BRUNO BERTEZ
Le 17 décembre.
L’idéologie a pour but de présenter le réel de façon tronquée afin de perpétuer et reproduire le système. L’idéologie est souvent une simple inversion de présentation; on marche sur la tête au lieu de marcher sur les pieds.
Je rappelle que le Earnings Yield est le ratio du bénéfice par action divisé par le cours de l’action., ou, au niveau du marché comme le ratio de l’indice S&P 500 divisé par le bénéfice calculé des sociétés qui composent cet indice.
Ici dans l’univers culturel boursier on présente les Price Earnings Ratios élevés, c’est à dire les Earnings Yield bas comme un signe de confiance, comme quelque chose dont on doit se réjouir; cela traduirait l’optimisme en l’avenir.
Mais au fait quand vous achetez une action pour votre retraite êtes vous content que le droit au flux futurs de benéfice soit petit, minuscule ou bien au auriez vous préféré avoir un droit sur des flux plus gros et plus gras ?
Le rendement très faible des bénéfices des sociétés cotées en Bourse est présenté comme un signe positif, trop positif ,alors que c’est quelque chose de très négatif.
Remise sur ses pieds , la proposition d’un Earnings Yield bas devient au contraire négative: la société dans laquelle vous investissez va vous donne peu de chose, des clopinettes et vous allez devoir attendre ou espérer une plus value sur le titre que vous détenez pour obtenir une performance satisfaisante. Bref vous devez espérer que le Earnings Yield va encore baisser pour les acheteurs suivants qui vont vous relayer !
Comment présenter cela de façon rationnelle?
La baisse de la profitabilité du capital est telle que les occasions d’investir rentablement sont rares, et que la concurrence pour employer le capital monétaire est tellement forte qu’elle rend tous les actifs financiers trop chers.
C’est la concurrence des détenteurs de capital monétaire entre eux qui fait qu’ils surpaient sans arrêt pour s’arracher une part dans les profits produits dans le système.
Et plus il y a de capital monétaire, plus les taux administrés par les banque centrales baissent et plus la concurrence pour obtenir une part de profit devient forte et plus le Earnings Yield baisse et plus son inverse le Price Earnings ratio monte.
La cherté de la bourse traduit l’insuffisance de profit face à l’excès de capital monétaire.
MAIS comme en Bourse on marche sur la tête et que l’on est content de payer trop cher pour toucher moins alors le système dure… jusqu’à ce qu’il ne dure plus.
Le graphique, publié par @Barchart sur X le 17 décembre 2025, montre l’évolution du rendement des bénéfices (earnings yield) du S&P 500, calculé comme l’inverse du ratio cours/bénéfices cycliquement ajusté de Shiller (CAPE).
- Il couvre la période de 1920 à aujourd’hui , avec une légère projection.
- Le rendement des bénéfices a connu une tendance baissière structurelle sur un siècle; il oscillait autour de 15-20 % dans les années 1920-1930, avec des pics lors des crises (années 1930, 1980), mais il a globalement chuté pour atteindre environ 3-4 % actuellement.
- Le commentaire souligne que ce niveau est proche des plus bas centenaires, seul le pic de la bulle internet (fin des années 1990) ayant affiché un rendement encore plus bas.
Un rendement des bénéfices bas signifie que les actions sont chères par rapport à leurs bénéfices fondamentaux : pour obtenir 1 € de bénéfice, il faut investir beaucoup plus de capital qu’auparavant. C’est catastrophique dans l’optique rationnelle d’une retraite ou d’une compagnie d’assurance car pour eux le rendement est crucial c’est ce qui leur permet de capitaliser et de faire face aux dépenses futures.!
Placé dans mon cadre, ce graphique illustre parfaitement ma thèse centrale sur la baisse tendancielle de la profitabilité du capital:
Baisse de la profitabilité du capital productif
Le rendement des bénéfices du marché actions (proxy large de l’économie réelle américaine) reflète indirectement le taux de profit moyen des entreprises. Sa chute séculaire suggère que, dans l’économie productive, les opportunités d’investir le capital de manière rentable se raréfient. Cela peut s’expliquer par des facteurs classiques (hausse de la composition organique du capital, saturation des marchés, concurrence accrue, etc.).
Rareté des occasions d’investissement rentable
Quand le rendement attendu des investissements productifs diminue, le capital excédentaire cherche d’autres placements. Le graphique montre que même en achetant l’ensemble du marché actions américain, le rendement attendu est historiquement très bas (~3-4 %), ce qui signale que les opportunités attractives sont rares, y compris dans les actifs risqués.
Concurrence entre les détenteurs de capital monétaire produit la surévaluation des actifs financiers
Face à cette pénurie d’opportunités productives rentables, le capital monétaire (épargne, liquidités des institutions, etc.) se rabat massivement sur les actifs financiers existants et excitants et en particulier sur les actifs à la mode ou ceux qui ont encore une profitabilité supérieure à la moyenne. Avec une composition organique du capital basse par exemple comme les technos avant la folie de l’IA. .
Cette concurrence accrue pour placer l’argent fait monter les prix des actions (et plus largement ceux des actifs financiers), ce qui comprime mécaniquement leurs rendements. Résultat : les actifs deviennent « trop chers », comme l’indique le titre du post (« Stocks in US Are Very Rich »).
En résumé, le graphique fournit une illustration empirique forte de mon cadre analytique; la baisse structurelle de la profitabilité pousse le capital vers la sphère financière, gonflant les valorisations au point de rendre les rendements futurs faibles et les actifs surévalués.
C’est un symptôme classique et une des facettes de ce que l’on appelle la « financialisation » de l’économie face à la crise de la rentabilité productive.
La concurrence des capitalistes entre eux est inévitable car les occasions d’investir de façon rentables sont de plus en plus rares. Cette concurrence est retournée en son inverse, elle est présentée comme positive, à savoir que la part de capital ancien devient de plus en plus chère! Le capital ancien fait une plus value; ce qui crée un besoin de profit encore plus grand etc
Engrenage fatal, la concurrence au sein du capital c’est l’équivalent de la corde pour se pendre !
Les Gnomes fournissent au Capital la corde qui va le pendre.
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