Réflexion.

 

Nous avons souvent expliqué que nos écrits doivent se lire comme un feuilleton, un livre ou une chronique. Ils se suivent , se complètent et s’éclairent les uns après les autres.

Malgré les sollicitations d’amis comme Pierre Marcel Favre, l’excellent éditeur Suisse, nous ne sommes pas interessés par la publication sous forme « livre » car le livre est « mort », statique, il ne permet pas de coller à l’actualité du vivant. A peine est il publié qu’il faut , sur les matières que je traite, réviser et préparer une nouvelle édition. La compréhension se produit, elle n’est pas une donnée que l’on découvre, c’est un processus. Avec des essais et erreurs, bien sur. L’approche n’est jamais que tang(d)entielle.

Ce qui est fascinant , c’est le fatras quotidien, le chaos des nouvelles,  l’actualité qui fuse de toutes part, qui se fait sous nos yeux, qui se dissimule pour mieux nous embarrasser dans nos commentaires. L’actualité est à décoder et tout est fait pour gêner le vrai décodage, la reconstruction du sens caché et même inconscient.

Ce qui se donne à voir c’est pour enfumer et donc pour induire en erreur. Tout ce qui vous est présenté est déja tranformé, traduit, torturé et prend un air d’évidence qui laisse votre esprit critqiue sans  défense. C’est vrai bien sur en ces temps de guerres, de tueries et  d’attentats , mais c’est encore plus vrai en matière économique et sociale,  depuis que nous sommes en crise.

L’une des réusssites des élites par exemple est d’avoir reussi à vous faire oublier l’origine de tout ce que nous connaissons maintenant: la crise de 2008, crise de la finance, crise du système de la dette. Leur succès est  d’avoir cassé le lien qui donne son sens au présent. Si il faut vous laminer, ce n’est plus une conséquence de la crise de la dette, une conséquence  de la volonté de puissance allemande, non, c’est … parce qu' »il faut » … être moderne.

L’actualité est une reconstruction, elle ne se donne pas à voir comme telle. Tenter d’y voir plus clair dans  un monde d’enfumage est bien plus passionnant qu’écrire un livre définitif. Les théories, les clefs se fabriquent en même temps que les serrures, et que se dressent les portes à ouvrir.

Pour que les gens acceptent de s’intéresser à des matières complexes, comme celles que je traite, il faut qu’ils y aient un intérêt, une curiosité; car c’est un travail ou si on veut un investissement, pas une consommation. Il faut de l’attention, du vocabulaire, des outils intellectuels. Il faut de la motivation. L’enjeu, ce n’est pas d’être intelligent ou cuistre, mais de retrouver le fil du sens  de sa vie. Etre désalinéné, cesser d’être étranger à soi même.

Nous essayons de partir de ce qui apparait, de ce qui se produit afin que le lien puisse être fait entre l’Idée et la Réalité. On réussit à faire passer une idée à partir des faits, pas toujours, mais quelquefois. Les idées en tant que telles , ne passent pas ou plus. Le monde moderne rejette l’intellectualisme, tout s’acharne à rabaisser le travail théorique, la critique philosophique.

L’opposition n’est pas entre intellectuel et manuel, non elle est entre la perception, l’évidence, l’immédiat,  les émotions d’un coté   et l’élaboration intelligente, le travail qui consiste à essayer de comprendre de l’autre . Ce travail  est tourné en dérision. « Chien de lisard » dit-on déja chez Stendhal! Les mass médias bannissent l’intelligence car elle les met en danger. Elle est l’arme pour détruire leur nocivité et donc leur emprise. La fonction des mass médias est de légitimer ce que l’on sait déjà, de vous faire accepter ce qui est.

Bien peu comprennent que c’est un processus de domination: aux dominants le travail de l’intelligence est réservé et aux autres les jeux du cirque, le foot, la TV , les réseaux sociaux. Il est évident qu’il y a des élites qui pensent et qui nourrissent les classes ultra supérieures de théories, d’outils qui leur permettent d’exercer et de maintenir leur domination, même maintenant alors que nous sommes dans une véritable crise de reproduction de cette domination. Ces élites sont des sortes de traitres sociaux, ils détournent le bien commun, la connaissance, au profit des intérêts particuliers, comme ils le font déja avec cet autre bien commun, la monnaie. Ils mettent un savoir et des acquis qui n’appartiennnent à personne, qui sont des produits  de l’histoire de l’humanité , au services d’intérêts particuliers. Nous pensons plus particulièrement  à ces outils qui s’originent dans les théories de la communication, laquelle a été récuperée sous forme de propagande et de manipulation des sujets.

L’une des armes des dominants et de leurs élites complices est la destruction radicale de la notion de Vérité. Nous sommes au dela du mensonge , nous vivons dans le ni vrai ni faux, dans un monde  ou les catégories traditionnelles, éternelles ne sont plus adaptées. La parole politique ou publicitaire n’est ni vraie ni fausse, elle crée un autre monde. Un monde de croyances. Elle fait vivre dans un autre monde, elle structure cet autre monde et maintenant elle structure les êtres, les sujets eux mêmes. Ils nous ont fait rentrer, eux les soi-disants laics  récupérateurs de nos idolatries, dans un nouveau monde de croyances, croyances humanistes par exemple. Ce qui fait que pour oser manifester son amour pour la vérite, il faut renoncer à ces nourritures humanistes, à ces biscuits et « nonos » du chien-chien  de Léo Ferré, et oser être cynique, il faut oser avoir « le regard méchant » de Musil. Il faut renoncer à la consommation de leur production de pseudo-vérités/croyances.

Nous sommes plus loin que dans le mensonge ou l’enfumage nous sommes « Ailleurs », dans un monde que l’on a construit, que l’on construit sous nos yeux aveugles, pour mieux nous dominer. Nous habitons, nous sommes traversés par ce que nous appelons la Névrose Sociale.

La notion de vérité est centrale, elle a a voir avec celle de liberté. Si il n’y a pas de vérité , alors les Pouvoirs ont gagné. C’est le règne des sophistes, de ceux qui ont le droit, l’accès  à la parole. Alors tout est relatif, historique, tout peut être construit; c’est le constructivisme de nos ennemis, socialistes, dirigistes, planistes qui prendd le pouvoir.

La vérite est en quelque sorte la référence de la liberté. Mais les élites ont fait un grand pas, elles ont réussi à persuader le peuple que la Vérite n’existe plus, et elles ont réussi à le faire en détournant la science; sous prétexte que la science révise sans  cesse ses connaissances, elles nous ont fait croire que tout était révisable.  Comme si le progrès continu des sciences, sa capacité à renouveler la connaissance de la vérite impliquait que la verité n’existe pas! La vérité existe, et ce n’est pas la vérité qui change, non, c’est la connaissance de la vérité qui progresse! Ils nous font prendre un contre-sens pour du sens. Des gens comme Macron par exemple tentent de conquérir le pouvoir à partir de  ces idées, des idées comme la Modernité! La Modernité serait en quelque sorte la valeur qui permet la destruction de la vérité d’hier en introduisant un recours  à la  magie qui ferait que tout ce qui est à venir est supérieur à ce qui est .

Des imbéciles usurpateurs comme Foucault on beaucoup fait pour tuer les notions de vérité et d’objectivité, et les livrer sur un plateau d’argent aux classes dominantes. Ils ont détruit sans  bien comprendre des catégories indispensables à la constitution du sujet et à la vie  en   société au profit  des Pouvoirs  lesquels les ont récupérées, tordues, inversées pour en faire des chaines de la nouvelle servitude. Au lieu de vous renvoyer à la verité , à l’objectivité, à la connaissance, à la rationalité, les pouvoirs vous renvoient à l’opinion, à la solidarité, à l’utile! A ce qui marche.  La nouvelle vérité est au service des Pouvoirs et c’est radical, y compris dans ce qui est fondamental, la constitution des sujets. Vous êtes des produits; des produits non pas  du vrai, du symbolique, mais des produits de leur imaginaire. Vous êtes dans  la célèbre « bouteille à mouches ».

Nous avons dès le début de 2009 émis un diagnostic et un pronostic:

1- nous sommes dans  une crise de reproduction du système, celui ci bute sur ses limites, il a tenu, il a joué les prolongations  par le crédit et le crédit est à la fin de son cycle.

2- Dans la voie qui est choisie qui est celle de tenter de prolonger le cycle du crédit, d’en repousser les limites, il n’y a pas de solution et surtout pas de possibilité de retour en arrière, nous avons écrit: « ils ont brulé nos vaisseaux ». C’est le toujours plus.

L’histoire récente est celle d’une illusion, illusion de la toute puissance, illusion de la maitrise de tout , y compris de la Rareté et de la Valeur. La folie consite à croire que la manipulation des perceptions et des chiffres dans  les livres de compte change le Réel. Et c’est ainsi que l’on a crée un univers parallèle de valeurs financières, de richesses nominales , de promesses, d’actifs virtuels   qui n’ont plus aucune chance de pouvoir être honorés, sauf à accepter la destruction de ce en quoi ils sont libellés: la monnaie.

Toute l’histoire depuis cette date s’analyse comme le déroulement de cette tentative démiurgique, faustienne de donner vie aux ombres,  de continuer encore un peu: on ne peut plus arrêter les faux remèdes, on ne peut qu’en augmenter les doses. Au besoin en en changeant les noms comme on essaie de le faire en ce moment avec l’helicopter money qui n’est rien d’autre qu’un QE avec des bretelles et des moustaches. .

Mais au passage, tout notre système se modifie, il mute  et  se pervertit. Les changements touchent les produits, les processus  les structures, les superstructures, les théories , les corps sociaux,  et en fine ils touchent l’ordre supérieur, l’ordre politque.

Qui ne voit que la dislocation des bi-partismes, la dislocation des blocs comme l’européen la montée de ce qu’ils appellent les populismes , le discrédit de Clinton, la résistible ascension de Trump, le refus de l’invasion migratoire, celui de la destruction des classes moyennes etc etc, tout cela c’est l’ordre politique qui se défait sous nos yeux.?

Et ce n’est pas parce que les gens  sont mauvais, méchants, fascistes, extrémistes, non, c’est parce que l’ordre politique est en cours de destruction par ceux-là même qui se plaignent de la monté des populismes, il est détruit par ceux-la même qui tentent de le prolonger à leur seul profit.

Au dela du politique, il y a le géopolitique, c’est à dire la guerre ou la paix. Et la prochaine étape, ce sera la guerre, nous en avons semé les germes. Les esprits se préparent, les ennemis se fabriquent, les sociétés se remilitarisent.

La guerre sera la grande réconcilisation entre la névrose et le réel.

7 réflexions sur “Réflexion.

  1. …Suite.

    L’Art, ce concept, d’un concept industriel à un concept de guerre.

    La finance n’est qu’un outil au centre de ce processus Mondialisation. Des œuvres d’Art à plusieurs dizaines de millions deviennent banales, et c’est par centaine que ces surenchères représentent une stratégie financière type shadow banking avec des objectifs de déplacer, répartir, détourner, convertir, rapatrier, dédouaner, transformer, préserver,…, investir des fonds, des devises dans une valeur différente, souvent neutres, voir tellement transparente qu’elle n’a plus besoin d’être opaque.

    Rien à voir avec des trillions ou des quadrillions virtuels, mais du cash interbancaire avec sa floppée d’intermédiaire, et des fonds qui resurgirons d’une façon ou d’une autre au moment opportun, faussant déjà cette fameuse réconciliation.

    Mais ceci n’est qu’un aspect terre-à-terre de ce concept art.

    L’ART c’est aussi une surprise.

    L’Art, c’est d’abord et avant tout la maîtrise des outils, de la technique. Et c’est là que se situe un centre névralgique qui a surpris, qui surprend et qui surprendra encore et toujours faisant la une depuis les années 70-80 avec une dimension toujours sous-estimée, voire ignorée. Et pourtant, cela transpire dans la méthode de vos écrits, Monsieur Bertez.

    Ces artistes d’hier, d’aujourd’hui et de demain, modifient en profondeur nos comportements, nos perceptions, nos rapports sociétaux. De gré ou de force n’est même plus la question.
    Ces artistes écrivent du code, détourne des fonctions, ouvrent sans relâche de nouveaux horizons à fur et à mesure que le numérique envahit nos vies.

    Des conflits internationaux d’un nouveau genre apparaissent ici et là s’en crier garde, des élections présidentielles aux fonctionnements de nos centrales, en passant par le détournement de nos satellites de communications, pénétrant les infrastructures étatiques, prenant en otage nos institutions, détournant les capitaux, espionnant les industriels,…, bref une course exponentielle, effrénée, monstrueuse qui ne peut, hélas, que provoquer un bouleversement encore largement sous-estimé.

    C’était hier. Aujourd’hui, les États-Unis viennent tout juste de relancer la course à la puissance des puces, la Chine ayant pris les devants, la Russie n’étant pas en reste. Ce qui en dit très long sur les enjeux actuels.

    L’ART comme maîtrise et peu importe la manière, nous conduit droit à de multiples conflits et la réconciliation entre la névrose et le réel a de fortes probabilités de nous surprendre plus d’une fois encore.

    Merci.

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  2. « La guerre sera la grande réconcilisation entre la névrose et le réel. »

    Cette conclusion me semble un brin optimiste pour de nombreuses raisons.

    En vous suivant depuis longue date, ce texte ne me surprend pas. Mais depuis 2007-2008, ou même les Anglo-saxons, entre autres, se sont fait surprendre, il a fallu quelques tours de passe-passe, que vous avez très bien décrits, pour sauver des meubles dans la finance.

    Nous constatons également de nombreux repositionnements stratégiques et une accélération dans les mouvements mondiaux (Europe, aux Proches et Moyens Orients, en Asie, Amèrique du Sud…).

    Cette effervescence ne Trumpe pas, et les élections ricaines, déjà archimanipulées, n’en sont pas l’unique cause. Des bouleversements plus profonds prennent formes.

    Les crises s’empilent les unes sur les autres, de nombreux dérèglements sont visibles, et les tensions plus que palpables comme les manœuvres militaires (Ukraine, Syrie, Mer de Chine…), et les chamboulements monétaires (intérêts négatifs, QE,…)que vous expliquez très bien, là encore.

    Mais c’est sur d’autres angles, plus anodins, plus pervers aussi, qui me fait redouter la guerre, car oui, il ne faut plus grand-chose pour allumer un grand feu qui serait si destructeur que nous ne serions plus très nombreux pour en discuter.

    Et cet angle d’approche est L’ART qui, comme nous le savons, est un reflet de nos cultures, nos mœurs et coutumes. Il y a bien entendu la technique, les sciences, les réseaux,…, et nos rapports sociétaux avec ces bouleversements en accélération exponentielle.

    L’ART reste un refuge, comme le bon vin, pour investir une valeur financière, mais doit être bien pesé en ces temps troubles. Aussi, je vous invite à cette approche de Bernard Stiegler qui est loin d’être dénudée de sens, bien que trop courte et nous y reviendrons. Prenez ce temps, il ne sera pas perdu.

    https://www.youtube.com/watch?v=XPKS_ra1gto

    Les guerres, oui, surtout avec un chef désArmés comme Hollande, mais la réconciliation dépendra de nombreux autres facteurs, car les surprises ne manqueront pas…assurément. Et les guerres, il faut déjà en être le vainqueur, et ce ‘n’est pas gagné, vu les nombreux terrains d’expressions des conflits.

    (À suivre…)

    Merci

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  3. Bonjour => Nietzsche contre Foucault – Sur la vérité, la connaissance et le pouvoir.
    Par Jacques Bouveresse
    Sur la vérité, l’objectivité, la connaissance et la science, il est trop facilement admis aujourd’hui – le plus souvent sans discussion – que Foucault aurait changé la pensée et nos catégories. Mais il y a dans ses cours trop de confusions conceptuelles entre vérité, connaissance et pouvoir, trop de questions élémentaires laissées en blanc – et, tout simplement, trop de non-sens pour qu’on doive se rallier à pareille opinion. Quant au nietzschéisme professé par Foucault, il repose sur une lecture trop étroite, qui ne résiste pas à une confrontation attentive avec les textes, notamment ceux du Nietzsche de la maturité.

    http://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/nietzsche-contre-foucault-par-jacques-bouveresse

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  4. Rien à dire ou à redire sur cette fine et profonde réflexion. Juste quelques mots pour vous remercier de votre « feuilleton » auquel je me suis abonné d’assez longue date, car non seulement j’y apprends ponctuellement, mais je perçois que cette accumulation de lectures multisectorielles, qui forment un tout, me permet d’acérer les yeux qui regardent le monde. Bien sûr, savoir ouvrir plus grands les yeux exige parallèlement de savoir muscler son moral, car nous, européens, avons oublié depuis très longtemps que le monde n’est pas un long fleuve tranquille pour gentils, pour ceux qui ont décidé unilatéralement de ne plus avoir des ennemis (Le « Aimez-vous les uns les autres » appliqué aux phénomènes collectifs ou politiques est un viatique mortifère). Les européens sont effectivement engagés dans une course poursuite pour soigner leur névrose avant que le réel ne leur prodigue une thérapie de choc. Je crains fort que le retard pris soit difficile à rattraper.
    Bien cordialement.

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  5. Monsieur,

    Cela fait quelques temps que je tente de vous joindre avec bien peu de succès. Je ne sais si mes tentatives vous parviennent. Si oui, excusez mon obstination et le désagrément qu’il vous cause sans doute.

    Je suis éditeur avec un nouveau projet qui consiste à aider les particuliers à comprendre notre société d’un point de vue macro-économique et les conséquences pratiques des décisions des banques centrales et des gouvernements. L’idée est d’être utile plus encore que d’informer.

    Pour cela je travaille sur 2 formats, de type blog comme le votre et des lettres d’informations mensuelles sur abonnement. Mon objectif est de réunir 30 à 50 000 abonnés à mes lettres et 3 à 500 000 lecteurs réguliers du format blog. Je maitrise la distribution. Celle-ci se fait en ligne et est très efficace.

    J’aurais souhaité pouvoir vous parler un peu mieux de ce projet de vive-voix.

    Je vous souhaite une belle fête nationale et un bon week-end,

    Guy de La Fortelle

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