Surtout ne ratez pas le scénario de l’apocalypse présenté par la Deutsche Bank

Scénario d’horreur de l’ARGENT PAPIER pour les épargnants allemands

Par Holger Zschäpitz , Anja Ettel | | Temps de lecture: 6 minutes

Le papier-monnaie tend inéluctablement à l’inflation. Selon l’expert de la Deutsche Bank, cela est dû à une situation particulière mais elle  touche à sa fin. « Nous devrons chercher une alternative. »

Ceci est un credo central des théoriciens de la conspiration: Le papier-monnaie, tel que nous le connaissons, partira un jour ou l’autre à la recherche de sa valeur intrinsèque – et sa valeur intrinsèque c’est zéro. Car depuis les années 70, les monnaies modernes ne sont plus recouvertes l’or  ou d’autres valeurs.

Ce soi-disant argent Fiat, dérivé du latin « ça va être », repose uniquement sur la confiance dans les banques centrales et les ministres des finances. Mais en période d’injections de liquidités de milliards de dollars par les banquiers centraux, cette confiance n’est pas tout à fait optimale. Elle n’est plus justifiée.

C’est précisément ce malaise que les économistes de la Deutsche Bank abordent dans une étude récente.  Ce sujet  est soudainement passé à l’ordre du jour.

Le système monétaire Fiat est instable et vulnérable

« L’hypothèse de base est que le système monétaire Fiat que nous avons depuis 1971, est instable en soi et sujet aux risques d’inflation », a formulé le banquier allemand Jim Reid. Ce n’est pas un problème pour demain ou après-demain,  « Mais si nous avons raison, le système monétaire aura son ultime test au cours de la prochaine décennie, et nous devrons chercher une alternative. »

Ci dessous graphique historique de l’inflation.

Source: Infographie Die Welt

Ce qui semble si bénin , ce serait un scénario d’horreur – en particulier pour les épargnants allemands. La majorité des pensions de retraite des Allemands, les dépôts d’épargne tels que l’argent au jour le jour, le dépôt à terme et les comptes courants, tout cela serait dévalorisé.  Tout comme les  assurances-vie  . Ces produits d’investissement perdraient particulièrement leur  valeur si le système monétaire s’effondrait.

 

Néanmoins, l’avertissement violent de la Deutsche Bank à l’heure actuelle semble étrange. L’inflation a été si faible pendant de nombreuses années que les banquiers centraux voient  le risque de l’autre côté de l’évolution des prix, c’est à dire du coté de la déflation. En particulier, la BCE s’efforce depuis longtemps, par des achats d’obligations et des taux d’intérêt très bas, de ramener l’inflation à son objectif auto-imposé d’environ deux pour cent.

Le changement tectonique dans l’économie mondiale

 Si l’on suit Reid dans son argument, cela pourrait changer dans le futur. L’économiste a  identifié un changement tectonique dans le système économique mondial, qui modifie  progressivement les données.

Le changement va venir de Chine. La Chine géante, a intégré dans l’économie mondiale. En tant qu’espace de travail le moins cher du monde, la deuxième plus grande économie du monde a fait en sorte que les salaires et les prix ne puissent pas surchauffer dans le monde entier malgré une croissance rapide.

Reid appelle cela un choc déflationniste qui a stabilisé le système de papier-monnaie.

Ce système de l’arbitrage international du travail a touché son maximum, son sommet.

Source: Infographie Die Welt

la situation domestqiue chinoise qui a produit des forces déflationnistes  a donné aux gouvernements et aux banques centrales des pays développés, la possibilité  de répondre à toutes les crises avec encore plus d’argent, de dettes et de plans de relance. (note: c’est ce que nous appelons l’inflationnisme monétaire ). L’inflation des prix des biens et services aurait du normalement accélérer avec de telles politiques expansionnistes  » C’est peut-être même ce choc désinflationniste chinois qui a sauvé le système monétaire  Fiat mondial: on a pu pratiquer l’inflationnisme monétaire sans courir  le risque de dérapage..

Paul Volcker a causé la fin de la peur de l’inflation

En fait, immédiatement après le découplage de l’argent avec l’or dans les années 1970, les prix dans le monde entier ont dérapé. À cette époque, la politique de hausse radicale des taux d’intérêt du président de la Réserve fédérale américaine de l’époque, Paul Volcker, a mis fin à la peur de l’inflation. C’est grâce à Volcker que l’inflation des prix des biens et services a pu être maîtrisée.

Le relais de l’action de Volcker été pris par la Chine.

À la fin de 1978, l’empire communiste jusqu’ici fermé s’est ouvert à l’ouest. La «politique de réforme et d’ouverture» a provoqué une hausse du commerce extérieur chinois et une pression mondiale sur les prix. Grâce à la production croissante à faible coût de l’Extrême-Orient, l’inflation occidentale  a cessé de faire peur  au fil des décennies.

Mais que se passera-t-il si l’effet de la Chine expire ou même s’inverse? Dans ce cas, Reid voit d’énormes difficultés sous la forme d’une hausse significative des prix sur l’économie mondiale.

Un second facteur pourrait renforcer cette évolution: le changement démographique, qui devrait entraîner une diminution de la part de la population active. Donc les salaires devraient monter et l’inflation accélérer.

Dans ce cas, avec une croissance soutenue,  les salaires et, partant, l’inflation globale, pourraient s’accélérer davantage que ce à quoi l’économie mondiale avait été habituée au cours des 35 dernières années. « Cela pourrait être un problème pour le système monétaire Fiat », prévient Reid.

Les banques centrales devraient augmenter  les taux d’intérêt, mais elles sont coincées par la masse énorme de dettes mondiales

Avec la hausse rapide de l’inflation, les banques centrales effectivement obligées de relever fortement leurs taux d’intérêt. Cependant, c’est irréaliste compte tenu de l’énorme dette mondiale. « Au contraire, les gouvernements s’empresseraient de  revoir le mandat des banques centrales pour permettre une inflation plus élevée ou réduire l’indépendance de la banque centrale, plutôt que de regarder  les taux monter à un niveau économiquement destructeur »

En particulier dans les démocraties, où la politique dépend de la faveur de l’électorat, la stabilité des prix risque de devenir la proie des nouvelles réalités. Les banques centrales ne se débarrasseraient pas non plus de leurs achats d’obligations controversés dans ce scénario. Du moins pas s’ils devraient essayer d’empêcher une augmentation des rendements obligataires – et donc une augmentation rapide des coûts d’intérêt pour les États lourdement endettés – en période de hausse des taux d’inflation.

Ce serait un monde de taux d’intérêt négatifs, de conditions de crédit flottantes et de hausse des salaires – et donc un environnement dans lequel l’inflation serait de plus en plus difficile à gérer. « L’ère de l’argent Fiat est en danger si la confiance diminue », avertit Reid .

Le travail robotique ne sauvera pas de  l’inflation

Les experts ne veulent pas accepter le contre-argument selon lequel la numérisation et la robotisation du monde du travail pourraient empêcher la hausse des salaires et donc une hausse significative de l’inflation. Par exemple, le changement technologique dans le passé a toujours signifié plus d’emplois et de croissance.

Mais même dans le cas où les robots pourraient un jour supplanter les travailleurs  les gouvernements sont plus susceptibles d’y répondre par des politiques qui fournissent aux citoyens un revenu de base inconditionnel . Cela ferait augmenter les dépenses fiscales et alimenterait les risques d’inflation. « Dans une ère de populisme, vous ne pouvez pas détruire le pouvoir du travail sans être contraint à des politiques qui ont tendance à être inflationnistes », a déclaré l’expert.

Ce pourrait être l’heure des crypto – monnaies . Le battage médiatique sur les devises comme le Bitcoin s’explique jusqu’à présent plutôt pour des raisons technologiques et non pas tant par une diminution de la confiance dans le papier-monnaie. Néanmoins, il est tout à fait possible que les crypto-monnaies puissent devenir un concurrent sérieux du papier-monnaie à l’avenir, poursuit-il dans le journal de la Deutsche Bank.

« Système de monnaie fiduciaire Historiquement  presque toujours été associée à une forte inflation », prévient l’économiste Reid.

Les 35 dernières années ont été une exception .  Le retour de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt  le fardeau de la dette de plus en plus insupportable  rendent  très incertain le maintien du système actuel.


https://www.welt.de/finanzen/article170452314/Horrorszenario-fuer-deutsche-Sparer.html?wtmc=socialmedia.twitter.shared.web

6 réflexions sur “Surtout ne ratez pas le scénario de l’apocalypse présenté par la Deutsche Bank

  1. Oui, je confond l’exposition aux produits dérivés, le fait qu’elle soit une banque systémique et la philosophie de la banque: vous avez raison, elle est orthodoxe (comme globalement les Allemands) et pas « du système ». A plusieurs reprises, vous nous avez signalé que les Allemands prenaient des positions différentes du reste du monde (récemment, qu’ils se préparent en sous-main à la possibilité de l’explosion de l’Euro, avant qu’ils demandaient à leurs citoyens d’avoir 15 jours de réserves en cas de crise grave – guerre Russie?- … ).

    Vous voyez combien il est aisé pour le quidam lambda de se mélanger les pinceaux : systémique et non du système…, d’où votre « utilité » (terme absolument non péjoratif bien au contraire).
    Vous êtes un bon Mr Bertez … continuez ce que vous faîtes …

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  2. Bonjour Mr Bertez et all.
    Merci pour l’article très intéressant et surprenant (venant d’une banque du système). Il me permet d’ajouter une pièce à mon puzzle (dualité inflation / déflation): merci pour ce lien.
    Ainsi, vous voyez l’explosion / RAZ du système pour dans la prochaine décennie … cela laisse le temps à la fois de se préparer mais aussi de souffrir pas mal sur le chemin … Et comme Bernard le pressent, le système a de quoi faire durer (outre l’impression monétaire « kick the can », l’augmentation de la pression fiscale (Hello Mr Macron), l’helicopter money …).

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    1. La DB n’est pas une banque du système. La DB est une banque allemande qui croit aux vertus de l’orthodoxie, c’est sa culture. L’Allemagne est la statue du commandeur du système, c’est l’empecheur d’inflater en rond et de faire du deficit spending a tous crins. L’Allemagne est anti keynésienne.

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  3. Merci pour cet article (et pour l’hyperlien). Une question toutefois: Lorsqu’il est ecrit « Ce soi-disant argent Fiat, dérivé du latin « ça va être », repose uniquement sur la confiance dans les banques centrales et les ministres des finances », ne pourrait-on pas objecter que cet argent fiat (ou cette dette exprimee en argent fiat) repose aussi sur la capacite des nations a recolter des impots ou des taxes, ainsi que sur la richesse des citoyens / entreprises la constituant ? Dans cette logique, un etat fortement endette et avec bien sur une monnaie fiat, mais a la population riche, ne serait vraiment en difficulte que si il n’arrive pas a servir les interets de sa dette par la levee de nouveaux impots (si la marge de manoeuvre reste suffisante). Une sorte de couverture ‘or’ de la monnaie mais substituee par la resilience de ses agents economiques (particuliers ayant encore la capacite de payer d’avantage d’impots, entreprises a la tresorerie / patrimoine consequents). Je me fourvoie ?

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    1. Oui je pense. Peut être que vous comprendrez au fil des lectures, implicitement.
      Je ne peux malheureusement faute de temps reprendre toute la théorie de la monnaie (et du crédit) des origines à la monnaie actuelle.

      La monnaie actuelle n’est pas ce que vous décrivez , vous faites un raisonnement qui aurait été valable dans le passsé mais qui ne l’est plus maintenant. J’y reviendrai.

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      1. Merci de votre reponse si rapide. Decidement je suis, a 40 ans, deja obsolete pour le ‘nouveau monde post-moderne’. 🙂 Je raisonne encore d’une facon inadaptee. ☹

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