La Fed s’apprête à baisser ses taux d’intérêt malgré une hausse des prix qui reste obstinément élevée.
Les cycles de baisse des taux de la Fed sont-ils favorables au S&P 500?
Visiblement les marchés en sont persuadés comme le montrent les mouvements de ces derniers jours; on a monté fortement quand la probabilité de baisse des taux s’est envolée.
Pourtant la réponse n’est pas tranchée et c’est plus une croyance qu’une relation organique de cause à effet.
J’aurai tendance à dire que tout dépend de la gravité du mal que le remède de la baisse des taux de la Fed prétend administrer. Et aussi de l’horizon de temps, on peut avoir des pièges, des trappes.
Par ailleurs si on tient compte du fait que la situation du système américain est actuellement très atypique avec une économie à deux vitesses, un marché boursier en surchauffe et exuberant et un déficit budgétaire d’ampleur historique, on doit se poser la question : est-ce que l’on peut se baser sur l’histoire pour imaginer ce qui va se passer?
Personnellement j’ai tendance à considérer que non; l’Histoire ne se répètera pas et selon moi nous sommes dans un grand parcours d’Aventure, sans boussole et sans carte, on improvise sans référence valable soit historique, soit théorique.
Quand on est à l’intérieur d ‘un cycle conjoncturel normal certes les baisses de taux sont positives pour l’économie et la Bourse mais quand on est en fin de cycle long, quand on bute sur les limites du système, avec une influence prédominante des tendances lourdes et un surendettement colossal, les effets positifs de baisse des taux administrés sont à relativiser.
JP Hussman explique que les baisses de taux de la Fed n’ont pas suffi à stopper la chute de la Bourse lors de la crise de 2008-2009 ? C’est une observation cruciale que beaucoup oublient quand on parle de « la Fed va tout sauver ».
En 2007-2009
- La Fed a commencé à baisser les taux dès septembre 2007 (de 5,25 % à 4,75 %).
- Elle a continué agressivement : taux à 0-0,25 % dès décembre 2008.
- Entre-temps, le S&P 500 a quand même perdu -57 % du 9 octobre 2007 au 9 mars 2009.
- Même après le passage à zéro, le marché a continué à chuter de -28 % supplémentaires entre décembre 2008 et mars 2009.
Les baisses de taux, même ultra-rapides et jusqu’au niveau du zéro, n’ont pas arrêté la chute. Elles ont juste limité l’ampleur du carnage final et préparé le terrain pour la reprise… mais seulement après que la panique de liquidité bancaire et les faillites aient été contenues par des mesures beaucoup plus radicales.
Pourquoi les baisses de taux seules n’ont pas suffi?
Hussman insiste là-dessus depuis 20 ans, et les faits lui donnent raison :
- Les valorisations de départ étaient extrêmement élevées
En octobre 2007, le Shiller PE était à 27, le CAPE à 44 sur les marges bénéficiaires ajustées, etc. Quand on part de valorisations historiquement folles, la gravité finit toujours par l’emporter, même avec des taux à zéro.(ZIRP) - La baisse des taux ne résout pas un problème de solvabilité
En 2008-2009, le système financier était en train d’imploser (Lehman, AIG, réserves fractionnaires en feu). Baisser les taux ne remet pas les bilans à flot quand les actifs pourris valent zéro. - Ce qui a stoppé la chute, ce n’est pas le ZIRP, c’est :
- Les garanties massives de l’État américain sur les dettes bancaires
- TARP, les stress tests, les injections directes de capital
- QE1 (lancé en mars 2009, pile au bottom)
- La suspension de la comptabilité mark-to-market (FASB 157-e)
En gros : de l’argent public et des règles comptables assouplies, pas juste des taux bas.
En gros ce qui a sauvé les marchés c’est l’argent public, la socialisation des pertes, et surtout des règles comptables assouplies qui ont permis le fameux « extend and pretend ». Pas juste des taux bas.
Fin 2025 Hussman dit exactement la même chose : on est revenu à des valorisations encore plus extrêmes qu’en 2007 ou 1929 sur la plupart de ses indicateurs préférés (ratio market cap / GVA à ~3,1, Shiller PE > 35, marges bénéficiaires record, etc.).
Si une récession sérieuse ou une crise de liquidité arrive, baisser les taux de 5,5 % à 3 % ou même 1 % ne suffira probablement pas à empêcher une correction brutale, pour exactement les mêmes raisons qu’en 2008.
Au plan mécanique, il est difficile de lui donner tort. mais, mais…c’est peut être oublier de compter avec Trump et Bessent qui sont arqueboutés sur le soutien à des niveaux stratosphèriques de la Bourse pour des raisons politiques.
Ils veulent un marché bullaire, des taux courts bas, des taux longs réprimés , des déficits à perte de vue et ils n’auront aucun scrupule à favoriser/entretenir la fuite en avant dans la folie de l’Intelligence Artificielle..
Quand les valorisations sont modérées, les baisses de taux suffisent largement à soutenir ou relancer les marchés. On trouve des acheteurs fondamentaux du type Buffett.
Quand les valorisations sont extrêmes , les baisses de taux ne font que limiter la casse, elles ne l’empêchent pas.
En 2025, on est clairement dans le deuxième cas de figure.
La Fed pourra amortir, elle pourra éviter une crise systémique si elle agit vite et fort (comme en 2020 lors du Covid ), mais croire que 200-300 pbs de baisse suffiront à « sauver » un marché aussi cher que celui d’aujourd’hui, c’est entrer dans le système de Trump et Bessent, ce n’est pas de la rationalité.
Les baisses de taux ne sont pas un coup de baguette magique quand on est au Top d’une bulle historique.
Mais vous remarquerez que rien ne prouve que le raisonnement d’Hussman et sa référence historique soient valables: en 2008-2009 on était dans le régime ancien , on croyait encore aux bienfaits de l’orthodoxie, avec des reflexes anciens et peu d’expérience alors que maintenant on est dans « le coute que coute » systémique, dans un régime nouveau avec une institutionnalisation des politiques non conventionnelles, avec la pratique des QE, avec les injections de liquidités subreptices à court terme, avec une politique d’endiguement précoce de tout sinistre, avec un engagement proactif du Trésor etc.
Bref l’expérience des crises et du chaos antérieur sont à prendre en considération: nous ne sommes pas dans le linéaire répétitif , il y a eu des innovations du coté des régulateurs et du coté des marchés il y eu des apprentissages..
J’ai l’impression que le marché partage mon biais analytique, non seulement il est sur que la Fed utilisera « le coute que coute » pour éviter une débacle boursière, mais il a confiance que cela marchera.
EN PRIME
Article de Robin J Brooks
Article classique, plutot tautologique du genre si tout se passe bien , il n’y aura pas de dégats
Lorsque l’activité économique commence à faiblir, personne ne sait en temps réel si les États-Unis sont sur le point d’entrer en récession ou si l’économie se dirige vers un atterrissage en douceur. La Réserve fédérale, de toute évidence, n’en sait rien non plus. Historiquement, ses cycles de baisse des taux ont souvent coïncidé avec des récessions, mais pas systématiquement.
L’impact sur le S&P 500 est très différent selon que l’on soit en période de récession ou non.
En moyenne, le S&P 500 a chuté de 2,9 % en rythme annuel lors des phases d’assouplissement de la politique monétaire de la Fed qui ont coïncidé avec une récession, tandis qu’il a progressé de 17,9 % lors des phases d’assouplissement qui n’y ont pas coïncidé. Cette distinction est cruciale aujourd’hui. Le brouillard économique qui règne suite à la paralysie des services gouvernementaux est intense et nous ignorons si nous nous dirigeons vers une récession ou un atterrissage en douceur. Personnellement, je crois toujours à un atterrissage en douceur, ce qui me rend optimiste quant aux perspectives des actions.

Nous sommes en plein cœur d’un cycle de baisse des taux de la Fed assez conséquent, amorcé l’an dernier. La Fed a abaissé son taux directeur de 100 points de base en 2024 et de 50 points de base supplémentaires depuis le début de 2025. Comme le montre la courbe rouge du graphique ci-dessus, les marchés anticipent environ 90 points de base de baisses supplémentaires d’ici la fin de l’année prochaine. Ce cycle d’assouplissement monétaire représente donc un total de 240 points de base, ce qui est considérable.

La ligne bleue du graphique ci-dessus représente le taux directeur de la Fed. Les barres gris foncé indiquent les cycles d’assouplissement monétaire qui coïncident avec les récessions définies par le NBER, tandis que les barres gris clair mettent en évidence les cycles d’assouplissement monétaire hors récession. Le cycle d’assouplissement monétaire hors récession le plus récent remonte à 2019, juste avant la pandémie de COVID-19, lorsque la Fed a procédé à son ajustement de « milieu de cycle » consistant en trois baisses de taux de 25 points de base.

La courbe bleue du graphique ci-dessus représente le logarithme népérien du S&P 500. Les barres gris foncé indiquent les récessions recensées par le NBER, tandis que les barres gris clair correspondent aux cycles d’assouplissement monétaire hors récession. La durée de ces épisodes étant variable, je calcule le rendement annualisé du S&P 500 pour chacun d’eux et compare les périodes de récession et hors récession. Si l’on exclut la COVID-19, que j’espère être un cas exceptionnel et isolé, on dénombre neuf cycles d’assouplissement monétaire de la Fed qui coïncident avec une récession et sept qui n’y coïncident pas.

Le nuage de points ci-dessus représente le rendement annualisé du S&P 500 en ordonnée et l’amplitude du cycle de baisse des taux de la Fed en abscisse. Les losanges noirs correspondent aux épisodes de récession définis par le NBER, tandis que les bleus représentent les périodes de non-récession. La date indiquée à côté de chaque losange correspond au début du cycle d’assouplissement monétaire, en période de récession ou de non-récession. J’ai omis la crise de la COVID-19 de ce graphique et de mon analyse, car je ne peux me résoudre à l’idée que nous reverrons une telle situation de mon vivant.
Le rendement annuel moyen du S&P 500 lors des phases de ralentissement économique coïncidant avec une récession est de -2,9 %, contre +17,9 % en dehors des périodes de récession. Ce constat est assez asymétrique et, même si vous êtes plus pessimiste que moi quant à l’économie américaine, cela devrait probablement vous inciter à rester optimiste quant aux actions américaines.