Le gouverneur de la Banque d’Angleterre (BoE), Mark Carney, a averti lundi que le mouvement d’ouverture des frontières à l’échelle mondiale était aujourd’hui remis en cause par la frustration croissante exprimée par de nombreux électeurs en colère après une « décennie perdue » en matière de salaires.
Quelques mois après la victoire des partisans du Brexit au Royaume-Uni et quelques semaines après celle de Donald Trump à la présidentielle américaine, Mark Carney a déclaré qu’une part importante de la population des pays riches faisaient un lien entre la disparition des barrières au commerce et à l’investissement d’une part, et d’autre part les bas salaires, l’insécurité de l’emploi et les inégalités.
« La conjonction entre l’ouverture des marchés et la technologie signifie que dans un monde globalisé, le fait que les superstars et les plus chanceux empochent les récompenses est amplifié », a-t-il dit dans un discours sur les défis de la mondialisation à l’université John Moores de Liverpool. « Peut-être vivons-nous le temps des célèbres et des plus fortunés, mais qu’advient-il des frustrés et des apeurés ? »
Au Royaume-Uni, si le niveau de vie global augmente depuis les années 1960, les salariés viennent de connaître une décennie de baisse des salaires ajustés de l’inflation, du jamais vu depuis les années 1860, a-t-il souligné.
La frustration liée au niveau de vie est considérée comme l’une des raisons de la victoire des partisans de la sortie du pays de l’Union européenne lors du référendum du 23 juin, avec les inquiétudes liées à l’immigration et à la perte de souveraineté.
Dans son discours, Mark Carney a mis en garde contre le risque d’un retour du protectionnisme, une crainte qu’alimente entre autres l’élection de Donald Trump.
LA BOE N’A PAS JOUÉ À « ROBIN DES BOIS À L’ENVERS »
« Tourner le dos aux marchés ouverts serait une tragédie mais c’est une possibilité. Cela ne peut être évité qu’en regardant en face les raisons de fond qui expliquent ce risque », a-t-il dit.
Dans un entretien télévisé un peu plus tard, le gouverneur de la Banque d’Angleterre a jugé que les positions de Donald Trump en matière de commerce international n’étaient « pas justes » mais il a ajouté qu’il était important que les gouvernants n’oublient pas la fraction de la population restée à l’écart de la mondialisation.
Mark Carney a également défendu la politique de taux proches de zéro qui a valu à la Banque d’Angleterre des critiques de certains responsables politiques.
Le taux d’intervention de la banque centrale, à 0,25%, est à un plus bas record et la BoE a récemment élargi ses rachats d’obligations dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif (quantitative easing, QE) destiné à soutenir l’activité et à faire baisser le coût du crédit.
« Est-ce que la politique monétaire a volé les épargnants pour payer les emprunteurs ? Est-ce que le comité de politique monétaire a joué à Robin des Bois à l’envers ? En un mot, non », a déclaré Mark Carney.
La Première ministre britannique, Theresa May, a estimé début octobre que les mesures prises par la banque centrale pour préserver l’économie britannique depuis la crise financière de 2008 avaient eu des effets secondaires négatifs.
Selon Mark Carney, la quasi-totalité des épargnants dont les revenus d’épargne ont souffert de la faiblesse des taux ont profité par ailleurs de l’augmentation de la valeur de leurs actifs.
J’ai un peu de mal à adhérer complètement à votre titre, particulièrement quant au « bon diagnostic » porté par le Gouverneur de la BOE
Il faut certes le lire en se mettant dans sa fonction, et si avec des mots on peut tout dire, j’ai quand même l’impression que son diagnostic est surtout bon dans le cadre idéologique qui est celui des dirigeants de ce monde.
Deux affirmations m’ont accroché :
1. « Tourner le dos aux marchés ouverts » est à mon sens une litote, à laquelle on adjoint immédiatement le terme fort de tragédie. Dit plus simplement, vive le libre-échange des biens, des capitaux et des hommes, et haro sur toute forme de protectionnisme. Hors ce crédo, point de salut, … la tragédie étant au bout du chemin (rien que ça) !
Entre la fermeture quasi-complète et l’ouverture sans réserve, il me semble qu’il reste une marge pour le politique ; ne parlait-on pas d’économie politique avant la mystification moderne du tout scientifique et du tout expert ? Les constructions idéologiques sont toujours binaires, sans mesures. J’avoue que je me sens plus à l’aise avec les positions d’un Maurice Allais qu’avec celles de Mark Carney.
2. « La quasi-totalité des épargnants dont les revenus d’épargne ont souffert de la faiblesse des taux ont profité par ailleurs de l’augmentation de la valeur de leurs actifs. »
Ce n’est pas complètement faux, mais ne faudrait-il pas nuancer un peu la chose ? Non seulement l’épargne n’est plus véritablement rémunérée (je vise les petits épargnants, ceux qui méritent encore la dénomination d’épargnants), mais ceux qui ont profité le plus du système actuel que M. Carney défend, sont ceux qui ont eu les moyens de jouer massivement et méthodiquement sur les spreads. Les vrais épargnants, vs les spéculateurs, vont selon toutes vraisemblances perdre aussi, demain ou après-demain, une partie de leur capital (certains dessinent une fourchette entre 50 et 70 % de la valeur actuelle du capital).
J’aimeJ’aime
Je partage sans réserve vos remarques. Carney nous sort l’analyse qui découle de sa fonction, et j’ai suffisamment critiqué les limites et le caractère idéologique de classe de cette analyse pour ne pas être tenu à refaire ce travail. Ce que j’apprécie chez Carney, c’est l’exposé de ce que les autres ne livrent qu’à moitié. Ceci étant posé cela me redonne l’envie de procéder à une décorticage radical sans concession de la pensée de Carney.
Je complète mon commentaire car même si vous comprenez aisément ce que je veux dire, ce n’est peut être pas assez clair pour d’autres lecteurs. Or la question est très importante pour l’avenir, en particulier pour juger des positions des candidats à la présidentielle.
Carney comme toutes les élites défend l’idée que la globalisation, c’est bien et donc il ne faut ni en discuter, ni la critiquer. C’est un dogme, un acte de foi. Bien entendu il est incapable d ‘aller au dela et de prouver ce qu’il dit! Comment expliquer qu’en plein milieu de la globalisation, la machine s’arrête, que les rouages se grippent, que la décennie soit perdue? Carney est incapable de démonter le raisonnement et de faire ressortir les articulations logiques qui justifieraient sa foi. Donc il assène et enfonce les portes ouvertes . Et les portes ouvertes, conformément à ce que je dénonce depuis des années, c’est le recours aux évidences. Le recours aux évidences exonère du besoin de raisonner.Le recours aux évidences est un moyen d’aveugler.
Que ce soit Renzi, Macron ou Fillon, ils sont tous sur la même ligne: on occulte la réalité de la globalisation et on fait semblant de considérer que ce qui ne marche pass, c’est le fait que l’on redistribue pas bien et pas assez ses bénéfices et que l’on ne réforme pas assez. J’ajoute que dans la propagande on a laissé tomber l’austérité, bien sur mais elle figurait au début et en revanche on a introduit la formation. Là le panomrama est complet ; la recette pour tous ces gens c’est donc: globalisons, réformons, redistribuons, formons et accessoirement augmentons subrepticement le taux d’exploitation. Vous prenez ce mélange, vous touillez, vous passez au mixer et vous avez la bonne recette pour sortir des diffcultés. La bonne recette pour renvoyer le peuple à ses matchs de foot et à sa télé, la bonne recette pour echapper aux Trump, au Brexit et aux Le pen!
Rien intellectuellement ne tient debout. Rien ne permet de dire que les causes de l’échec de la globalisation et du rejet populaire de la globalisation soient celles énoncées en ce moment par les élites, absolument rien.
Elles convergent sur ces points parce que cela les arrange; cela arrange Lagarde , Carney et les autres car cela évite de remettre en question le dogme qui est caché derrière la globalisation: ce dogme caché dont on ne parle pas c’est le dogme des bienfaits de la centralisation/ standardisation/ universalisation. Dogme qui passe par l’étatisme régulateur mondial pour l’élite, le gouvernement mondial au sommet et la soumission au marché pour les serfs. C’est le dogme des marchands, le dogme de leur seul interet, qui est de tenter de maintenir le taux de profit de la masse colossale de capital productif , de capital improductif et de capital fictif que le système a accumulé depuis des decennies, après des années de refus des cycles de destruction.
Document
Cliquer pour accéder à speech946.pdf
J’aimeJ’aime