Résume!
Comment la situation fiscale de l’Amérique s’est détériorée après 1980, Partie 2
L’article de David Stockman, publié le 27 octobre 2025 explore en profondeur le déclin de la santé fiscale des États-Unis après 1980, en se concentrant sur le rôle pivotal de l’administration Reagan comme point de non-retour.
Ancien directeur du Budget sous Reagan et témoin direct des événements, Stockman déconstruit comment des politiques initialement présentées comme réformistes ont en réalité amorcé une spirale de déficits chroniques, de dette explosive et de monétisation monétaire incontrôlée.
Cette partie 2 s’appuie sur un contexte historique pour souligner le contraste avec l’ère pré-1980, marquée par une discipline budgétaire remarquable.
Contexte historique : Une ère de discipline fiscale avant 1980
Stockman commence par rappeler que, hors périodes de guerre ou de crise majeure comme la Grande Dépression des années 1930, les États-Unis ont historiquement maintenu un équilibre budgétaire enviable pour une démocratie. De 1866 à 1930, sur 65 ans, 48 budgets fédéraux ont été excédentaires – un exploit rare dans l’histoire des nations démocratiques.
Sans impôt sur le revenu permanent, sans État-providence étendu et avec une armée limitée en temps de paix, le pays a remboursé massivement ses dettes.
Un exemple frappant est la dette de la Guerre de Sécession : en 1866, elle culminait à 2,86 milliards de dollars (44 % du PIB, soit 78 dollars par habitant). Grâce à des décennies de surplus, elle a chuté à 1,19 milliard en 1914 – une réduction de 60 % – ne représentant plus que 3,1 % du PIB (39 milliards de dollars) et 12 dollars par habitant.
Avant la création de la Réserve fédérale en 1913, qui a permis la monétisation de la dette via l’impression monétaire, cette discipline était la norme.
Même après 1913, jusqu’aux années 1970, les déficits restaient modérés, avec des ratios dette/PIB inférieurs à 35 % et des remboursements périodiques.
Le tournant de 1980 : Reagan et l’abandon de la rigueur
Le cœur de l’analyse porte sur les années 1980, où Stockman, en tant que directeur de l’Office of Management and Budget (OMB), a tenté – en vain – d’imposer des coupes budgétaires drastiques pour équilibrer les comptes.
Les baisses d’impôts de 1981 (Economic Recovery Tax Act) ont réduit les recettes fiscales de 2,9 % du PIB, tandis que les dépenses militaires ont explosé de 4 % à 6 % du PIB en raison de la rhétorique anti-soviétique. Résultat : un déficit structurel de 4-5 % du PIB dès 1983, contre un surplus de 0,3 % en 1969.
Stockman critique âprement l’illusion reaganienne : les supply-siders (comme Arthur Laffer) promettaient une croissance explosive finançant les baisses d’impôts, mais la réalité a été une dette publique passant de 900 milliards de dollars (32 % du PIB) en 1980 à 2,1 billions (50 % du PIB) en 1986. Les déficits cumulés ont atteint 1,2 billion sur la décennie, monétisés par une Fed laxiste sous Paul Volcker puis Alan Greenspan.
Cette « révolution » a normalisé les déficits peacetime, brisant un tabou séculaire.
Conséquences cumulatives : Une dette incontrôlable
L’article détaille comment ce legs reaganien s’est aggravé sous ses successeurs. Les déficits des années 1990 (Clinton inclus) ont maintenu la dette à 60 % du PIB ; les guerres de Bush post-2001 l’ont portée à 80 % ; Obama a vu une explosion temporaire due à la crise de 2008 (100 % du PIB) ; Trump a ajouté 8 trillions via les baisses d’impôts de 2017 et la pandémie (130 % en 2020). Aujourd’hui, en 2025, la dette publique dépasse 35 trillions de dollars (130 % du PIB projeté), avec des intérêts annuels approchant 1 trillion – plus que les dépenses de défense.
Stockman met en garde contre un « Doomsday Machine » fiscal : les paiements d’intérêts (passés de 1,5 % du PIB en 1980 à 3,5 % aujourd’hui) cannibalisent le budget, rendant impossibles les réformes. Les entitlements (Social Security, Medicare) explosent avec le vieillissement démographique, passant de 8 % du PIB en 1980 à 12 % en 2025 et projetés à 15 % d’ici 2035.
Sans coupes radicales – que ni les républicains ni les démocrates n’osent – la monétisation par la Fed (QE infini) fait risquer l’hyperinflation ou un krach obligataire.
Conclusions et avertissement
Stockman conclut que le post-1980 marque la fin de l' »American Century » fiscal : d’un pays remboursant ses dettes à une superpuissance endettée, vulnérable à ses propres excès. Il appelle à une « rébellion fiscale » et à la fin de la monétisation – mais reste pessimiste face à la « Bubble Finance » et au « Warfare State ». Ce n’est pas inévitable, argue-t-il, mais cela exige un sursaut politique totalement improbable.