Jacques Baud va interpeller l’Union européenne pour contester les sanctions prises à son encontre dans le cadre de la guerre en Ukraine. L’ancien agent du Service de renseignements de la Confédération (SRC) est accusé d’être impliqué dans des campagnes russes de déstabilisation.
« C’est une sanction qui n’est pas juridique, mais politique. Il n’y a pas d’éléments qui indiquent que j’ai commis une infraction et je n’ai pas eu le droit à une défense », a déclaré mardi Jacques Baud. Par conséquent, il a décidé, de concert avec ses avocats, de s’adresser directement au Conseil de l’UE.
En parallèle de cette démarche, l’ex-agent du SRC a précisé qu’il souhaitait aussi déposer un recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette instance, basée à Luxembourg, a notamment pour mission de contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union, comme le Conseil de l’UE.
Des contacts avec la Suisse
Domicilié à Bruxelles, l’ex-agent du SRC indique avoir reçu lundi un appel de l’ambassadrice suisse à La Haye, cette dernière ayant autorité sur les ressortissants helvétique au Benelux. « Elle m’a juste transmis des liens qui renvoient vers la page de l’UE qui traite de ces sanctions et des procédures de recours en général, que je connaissais déjà, mais ne m’a donné aucune information sur ce que la Suisse faisait ou comptait faire« , détaille Jacques Baud.
Contacté mardi, le Département fédéral des affaires étrangères a confirmé la tenue de cet appel qui visait à « s’enquérir de la situation personnelle de M. Baud ». En fonction de cette dernière, et si Jacques Baud en faisait la demande, le DFAE « examinerait si ce dernier peut bénéficier d’une aide aux Suisses en situation de détresse à l’étranger, dans le cadre légal applicable », explique le porte-parole du Département Nicolas Bideau.
Pour Jacques Baud, la Suisse ne l’a pas appelé par « compassion ou par intérêt pour mon cas, mais pour répondre à ses déclarations faites au journal Weltwoche sur l’absence de contact avec lui depuis le 12 décembre ».
Lors d’un entretien lundi avec Roger Köppel, Jacques Baud a expliqué avoir appelé la mission suisse auprès de l’UE le 12 décembre, sans avoir pu parler à l’ambassadrice, « qui n’avait pas le temps pour lui. » Une information confirmée par l’intéressé à Keystone-ATS alors que le DFAE a indiqué qu’un appel avait bien eu lieu à cette date, confirmant ainsi une information de la NZZ.
Toujours dans le quotidien zurichois, le DFAE indique « se renseigner auprès des autorités compétentes de l’UE sur les voies de recours dont dispose Jacques Baud pour contester cette décision ». « Les démarches sont en cours. Les informations pertinentes seront transmises à Jacques Baud dès réception, précise Nicolas Bideau.
Pas de retour en Suisse
Les sanctions prononcées le 15 décembre par l’Union européenne à l’encontre de Jacques Baud et de onze autres personnes prévoient le gel de leurs avoirs, l’interdiction de faire des affaires et des interdictions d’entrée dans l’UE.
Le DFAE explique avoir été informé de ces sanctions par la Mission suisse auprès de l’Union européenne à Bruxelles, le 12 décembre. « Dans le cas des échanges usuels, nous avons été informés de manière informelle de la décision de l’UE. Il n’y a pas eu de consultation formelle de la Suisse avant la décision », souligne Nicolas Bideau.
« Je n’ai pas le droit de rentrer en Suisse, ni même de me déplacer dans l’UE. Je suis séquestré en quelque sorte », déclare Jacques Baud. Son cas est remonté jusqu’au Parlement fédéral où deux élus UDC ont interpellé le Conseil fédéral à ce sujet. Selon Le Temps, il s’agit du conseiller national valaisan Jean-Luc Addor et de son collègue de parti, le Lucernois Franz Grüter.
La Suisse « pas en mesure de s’opposer »
Interrogé le 15 décembre par Keystone-ATS, le Secrétariat d’Etat à l’économie a indiqué que la question de la reprise des personnes et entités ajoutées sur la liste noire de l’Union européenne ne se pose pas pour l’instant pour la Suisse.
« La Suisse ne participe pas aux décisions de sanction de l’Union européenne et n’est pas consultée, elle n’est donc pas en mesure de s’opposer », détaille encore le porte-parole du DFAE.
La Confédération a décidé le 28 février 2022, quelques jours après le lancement de l’offensive russe, de se rallier aux sanctions de l’UE liées à la guerre lancée par Moscou. Elle n’a en revanche pas adhéré au régime européen de sanctions adopté en octobre 2024 concernant les « menaces hybrides » de la Russie, à savoir les activités de déstabilisation, a expliqué le Seco.
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EN PRIME
Il y a quelque chose de révélateur dans le fait qu’une vaste bureaucratie politique décide de sanctionner un simple analyste suisse pour avoir contredit le récit « officiel » sur l’Ukraine.
Si vos arguments sont solides, vous débattez avec lui.
Si votre légitimité est incontestable, vous l’ignorez.
En optant pour une liste de sanctions, vous signalez autre chose : que le récit que Bruxelles fait de cette guerre – et de son propre rôle dans celle-ci – n’est peut-être pas suffisamment solide pour résister à un examen ouvert et sans filtre.
L’UE a commencé à utiliser son régime de sanctions contre la Russie non seulement contre les oligarques et les responsables politiques, mais aussi contre les analystes occidentaux.
En décembre, Bruxelles a inscrit Jacques Baud, citoyen suisse résidant en Belgique, sur sa liste de sanctions. Non pas pour financement de la guerre ou direction d’unités cybernétiques, mais pour ses commentaires sur l’Ukraine et l’OTAN, qualifiés de « propagande pro-russe » et de « désinformation ».
Gel des avoirs, interdiction de voyager dans toute l’UE, aucune condamnation pénale, aucun procès.
Il n’est pas nécessaire d’être d’accord avec Baud pour constater le problème.
Lorsqu’un organe politique peut sanctionner la liberté d’expression par décret de politique étrangère, la frontière entre la défense de la démocratie et la gestion de l’orthodoxie devient floue.
Mon nouvel article examine ce que ce précédent signifie pour les Européens ordinaires, qui paient déjà le coût financier de la guerre et qui sont maintenant confrontés à une restriction progressive de ce qu’il est possible de dire sans risque sur la façon dont nous en sommes arrivés là.