Le 15e Plan Chinois reste timide sur la priorité à la consommation, il continue de privilégier l’offre et l’équipement.- Stephen Roach

Je suis de retour à Shanghai pour la première fois depuis quelques années. Pleine de caractère, la ville la plus cosmopolite de Chine offre quelque chose qui manque au reste du pays : un secteur de consommation dynamique. Son revenu disponible et ses dépenses par habitant sont près du double de celles du reste de la Chine.

J’espère depuis longtemps que les dirigeants chinois promouvront le modèle de consommation de Shanghai comme modèle pour l’ensemble de la nation.

De fait, certains indices laissent penser que le gouvernement utiliserait le prochain 15e Plan quinquennal pour mettre en œuvre un rééquilibrage stratégique tant attendu vers une croissance économique chinoise tirée par la consommation.

Le message du Quatrième Plénum du Comité central du PCC, qui vient de s’achever, affirme le contraire.

Cette réunion donne généralement un signal fort sur ce à quoi il faut s’attendre lorsque le nouveau plan sera officiellement publié lors des prochaines réunions des Deux Sessions, qui se tiendront en mars 2026. Le communiqué complet (publié plus tôt dans la journée) laisse peu de doute sur les priorités clés : –

premièrement, approfondir le réseau industriel de la Chine ;

-deuxièmement, pousser davantage l’innovation indigène ; et

-troisièmement, la consommation des ménages.

C’est décevant dans le sens suivant : la maîtrise technologique de la Chine est si bien assurée à ce stade qu’il est absurde de s’attarder sur l’évidence. L’exercice de planification devrait être mieux mis à profit pour relever le défi le plus redoutable du pays : un rééquilibrage structurel tant attendu. C’est pour cette seule raison que j’ai été déçu que la croissance tirée par la consommation n’ait pas été davantage mise en avant dans le message du Quatrième Plénum.

Je ne suggère en aucun cas que la Chine doive renoncer à tout ce qu’elle a accompli au cours des deux plans des dix dernières années, notamment en matière de progrès technologique et d’innovation. Durant cette période, la Chine a comblé son retard sur le reste du monde en matière d’innovation, selon les indicateurs de l’Indice mondial de l’innovation. Elle représente désormais environ 30 % de la production manufacturière mondiale, soit à peu près l’équivalent des pièces combinées des États-Unis, de l’Europe et du Japon.

Ce sont des réalisations spectaculaires dont la Chine a toutes les raisons d’être fièrement.

Mais plutôt que de se contenter de ce bilan récent, j’espérais que le message du Plénum mettrait en avant la nécessité d’une croissance tirée par la consommation. Une troisième priorité ne suffit pas à atteindre cet objectif. Un clin léger d’œil a été fait à la réforme du système de protection sociale – longtemps mon option privilégiée pour réduire les excès de précautions induites par la peur des travailleurs et des familles chinois vieillissants. Selon une vague référence du communiqué, cette réforme était principalement axée sur le « renforcement des programmes universels de subsistance de base et de protection sociale », ce qui est loin d’être suffisant pour faire bouger la faible part de la consommation des ménages dans le PIB chinois.

J’espérais plutôt que le PCC se montrerait plus direct en fixant un objectif explicite d’augmentation de la part de la consommation des ménages dans le PIB chinois. Ma recommandation : 50 % d’ici 2035, soit dix points de pourcentage de plus que les dernières estimations, qui s’établissent à environ 40 % (pour 2023). Ce serait un objectif ambitieux, mais réalisable pour la Chine. Il faudrait que la croissance de la consommation soit deux fois supérieure à celle du reste de l’économie chinoise sur la période 2030-2049.

Je qualifie ce résultat de « réalisable » pour deux raisons :

premièrement, la croissance des segments hors consommation de l’économie chinoise sera freinée par la combinaison de vents contraires persistants dans un secteur immobilier longtemps en difficulté, d’exportations autrefois dynamiques qui subiront des pressions protectionnistes et un cycle commercial mondial atone, et d’un secteur de l’investissement fixe qui s’approche de sa limite à 40 % du PIB chinois.

Deuxièmement, cela nécessitera d’importantes mesures de relance en faveur de la consommation — pas seulement ma réforme préférée du filet de sécurité sociale, mais aussi d’autres options possibles, notamment la réforme du hukou pour les travailleurs migrants, le relèvement de l’âge de la retraite, le développement de la « silencieuse économie » et, dernièrement, les campagnes de reprise de biens de consommation durables, préférées du gouvernement.

En fin de compte, bien sûr, le choix entre les options politiques favorables à la consommation appartient aux dirigeants chinois. Il en va de même pour les priorités stratégiques plus larges du 15e Plan quinquennal à venir. Loin de moi l’idée, ni à aucun autre soi-disant observateur de la Chine, de prescrire une solution unique aux nombreux défis et problèmes complexes auxquels une vaste nation chinoise doit faire face.

Le message du Quatrième Plénum est en deçà de mes espérances. En s’appuyant sur ce qui a exceptionnellement bien fonctionné ces dix dernières années, il est davantage rétrograde qu’anticipation. En se concentrant davantage sur l’offre que sur la demande de l’économie chinoise, il reste dans la zone de confort d’une nation imprégnée de l’héritage de la planification centralisée.

Tous les cinq ans, les dirigeants chinois ont une occasion exceptionnelle de modifier leur stratégie. La Chine traverse un profond ralentissement de sa croissance économique. Comme le montre le graphique ci-dessous, le taux de croissance du PIB sur cinq ans, qui a culminé à 12,5 % lors du huitième plan quinquennal (1991-1995), devrait être bien inférieur à la moitié de ce taux en 2025, à 5,4 %, à l’issue du quatorzième plan quinquennal actuel ; de plus, selon les dernières prévisions de référence du FMI, la croissance ne devrait s’établir qu’à 3,9 % en moyenne sur l’horizon de planification quinquennal de 2026 à 2030.

Le 15e Plan quinquennal doit être conçu dans ce contexte de ralentissement marqué de la croissance économique chinoise. Un plan quinquennal redoublant d’efforts sur les mêmes priorités – modernisation industrielle et innovation locale – mises en œuvre pendant ce ralentissement, peut-il générer spontanément une croissance plus forte ?

Les dirigeants chinois disposent encore de quatre mois pour peser soigneusement considérer ces clés avant de finaliser leurs intentions pour les cinq prochaines années.

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