A lire Pokemon Go, « arrêtons l’exode vers le virtuel et la violence ». Le contrôle social de masse.

La chasse aux Pokémons est l’expression à la fois ridicule et dramatique de l’état mental de notre société. Ridicule, car elle révèle une infantilisation consentie et une dépendance aux protocoles numériques, et dramatique, car elle est la première manifestation de masse d’un état de confusion entre virtuel et réel.

La réalité augmentée intègre en effet le digital au sein du réel, par le recours à la caméra des smartphones pour transférer le Pokémon digital dans les lieux familiers de l’univers réel, et en même temps le réel dans le digital, du fait que notre corps physique devient un élément de la réalité simulée. L’on pourra dire qu’avec les Pokémons le jeu ne porte pas à conséquence et que quelques expéditions dans le virtuel font partie du « fun » de notre temps. L’on doit d’abord dire qu’une telle « distraction », alors que nous vivons sous une menace de chaos économique et de guerre, est une fuite immature. L’on peut en outre facilement imaginer, en s’inspirant des jeux vidéo de tir instinctif comme Battlefield ou Call of duty, qu’une kalachnikov remplace la boule rouge et un « ennemi », « musulman », « russe » ou… « croisé » devienne la cible. L’on mesure l’impact que cela aurait sur de jeunes cerveaux.

L’on dira encore que c’est aller trop loin et que personne ne pourrait avoir de telles intentions. Les jeux vidéo violents sont là pour prouver le contraire. Ils dérivent de techniques conçues au sein des troupes de choc de l’armée américaine pour « désinhiber » des jeunes recrues qui éprouvaient des scrupules à tirer pour tuer. Le passage d’un domaine militaire à la société dans son ensemble s’est effectué à une échelle de masse, et l’on voit bien comment une « réalité augmentée violente » pourrait être encore plus efficace. Désormais, jouer devient tuer dans une zone grise entre virtuel et réel, par un réflexe mécanique dans lequel la simple compassion humaine n’a plus aucune place ni aucune chance.

Ce n’est pas un hasard si les principaux assassins de masse de notre temps, djihadistes ou tueurs de lycées ou de discothèques, ont pratiquement tous fait leurs premières classes dans les jeux vidéo violents. On l’avait nié pour Mérah, malgré mes mises en garde, on doit maintenant le reconnaître pour les autres : commencer par un jeu vidéo violent dans lequel on torture et on assassine prépare à l’ingurgitation des images criminelles de Daech. Pour quelques esprits déséquilibrés, tuer pour jouer devient tuer pour tuer. Pour le plus grand nombre ce n’est évidemment pas le cas, mais la plongée dans le virtuel, un moment de vertige et d’absence de règles, fait perdre le goût des simples choses du réel : le pratiquant reste chez soi, avec son jeu et, dans les lieux de socialisation, il perd sa capacité de concentration pour acquérir des connaissances car il devient asservi par ses réflexes.

Hillary Clinton, au cours de sa campagne présidentielle, a prétendu « ne pas savoir qui a créé le Pokémon Go, mais qu’elle s’efforçait de comprendre comment on pourrait faire voter les Pokémons ». En réalité, comme elle a très bien su comment faire voler des délégués à son adversaire, elle sait parfaitement d’où viennent les Pokémons.

Pokémon Go a été créé par Niantic, dont le directeur John Hanke était également l’un des fondateurs de Keyhole. Google a pris le contrôle de Niantic et de Keyhole. Or le précédent PDG de Google, Eric Schmidt, organise tout le secteur numérique de la campagne d’Hillary Clinton, à partir d’une startup appelée The Groundwork. De plus, alors qu’Hillary Clinton était Secrétaire d’État, entre 2009 et 2013, les dirigeants de Google ont rencontré plusieurs centaines de fois les responsables de la Maison Blanche. On voit donc bien que la fausse naïveté de la candidate démocrate n’est que la feuille de vigne qui masque mal le lien entre politique et contrôle social des « masses ».

C’est dans ce contexte qu’il faut lire la conclusion de Yann Moix dans sa tribune du Monde des 31 juillet et 1er août :

Dans un monde où des individus normalement constitués, ou supposés tels, sont capables, au risque parfois de leur vie, de passer des heures entières à capturer des Pikachu dans la nature, confirmant dès lors que la frontière jusque-là naturelle de la virtualité et de la réalité, du faux et du vrai, est désormais abolie, on aura du mal à s’étonner que des tireurs, des égorgeurs, des piétineurs, des dynamiteurs, des snipers, des crémateurs et des décapiteurs sachent exactement où se situe la barrière entre la vie et sa négation.

Oui, si l’on veut sérieusement combattre le terrorisme et la barbarie dans notre société, il est nécessaire, bien entendu, de prendre des mesures de sécurité pour nous en protéger, des mesures de justice et de police, y compris l’interdiction des jeux vidéo qui propagent une culture de la mort, mais bien davantage encore de tarir sa source.

L’urgence, pour le faire, est de montrer aux petits de 10 ans et moins qu’il y a dans la vie l’amour, l’hospitalité, la musique classique, les musées et les livres, et de redonner au sein de l’école un sens de ce qui est humain dans l’être humain. Car les djihadistes et les terroristes en viennent, de cette école, aujourd’hui impuissante face à l’attrait d’un virtuel illusoire.

Il faut donc y retrouver le plaisir de connaître, d’apprendre, d’explorer, avec toute l’exigence que comporte la joie de le faire. Et par rapport à cela, mais par rapport à cela seulement, faire appliquer la loi pour tous, sans zones de non droit ou de non accès social. Pour cela cependant, pour changer d’état d’esprit, il faut inscrire dans la réalité un projet qui inspire, qui fasse rêver à ce que le futur peut être meilleur.

Ce devrait être le premier engagement des hommes politiques, c’est en tous cas celui que je m’efforce de tenir.

Jacques Cheminade.

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