Dans vos librairies le 5 janvier, « la fin de l’Union Européenne » est le produit de la collaboration de Coralie Delaume, essayiste et blogueuse, et de David Cayla, maître de conférence en économie à l’université d’Angers et membre des économistes atterrés, que nous avions par ailleurs interviewé sur le protectionnisme. Les deux auteurs nous livrent une analyse à la fois lucide et brillante de ce qu’est devenue l’Union Européenne.
http://lvsl.fr/fin-union-europeenne-constat-implacable
Le vent se lève.
Lenny Benbara
« Tout y est. L’ouvrage est découpé en six chapitres très aboutis.
Le premier fait l’analyse des référendums qui ont eu lieu les dernières années, la façon dont les peuples disent de plus en plus « Non » à l’Union Européenne, et les conséquences importantes que ces scrutins auront.
Le second revient sur la crise grecque et les leçons qu’on peut tirer de l’échec d’Alexis Tsipras. Dans ce chapitre, la façon dont la BCE a montré toute son « indépendance » orientée et sa puissance de feu contre la Grèce est magistralement décrite.
Le troisième expose, à partir de l’histoire longue et de façon accessible aux néophytes de l’économie, la manière dont le marché unique européen et l’euro ont produit de la divergence entre les économies européennes, au profit du bassin rhénan.
Ensuite, le quatrième montre admirablement comment « Europe » et « dumping » sont devenus de parfaits synonymes à partir du cas du Luxembourg, paradis fiscal au cœur de l’Europe, et de l’Irlande, qui est devenu le grand centre d’accueil des multinationales qui veulent échapper à l’impôt.
Le chapitre suivant nous offre une analyse intéressante de la façon dont les institutions supranationales se sont mutuellement renforcées, notamment grâce à la CJUE, cette institution méconnue qui pratique un coup d’État juridique permanent.
Enfin, le dernier chapitre s’attarde sur le rôle de l’Allemagne, la manière dont elle est devenue aujourd’hui quasi-omnipotente en Europe, et la situation de servitude volontaire dans laquelle nous nous sommes plongés vis à vis d’elle.
A l’appui, de nombreuses citations de responsables européens totalement désabusés. Ainsi, les plus farouches européens auraient déjà renoncé à leur projet : « L’Europe comme nous l’avions imaginée, c’est fini. L’Europe que nous avions voulue, nous ne la connaîtrons jamais. Et les États-Unis d’Europe, il ne faut plus y penser » a déclaré François Hollande, le 23 juillet 2016. Le malade est donc en état de mort clinique.
Nos deux auteurs nous invitent à le débrancher afin d’arrêter les frais.L’ouvrage est donc très complet sans être trop long pour autant. L’analyse est précise et concise. Ce livre-bilan est néanmoins implacable. L’Union Européenne est aujourd’hui dans une impasse, car elle a voulu se construire comme une fédération à partir de méthodes impérialistes, c’est-à-dire à la fois en dépit des peuples et contre eux. Le « fédéralisme furtif » des technocrates de Bruxelles, celui des conciliabules et des couloirs du Berlaymont, est arrivé à ses limites. Le processus de détricotage a d’ores et déjà commencé avec la suspension de facto de Schengen et de la convention de Dublin, la révolte croissante des pays de la périphérie vis à vis du cœur économique de l’UE, le chaos de la crise migratoire, la prise de distance des pays scandinaves, ou encore le Brexit, qui met fin au mythe de l’irréversibilité de la construction européenne. Bref, la fin de l’Union Européenne a bel et bien commencé.
Cette lecture a été tout à fait stimulante. Nous avons beaucoup apprécié la finesse de l’analyse et sa maturité. L’aspect juridique, que nous maitrisons encore assez mal, est très bien développé. On se rend compte, à l’exposé des méthodes de la CJUE, que c’est bien ici que se jouent les principes de la démocratie. David Cayla, pour sa part, montre très bien comment l’Union Européenne s’est construite en mettant les peuples en concurrence, en fragilisant les modèles sociaux, et en détruisant petit à petit toutes les protections des travailleurs.
Nous aurions néanmoins aimé que les auteurs mettent davantage en avant des propositions concrètes. Car nous croyons précisément, ainsi que le montre cet ouvrage, que la mort de l’Union Européenne est déjà actée dans les têtes, et qu’à l’heure du démarrage de la campagne présidentielle, il est temps de mettre en débat des propositions et une vision politique pour sortir de cette ornière. On nous rétorquera surement que cela ne relève pas de la responsabilité des auteurs de ce ouvrage
Hormis cette petite réserve, c’est un livre qui vous fera réellement réfléchir, et qui vous apportera un matériau riche et dense, tout en étant agréable à lire. Le moment est venu que nous sortions des interminables débats identitaires pour enfin mettre les grands sujets sur la table, ceux qui engagent le destin de la nation tout entière. A lire absolument donc. Courrez chez votre libraire – vous pouvez aussi faire trois clicks et aller sur Amazon, pour les plus feignants – ! »
En Prime , Védrine veut sauver l’Europe
« Sauver l’Europe »
Dans son ouvrage « Sauver l’Europe : le plan Védrine », paru aux éditions Liana Lévi, Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002, explicite les ressorts de la crise de confiance dans l’Union européenne (UE) et développe des propositions pour la surmonter.
Faut-il « plus d’Europe » pour répondre à l’actuelle crise ?
Au contraire ! Ou, en tout cas, pas avant d’avoir convaincu les peuples, et parmi eux les sceptiques, les déçus, les allergiques (les vrais anti-européens ne changeront pas) du caractère bénéfique de soutenir un projet européen repensé. Nous n’y arriverons que si les élites européistes, si longtemps arrogantes et méprisantes, font une « pause » pour prendre le temps de les écouter, admettent que les peuples ont le droit de vouloir préserver leurs identités, de conserver une certaine souveraineté, d’avoir une meilleure sécurité, et que c’est parce qu’il n’y a pas eu de réponse raisonnable à ces demandes, notamment de la part de la gauche, qu’ils se tournent vers les extrêmes. Si l’Europe cesse de « réglementer à outrance » (Junker), de se mêler de tout et de rien, qu’une nette subsidiarité lui est imposée, alors là, oui, plus d’Europe dans certains domaines (et d’abord un Schengen viable et efficace) redeviendra justifié.
La souveraineté est sous le feu des critiques. N’est-ce pas paradoxal d’un point de vue démocratique ?
C’est le « souverainisme » plus que la souveraineté qui est présenté comme une honte et un repoussoir et c’est en effet injustifié : pour les gens normaux, la conquête par les peuples d’une certaine souveraineté sur leur propre destin a été une immense avancée démocratique. Le désir de garder une certaine souveraineté, même exercée en commun par les Européens, est légitime. Même si le « souverainisme » prend parfois des formes extrêmes et absurdes, une condamnation dégoutée n’est pas la bonne réponse…J’espère que l’on commence à comprendre, après plusieurs résultats électoraux-chocs, jusqu’où peuvent aller des peuples furieux.
Vous distinguez les anti-européens des « eurosceptiques » que vous requalifiez de « dubitatifs ». Pouvez-vous développer ?
Les médias, surtout ceux qui travaillent au contact de la Commission de Bruxelles, appellent en bloc « eurosceptiques », sur un ton réprobateur, tous ceux qui ne sont pas des européistes convaincus ou des partisans inconditionnels de la méthode communautaire. C’est un amalgame contestable.
En réalité, il faut distinguer les vrais « anti » (anti euro, anti UE) des autres : le Front national et l’extrême gauche sont anti-européens, pas eurosceptiques. Il ne faut pas les confondre avec les simples sceptiques, les déçus (on avait promis une Europe sociale, elle n’est pas là), les allergiques à la réglementation « à outrance ». À mon avis, tous, à part les vrais antieuropéens idéologiques, peuvent être convaincus de soutenir à nouveau le projet européen s’il est reconcentré sur l’essentiel (subsidiarité, que l’UE cesse de se mêler de tout).
D’où le « plan » que je développe dans mon livre. Pause pour écouter les peuples, conférence refondatrice et de subsidiarité, referendum de re-légitimation. Le « système » européen doit se réformer, ou être réformé.