Editorial. Hier, date historique. La politique monétaire non-conventionnelle a cessé d’être non-conventionnelle. L’insolvabilité de la Fed est au bout du chemin. Comme ce fut le cas en 1922-1923. Avec un document important.

BRUNO BERTEZ

Le 30 Octobre 2025

La Réserve fédérale américaine a abaissé ses taux, pour la deuxième fois cette année, de 25 points de base pour le ramener dans une fourchette de 3,75 % à 4 %, et, plus important encore, a annoncé la fin du resserrement quantitatif à compter du 1er décembre.

Pour ceux qui me suivent depuis des dizaines d’années ce n’est pas une surprise, j’ai expliqué, dit et redit que dans la voie qui a été choisie en 2008 il n’y avait pas de marche arrière, pas de demi tour, pas de sortie: quand on rentre dans cette voie on n’en sort pas. On a fait semblant d’essayer , on a échoué, on arrête.

A partir de 2008 , la Fed a augmenté son bilan, elle a fait de la MMT, de la monétisation, et cette politique c’est Hotel California, on n’en sort pas.

Comme je l’ai dit redit et écrit sans relâche ces politiques sont sans issue car plus on avance et plus on aggrave les déséquilibres contre lesquels on prétend lutter, la croissance ne rattrape jamais la trajectoire de la monnaie et de la finance, le boulet ne cesse jamais de s’alourdir.

Certes elle a essayé de faire semblant, elle a fait une sorte Canada Dry, mais maintenant elle doit renoncer à simplement faire semblant!

La voie suivie en 2009 est à sens unique, tout comme elle a été à sens unique pour le Japon; on s’y enfonce on n’en sort pas . Si on essayait de vraiment sortir, les dégâts seraient dix fois plus importants que ceux que l’on a cherché à éviter en rentrant dans l’Hôtel California.

Pourquoi? Tout simplement parce qu’entre temps, la masse de dettes, d’actifs financiers non gagés, non remboursables, non honorables a été multipliée; on a fait beaucoup plus de tout ce qui avait conduit à la crise initiale, l’écart entre la Sphère Financière et la Sphère de l’Economie Réelle s’est creusé, c’est devenu un gouffre.

Et pire, le mal s’est rapproché du Centre du système, la pourriture des déficits et du surendettement est remontée au centre du couple Fed/Tresor, elle est au cœur du système, c’est lui qui a tout pris en charge; le centre du système a usé son bilan pour sauver les périphéries: qui sauvera le centre? Il a engagé son propre crédit, et c’est bien plus grave quand ce sont les sauveurs et assureurs de dernier ressort qui sont affaiblis. Le Centre est déjà obligé de publier des comptes faux, de tricher avec les valorisations de ses actifs, de ne pas tenir compte de ses pertes.

Je ne crains pas de dire que nous sommes dans une rupture historique, cette décision de fin du Taper brise un mythe, celui de la réversibilité, celui du retour en arrière possible et elle ouvre la voie à la suite, c’est à dire à la reprise un jour prochain du QE. Le mythe est silencieusement fracassé: on entre dans le vrai discontinu à pas feutrés, sans bruit.

La politique non-conventionnelle a cessé d’être non-conventionnelle, elle est banalisée, intégrée, elle va devenir continue, banale jusqu’au son aboutissement inéluctable; l’insolvabilité de la banque centrale qui produit cette politique.

Le relais de l’insolvabilité de 2008 a été pris par le couple Fed/Trésor, puis pour tenter vainement de sortir de la Grande Dépression , le Trésor a dépensé, il a creusé ses déficits et il a accepté de prendre en charge la production de dettes nécessaire au fonctionnement minimum système. Le déficit du gouvernement a relayé le déficits du privé, et maintenant c’est la Banque Centrale qui doit soutenir, solvabiliser le gouvernement.

Pendant ce temps, Trump en est déjà à essayer d’imposer le cours forcé des dettes du gouvernement américain, il tord le bras des partenaires commerciaux, il extorque 500 milliards par ci , 200 milliards par là!

N’oubliez pas, si Trump en est déjà à tordre les bras pour forcer ses vassaux à financer ses déficits et à acheter les dettes américaines c’est qu’il sait que les projections de moyen terme sont catastrophiques. On se rapproche du moment ou il sera difficile de placer les emprunts du Tresor, déja il faut financer « le long » avec le « très court » du « basis trade », il faut manipuler les taux longs en rachetant les émissions lointaines et émettant du très court! Bref il faut suivre la pente descendante du Japon…mais sans épargne domestique! .

On est sur la voie, celle qui produira un cercle vicieux; besoin de financement, hausse des taux , hausse des charges d’intérêts, capitalisation des dettes , boule de neige, réticence extérieure, monétisation de plus en plus visible, perte de confiance etc ...

Nous entrons dans le Grand Processus.

Ce qui rend cette décision historique, ce n’est pas seulement la décision elle-même, mais les circonstances dans lesquelles elle a été prise : pour la première fois dans l’histoire moderne, la Fed a défini sa politique monétaire à l’aveugle, sans aucune donnée officielle sur l’emploi en raison de la paralysie gouvernementale en cours.

La Fed a annoncé l’arrêt de la tentative de réduire la taille de son bilan sans avoir l’alibi des statistitiques, des indicateurs, des fameuses données qui font passer pour objectives des motivations arbitraires !

La conférence de presse de Powell était une leçon magistrale de « nov’ langue », affirmant simultanément que les perspectives d’emploi et d’inflation n’avaient pas beaucoup changé depuis septembre, tout en reconnaissant que les risques de dégradation de l’emploi semblaient avoir augmenté ces derniers mois.

Un vrai pathos diafoirique, qui a révélé par sa forme de bouillie pour les chats l’incohérence gênée de la démarche de Powell.

Les contradictions s’accumulent dans son discours encore plus vite que la dette du Trésor! Comment évaluer les risques pour l’emploi sans données sur l’emploi ?Comment peut-on affirmer que l’inflation reste maîtrisée alors que les mesures à court terme des anticipations d’inflation ont globalement progressé au cours de cette année suite aux annonces concernant les droits de douane.

Powell n’a pas frolé le ridicule, il l’a carrément percuté.

Powell vient d’inventer une nouvelle mesure de l’inflation ! L’inflation qui exclut l’incidence des tariffs.

*POWELL : LES TARIFS D’EXCÈS DU PCE DE BASE POURRAIENT ÊTRE DE 2,3 % OU 2,4 % *POWELL : L’inflation non tarifaire n’est pas loin de notre objectif de 2 %

Le problème, c’est que même en ne prenant pas en compte tous les éléments qui l’augmentent, l’inflation n’a toujours pas atteint son objectif.

Si on calcule un indice des prix super-super-core c’est à dire un indice des prix qui exclut toutes les hausses, on aboutit à une hausse des prix parfaitement maitrisée, voila ce que nous dit Powell pour rationaliser une décision qui n’est que politique, une décision qui n’en est pas une car la Fed n’a plus le choix, elle est dépendante, fiscalement et financièrement!

Ce à quoi nous avons assisté hier n’était rien d’autre qu’une piètre mise en scène politique, Powell tentant désespérément de trouver un compromis entre une Administration réclamant une politique plus souple et une économie qui montre déjà des signes d’inflation cumulative .

Powell affirme désormais qu’il existe une « multitude » de raisons de procéder à une réduction des taux dès aujourd’hui. En réalité, seuls deux facteurs principaux justifient cette réduction.

Le premier est la montée des tensions de financement sur le marché bancaire parallèle, c’est la dépendance financière: l’argent est plus rare, la liquidités se réduit et les stratégie financière en levier sont en péril.

Selon Colby Smith du New York Times  :« M. Powell a également déclaré que la Fed examinait attentivement son bilan, dont la banque centrale a annoncé qu’elle cesserait de se réduire en décembre. Il a ajouté que les tensions apparues sur les marchés au cours des trois dernières semaines démontraient que le moment était venu d’opérer ce changement.

»L’élargissement de l’écart SOFR:RRP est un signal d’alarme indiquant qu’un dysfonctionnement se produit dans le système financier, et l’annonce par la Fed de la fin du QT le 1er décembre confirme ce que j’explique depuis plusieurs jours: La Fed a perdu le contrôle de son bilan, et l’assouplissement quantitatif est inévitable, qu’elle l’admette ou non.

https://brunobertez.com/2025/10/28/la-fed-a-perdu-le-controle-de-la-taille-de-son-bilan-et-de-sa-politique-monetaire-double-domination-budgetaire-et-financiere/

Fin juin, le mécanisme permanent de pension de la Réserve fédérale a été sollicité pour environ 11 milliards de dollars en une seule journée, soit le plus gros tirage depuis sa création.

Hier, 29 octobre, le tirage sur le SRF s’élève à 10,2 milliards de dollars, ce qui est, là encore, très inhabituel pour un système censé fonctionner sans problème.

Ce qui est particulièrement alarmant, c’est que le SRF souffre d’une perception négative importante du marché, mais les banques sont tellement en manque de financement qu’elles sont prêtes à utiliser un mécanisme encore plus stigmatisant que le guichet d’escompte, un mécanisme qui alourdit leur bilan au pire moment possible, alors que les contraintes réglementaires sont déjà lourdes.

Le taux SOFR est également au rouge, signe de tensions persistantes sur les marchés de financement.

Plus alarmant encore que le taux nominal, l’écart entre le SOFR et le taux de prise en pension inversée de la Fed n’a arrêté de se creuser, signe classique de tensions de financement comme celles qui ont précédé la crise septembre 2019.

Qu’est-ce qui motive cela ? La dépendance budgétaire :« La demande de financement par opérations de pension continue de croître rapidement en raison de l’augmentation du déficit budgétaire, tandis que l’offre de ce financement ne peut suivre qu’avec l’aide de la Fed. »

Joseph Wang explique parfaitement le lien . Le déficit budgétaire de 2 000 milliards de dollars est partiellement financé par des investisseurs à effet de levier utilisant le marché des changes (taux/contrats à terme), qui a atteint plus de 1 000 milliards de dollars.

Le programme de réinvestissement des réserves (RRP), qui a culminé à 2 600 milliards de dollars en décembre 2022, est désormais quasiment épuisé . Une fois ce programme à zéro, chaque dollar de refinancement quantitatif (QT) ampute directement les réserves du système bancaire, ce qui resserre les conditions financières d’une manière que la Fed ne peut contrôler.

La réponse de la Fed face à ces signes manifestes de difficultés ne peut etre que celle la: mettre fin au resserrement quantitatif. Elle n’a pas le choix!

Comme l’a déclaré Powell de façon alambiquée : « Des signes indiquent clairement que nous avons atteint le seuil requis » pour mettre fin à la réduction du bilan, « les taux de pension ont augmenté par rapport à nos taux administrés et que nous avons constaté des pressions plus marquées à certaines échéances, ainsi qu’un recours couru à notre mécanisme permanent de pension ».

La domination budgétaire est visible. Depuis 2008, la Fed apporte un soutien indispensable au Trésor pour qu’il puisse continuer à emprunter aux taux les plus bas possibles , en dessous des taux spontanés du marché.

Autrement dit, l’annonce de la fin du programme QT le 1er décembre marque non seulement la fin de la normalisation, mais aussi le début de la prochaine phase d’expansion du bilan de la Fed. Il s’élève actuellement à 6 600 milliards de dollars , en baisse par rapport au pic de 9 000 milliards atteint pendant la pandémie, mais il est colossal au regard des normes historiques. Cela représente 22 % du PIB, soit près de quatre fois la norme d’avant 2008.

La Fed est condamnés à un bilan durablement gonflé. La Fed ne retrouvera jamais la situation d’avant 2008. Voici la nouvelle norme : un bilan de banque centrale représentant plus de 20 % du PIB historiques, sans perspective de retour aux normes.

Le problème majeur c’est la domination budgétaire, le moment où la politique monétaire se soumet aux impératifs budgétaires. Nous avons franchi ce Rubicon, même si personne ne veut l’admettre autrement qu’à mots couverts.

La dette fédérale dépasse désormais 38 000 milliards de dollars, et les charges d’intérêts vont vers les 1 600 milliards de dollars par an . Le Trésor américain est au bord de la faillite : ses besoins de financement pour le quatrième trimestre approchent les 1 000 milliards de dollars pour seulement 90 jours.

Cette situation est intenable sans le soutien de la Réserve fédérale.

Les mécanismes de domination fiscale sont visibles dans les données.

Je soutiens que la domination fiscale empêche de lutter contre l’inflation pour trois raisons au moins:

d’abord parce que la domination fiscale produit du crédit, des valeurs du Tresor, qui servent de collatéraux qui se transforment en liquidités et leviers qui vont gonfler les marchés boursiers et créer des effets de richesse qui se transmettent

ensuite parce que comme je le démontre régulièrement à la suite de Hussman les déficits du secteur public se retrouvent sous forme d’excédents et de bénéfices accrus du secteur privé ce qui gonfle les marges des entreprises et donc les cours de bourse

enfin la hausse des taux est certes censée freiner l’inflation mais elle l’alimente par le biais de paiements d’intérêts plus élevés qui bonifient les pouvoirs d’achat . Ces paiements sont directement injectés dans l’économie sous forme de revenus pour les détenteurs d’obligations: plus les taux augmentent, plus la politique budgétaire devient stimulante!

Le plan de Trump est de nommer un nouveau président de la Réserve fédérale. Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a déjà annoncé que la liste des candidats potentiels pour remplacer Powell a été réduite à cinq noms, et le président Trump devrait annoncer son choix d’ici la fin de l’année.

Ce nouveau président aura été choisi pour accélérer la soumission de la Fed à ces deux maîtres; le budget du gouvernement et Wall Street, soumission budgétaire et soumission financière.

Le mandat de Powell à la tête de la Fed expire en mai 2026.

La dissidence de Miran, récemment nommé par Trump et partisan d’une baisse de 50 points de base, est un avant-goût de ce à quoi nous assisterons.

La prochaine Fed sera ouvertement alignée.

Comme ce fut le cas pour la Reichsbank dans les années 1920.

EN PRIME

Un auteur moderne sur l’hyperinflation allemande : Albrecht Ritschl

Albrecht Ritschl, un économiste allemand contemporain (né en 1963, professeur à la London School of Economics). Son travail, particulièrement son article séminal « The Roots of Illiquid Finance: Insolvency and Fiscal Breakdown in the Weimar Hyperinflation » (publié en 1996 dans Explorations in Economic History, puis étendu dans ses recherches ultérieures), est une analyse moderne des années 20 , elle va bien au-delà des diagnostics classiques comme ceux de Schacht.

Bien entendu il n’a été donné aucune publicité au travail de Ritschl, je suis le seul en France a en avoir rendu compte en son temps .

Cette recherche se distingue par son approche quantitative et institutionnelle, en démontrant un lien causal direct entre l’insolvabilité de la Reichsbank et l’hyperinflation, mais en allant plus loin sur les mécanismes fiscaux et les « racines structurelles » de la crise.

Schacht se concentrait sur l’insolvabilité opérationnelle de la Reichsbank (printing massif pour financer les déficits, sans réserves adéquates), et sa solution (le Rentenmark) était pragmatique mais superficielle .

Ritschl, en revanche, adopte une perspective moderne d’économie politique, inspirée de la théorie des jeux et de l’analyse empirique avec des données d’archives fraîchement exploitées. Il ne se contente pas de décrire le « comment » (l’impression monétaire incontrôlée), mais explique le « pourquoi profond » : une insolvabilité endogène due à un piège fiscal, où la banque centrale n’était pas seulement faible, mais piégée dans un cycle d’illiquidité auto-entretenu.

.La thèse principale : Insolvabilité comme « racine de l’illiquidité financière »

Ritschl argue que l’hyperinflation de 1923 n’était pas seulement due aux réparations de Versailles ou à une « folie politique » (comme le voyaient certains contemporains), mais à une crise d’insolvabilité bilatérale entre l’État et la Reichsbank :

  • Le piège fiscal : L’État, accablé par les dettes de guerre et les réparations, forçait la Reichsbank à monétiser les déficits (avances illimitées en marks papier). Mais la banque, privée de réserves en or/devise (suspendues en 1914), devenait elle-même insolvable : ses actifs étaient des bons du Trésor toxiques, non couverts par des actifs réels. Résultat : une « illiquidité chronique » où la banque ne pouvait plus refinancer ses propres engagements sans imprimer plus.
  • Lien causal avec l’hyperinflation : Cette insolvabilité n’était pas un bug, mais un vice endogène du système. Ritschl montre, via des modèles économétriques, que dès 1921-1922, la Reichsbank anticipait sa propre faillite (risque de « bank run » sur les réserves), ce qui l’a poussée à accélérer l’émission monétaire pour « diluer » les dettes. Contrairement à Schacht qui blâmait la politique, Ritschl prouve que c’était un jeu stratégique : l’État et la banque se renvoyaient la balle, créant une spirale où l’inflation servait de « taxe implicite » sur les créanciers, mais ruinait la confiance. En fait il s’agissait d’un engrenage.
  • Preuves empiriques avancées :
    • Données sur les bilans : Analyse des rapports de la Reichsbank (1919-1923) montrant que les avances à l’État passaient de 20% des actifs en 1920 à 95% en 1923, rendant la banque « insolvable de facto » (ratio dette/actifs > 100%).
    • Comparaisons internationales : Contrairement à la Banque de France (qui maintenait des réserves), la Reichsbank n’avait pas de « backstop » indépendant, amplifiant le choc de la Ruhr (1923).
    • Modélisation : Ritschl utilise des simulations (précurseur des DSGE modernes) pour montrer que sans cette insolvabilité, l’inflation aurait plafonné à 50-100% par an, pas à l’hyper (prix doublant toutes les 2 jours).

Ce qui va « plus loin » que Schacht

  • Dimension institutionnelle : Schacht voyait l’insolvabilité comme un problème technique ; Ritschl la relie à un échec constitutionnel de Weimar (la banque n’était pas indépendante, contrairement à la Bundesbank post-1945). Il prédit que cela mènerait à des crises récurrentes sans réforme (ce qui s’est passé avec la Dépression de 1929).
  • Implications sociales et politiques : Au-delà des chiffres, Ritschl quantifie comment l’insolvabilité a redistribué la richesse (bénéficiant aux débiteurs/industriels, ruinant la classe moyenne), favorisant l’extrémisme (montée des nazis). C’est une analyse « holistique », du tout qui intègre économie et histoire.
  • Actualité : Dans ses travaux récents (comme un paper de 2023 sur la « dette-inflation » dans NBER), Ritschl étend cela aux QE modernes : les banques centrales actuelles (Fed, BCE) flirtent avec une insolvabilité similaire via des bilans gonflés, sans leçons tirées de Weimar.

Ce travail est peu connu car c’est un article académique pas grand public, mais il est cité dans des revues comme Journal of Economic History.

Vous pouvez le lire en ligne via JSTOR ou Academia.edu (gratuit avec un compte).

En français, des résumés apparaissent dans des ouvrages comme L’Hyperinflation allemande de Jean-Pierre Allinne, qui cite Ritschl.

Ritschl complète parfaitement Russell Napier (Money Creation…), dont je vous parle souvent, Napier lui aussi cite Weimar comme cas de création monétaire en « guerre


« This paper reconsiders the fiscal causes of the German hyperinflation of 1922–23. It argues that the hyperinflation was rooted in a fiscal breakdown that resulted from the German government’s inability to tax and borrow effectively after World War I. The Reichsbank’s insolvency, stemming from its exposure to war debt and reparations, created a liquidity crisis that forced the government to rely on seigniorage (money creation) as the primary means of financing deficits. Unlike traditional views that emphasize political mismanagement or reparations alone, this analysis shows that the insolvency was endogenous to the fiscal-monetary nexus, leading to a self-reinforcing spiral of illiquidity and inflation. Empirical evidence from balance sheets and fiscal accounts supports the conclusion that stabilizing the currency required not just monetary reform, but a fundamental restructuring of state finances. »

Traduction en français:

« Cet article réexamine les causes fiscales de l’hyperinflation allemande de 1922-1923. Il soutient que l’hyperinflation était enracinée dans un effondrement fiscal résultant de l’incapacité du gouvernement allemand à taxer et emprunter efficacement après la Première Guerre mondiale. L’insolvabilité de la Reichsbank, découlant de son exposition aux dettes de guerre et aux réparations, a créé une crise de liquidité qui a forcé le gouvernement à s’appuyer sur la seigneuriage (création monétaire) comme principal moyen de financement des déficits. Contrairement aux vues traditionnelles qui mettent l’accent sur la mauvaise gestion politique ou les réparations seules, cette analyse montre que l’insolvabilité était endogène au nexus fiscal-monétaire, menant à une spirale auto-entretenue d’illiquidité et d’inflation. Des preuves empiriques issues des bilans et des comptes fiscaux soutiennent la conclusion que stabiliser la monnaie nécessitait non seulement une réforme monétaire, mais une restructuration fondamentale des finances de l’État. »

Cet extrait est la « clé » !

  • Il résume le cœur de l’innovation de Ritschl : l’insolvabilité n’est pas un accident (comme chez Schacht), mais un mécanisme endogène (interne au système), un engrenage -ce qui est l’essentiel de ma thèse depuis 2009- où la banque centrale et l’État sont piégés dans un « jeu » de liquidité forcée.
  • Contrairement aux analyses classiques, Ritschl intègre des données bilantielles (bilans de la Reichsbank) pour quantifier la spirale : par exemple, les avances monétaires à l’État atteignent 95 % des actifs en 1923, rendant la banque « illiquide par construction ».

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