prix de l’énergie et un risque de nouvelles hausses si les prix du pétrole continuent de grimper. Que cet impact affecte également l’économie américaine ne dépend pas de la Russie, mais de la mise en œuvre par les États-Unis de sanctions secondaires contre ses clients. Dans ce cas, une guerre énergétique mondiale pourrait éclater, avec des conséquences importantes jusqu’au début de 2026.

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