Billet . « Moderniser le capitalisme »

Paul Tudor Jones II aime le capitalisme. C’est un grand, un très grand de la finance.

Pourtant il dit qu’il faut le réformer, le moderniser.

Le système capitaliste  lui a permis de très bien réussir pendant ces dernières décennies. Il a amassé plusieur milliards de dollars comme gestionnaire de fonds spéculatifs. Hedge funds.

Paul Tudor Jones est aussi un  philantrope.

IL craint « qu’un accent trop important porté sur les bénéfices ne, comme il le dit, « menace les fondations même de la société « .

Paul Tudor jones est un honnête homme . Nous avons eu l’occasion de partager un déjeuner avec lui quand nous étions apprenti-financier, sa philantropie n’est pas feinte.

Nous avons alors été frappé par le contraste entre la richesse de sa pensée pratique et l’indigence de sa pensée théorique.

Ce contraste avait été pour nous une revélation, mais nous avons constaté au fil des années qu’on le rencontrait souvent chez les Américains, même chez les plus grands. Quand ils pensent, ils raisonnent comme des tambours et réinventent l’eau tiède.

Les Américains dans les affaires ne sont pas des intellectuels et même le patron du plus grand hedge fund du monde -Ray Dalio-  est un indigent intellectuel quand il se mèle de publier. Ne parlons pas des prétentions de Bill Gates de Microsoft! La pensée des élites des affaires est superficielle, elle est empreinte d’évidences et c’est certainement pour cela qu’elle est est pratique, elle réussit.

Les analyses compliquées leur échappent totalement,  il suffit de voir les contresens que le pays tout entier et son système d’enseignement ont commis sur la psychanalyse, sur  le marxisme. Même quand ils importent dans leurs universités des professeurs de grand renom comme les philosophes français contemporains, ils passent à coté de leurs enseignements et n’en retirent qu’une vulgate approximative.

En économie, ils ont renoncé à comprendre et ils vont droit au but, au raccourci, c’est à dire aux modèles mathématiques, lesquels ne sont que le refuge  diafoirique de l’ignorance qui marche. C’est la réussite qui compte et penser juste pour eux, c’est penser pour que « cela marche ».

Dans cet exposé Paul Tudor Jones,  passionnant,  expose les grandes lignes de sa contre-offensive, qui est centré sur le concept de « justesse ».

Les propos récents de Paul Tudor Jones alimentent un débat dans la presse américaine, débat dont le raccourci est: Milton Friedman avait-il  raison, est il dépassé? Faut il modifier la conception de l’entreprise  comme entité dont la seule logique est de faire du profit pour ses actionnaires.

Milton Friedman: sur les entreprises, les corporations: 

Corporations have no social duty

Except to those who own their stock

Friedman 1962 : “Capitalism and Freedom” et  New York Times magazine, 1970 article

« There is one and only one social responsibility of business — to use its resources and engage in activities designed to increase its profits so long as it stays within the rules of the game, which is to say, engages in open and free competition without deception or fraud. »

Vous remarquerez que le contresens est terrible, il consiste à s’interroger sur le système capitaliste dont les entreprises ne sont qu’une partie, à partir de la responsabilité du business; les entreprises  doivent elles avoir d’autres responsabilités que celle de mener des activités qui permettent d’augmenter ses profits du moment qu’elles respectent les règles du jeu sans fraude et tromperie.

La période contemporaine est précisément marquée par autre chose que les entreprises, elle est marquée, dominée au point de vue systèmique par les marchés financiers, les banques centrales, les gouvernements , le complexe médiatico publicitaire, tout cela étant auxiliaires du capitalisme dans le cadre de ce que nous appelons « le capitalisme monopolistique de gouvernements et de banques centrales réunis.

La réalité du système capitaliste actuel dépasse très très largement le cadre de la firme, le cadre des corporations, elle englobe organiquement les marchés, le système financier dont les banques ne sont plus qu’une partie. Et certains soutiennent même qu’elle englobe les gouvernements dans la mesure ou ils sont « capturés ».

La réalisation du profit capitaliste, sa concrétisation et sa mobilisation se font à notre époque non sur les marchés de biens et services mais sur les marchés financiers, c’est là que le capital se forme, se répartit  et s’inflate.  Regardez le palmarès des grandes fortunes, toutes ont été produites par les marchés financiers. On monte ou on developpe une firme pour pouvoir l’introduire en Bourse et ainsi faire fortune. La fortune ne se fait plus en économisant ou en empilant les profits, elle se fait par le jeu du multiplicateur boursier, par la mutiplication boursière des pains.

Le système a une logique très précise; il ne produit plus pour le produit (biens et services)  et les besoins, il ne produit même plus pour  la masse de profits, il produit en dernière analyse pour une dérivée, la croissance des profits par action en circulation. Cette alchimie complexe ne peutse réaliser que par le biais de la monniae qui liquéfie, solvabilise et valorise tout. C’est le taux d’intéret qui est l’opérateur de cette alchimie; plus il est bas, voisin de zéro plus il enrichit les riches.

C’est le fameux processus d’abstraction dont nous avons parlé dans le passé.

L’une des tendances systémiques c’est la marche vers l’abstraction, la tyrannie des signes sur le réel qu’ils sont censés représenter mais que peu à peu ils finissent par masquer. Ce qui est censé refléter, résulter, arriver en bout de course, remplace peu à peu dans nos sociétés le réel. C’est le réel qui devient une simple dérivée du signe dans une combinatoire, dans un jeu  pervers.

Le monde de l’art est toujours en avance et il exprime tout: le marché de l’art le souligne. La beauté d’une oeuvre d’art est normalement la cause de son succés et ensuite de son prix. Dans le monde moderne, on , les marchands et les marchés, fabriquent le prix, on construit une cote et et ensuite l’oeuvre devient belle. Le signe, le prix reconstruit le réel.

Le complément de l’abstraction, la marche vers l’inversion.

Nous complétons notre proposition selon laquelle la société marche vers l’abstraction par une autre souvent évoquée, mais pas dans ce cadre; la marche vers l’inversion.

C’est un phénomène psychologique qui devient ontologique; les êtres sont transformés par l’inversion névrotique qui catactérise notre époque. Nous disons souvent que les gens marchent à coté de leurs pompes.

Les enquêtes et collectes de données par les réseaux sociaux et les GAFA permettent en inversant les processus non plus seulement de collecter et décrire, mais de fabriquer des sujets sociaux, voire des sujets politiques

L’inversion est une forme, une structure générale qui consiste à faire marcher le monde sur la tête et non plus sur les pieds.

Ainsi le cours de bourse est à l’origine une résultante de l’activité économique, c’est le résultat d’une production donc c’est un aboutissement de processus. Dans le capitalimse dit moderne, le cours de bourse cesse d ‘être un produit il est un objectif en soi, un  moteur, il a même supplanté le profit qui devient auxiliaire, annexe comme on le voit chez Tesla (et Amazon)  ou le patron-propriétaire Musk dit que « la finalité  de Tesla n’est pas le profit, la preuve il n’en produit pas ».

Je donne cet exemple uniquement pour vous faire comprendre le phénomène d’inversion,  il n’a que valeur démonstrative.

On pourrait démontrer que la généralisation de ce phénomène, Tesla, Amazon etc est un sous produit de la prise de pouvoir de la spéculation sur l’économie réelle productive, prise de pouvoir des financiers qui exploitent maintenant les vrais producteurs, et que cette prise de pouvoir, cette dictature de la spéculation sont une conséquence du développement des marchés, de la surabondance monétaire déréglée, de l’irrésistible ascension des médias et de la propagande, du désancrage des valeurs, de la relativisation de tout …Mais fondamentalement cette dictature de la spéculation en dernière analyse c’est la dictature de « l’écart », par rapport « au tout », la tyrannie de la dérivée, à la limite, mais je m’égare, le règne du résidu.

Autre exemple, l’emploi est la résultante de l’activité économique par exemple; eh bien dans certaines politiques économiques on veut le résultat, l’emploi  maximum en court-circuitant tout le reste. D’ou la multiplication des emplois improductifs, parasites.

Idem avec le revenu universel, on veut mettre en place le revenu comme une finalité en soi même si il n’y a aucune production de richesses attachée à ce revenu.

Le forme, la structure ‘inversion », la structure « basculement »  est presque archétypale, tout comme la structure des oppositions binaires, père/ mère, etc.

Et cette structure avec l’évolution de la société, avec la dictature des signes sur le réel, cette structure finit par tout gagner car elle est récuprée par les élites; et elle devient un outil de manipulation.

L’homme poltique est censé avoir une bonne image si il a bien accompli sa mission ou une misssion comparable, cela c’est le monde sur ses pieds, mais on fabrique une bonne image artificielle, pur ensemble de signes aux candidats pour les faire élire; règne de l’inversion. Macron en ce sens est un pur produit de l’inversion, un pur produit de la modernité.

Dans l’inversion, on met la charrue avant les boeufs: ce qui est organiquement un résultat devient une cause.

Nous pensosn que vous avez mainteant compris ce que nous voulons dire. Le capitalisme s’est inversé. Il a basculé. C’est une tendance en quelque sorte au moindre effort, une productivité suprême dans sa perversité, on oublie le détour de la production,  on va directement au bout du processus: l’optimisation/maximisation du cours boursier!

La finance devait être un serviteur, une  résultante, une composante annexe, elle est devenue tyrannique, la partie se substitue au tout. Pourquoi? Parce que  l’on a découvert que l’on pouvait tricher: on peut tricher sur la monnaie, fabriquer des fausses valeurs, leurrer avec des promesses, stimuler, faire croire, distribuer ce que l’on n’a pas ; ce processus d’inversion est fils de la triche, du mensonge, de la tromperie. C’est devenu une structure sociale.

On peut fabriquer les résultats de l’activité économique, la recette, le chiffre d’affaires, donc la monnaie, à la main.

La monnaie est le catalyseur des échanges si on veut parler en physique et en thermodynamique et bien on a découvert que cela pouvait être plus, un attrape nigaud, un miroir aux alouettes et en émettre, par le biais du crédit autant que l’on veut en jouant, comme John Law sur le fait que les gens qui en reçoivent ne la dépense pas tout de suite et même que souvent,  ils ne la dépensaient pas  du tout.

De catalyseur, d’outil, la monnaie est devenue désirable en elle même, elle est deveue fétiche. De serviteur des hommes, elle s’est inversée et elle les a transformés en ses serviteurs.

Autrement dit, mais personne ne veut le reconnaître, même parmi les théoriciens les plus avancés, le système produit pour la maximisation d’une dérivée financière, pour la croissance du résultat par action, ou simplement pour l’espoir d’une croissance afin que cette dérivée elle même maximise le cours de bourse. Cours de Bourse passé par l’alchimie des marchés avec la politique monétaire. Le comble dans ce système c’est que la société qui ne produit pas de bénéfice comme Tesla a des espoirs immenses et en tant que spéculation , c’est dire en tant que jeu sur l’écart, Tesla est un véhicule fantastique. C’est le passage du zéro à l’infini.

Retenez bien: il ne faut pas moderniser le capitalisme, non il faut lui faire remonter le cours de l’histoire. Non pas le cours de l’histoire réelle, celle qui a existé, mais le cours de l’histoire théorique, celle qui aurait du exister si le capitalisme n’était pas devenu pervers. Pervers, absurde, malhonnête, indéfendable.

C’est la grande innovation , la mutation, elle   est passée inaperçue.

Assimilez bien ceci car c’est central dans la compréhension du monde actuel, si les « gauches » avaient compris cela elles ne seraient pas aussi lamentables! Et les droites seraient moins inefficaces quand elles gèrent.

Formulé autrement le nouveau capitalisme, l’hypercapitalisme, le post capitalisme,  ont muté.  Il sont devenus producteur de cours de Bourse, de capital financier, de capital politique.  Le capitalisme sous sa forme actuelle s’est organisé pour devenir un machine à produire et reproduire les ingalités.

D’où la confiscation de la monnaie, le recours au crédit et au levier qui servent à produire du capital …avec de la dette; dans le nouveau capitalisme le capital se produit à crédit par les dettes.

D’où les de-capitalisations c’est à dire les annulations malthusiennes de capital pour booster les bénéfices unitaires.

D’ou ce que nous appelons le mur moderne de l’argent c’est à dire la grève de l’investissement et de l’embauche.

C’est un système qui, une fois décortiqué, explicité est tout a fait logique, rationnel mais pervers et suicidaire. Car nous sommes bien dans une forme de malthusianisme, celle qui tue l’avenir pour maximiser le présent au profit de certaines couches sociales.

La logique de ce système, dominé par les marchés, l’économie marginale, la théorie de l’efficacité des marchés, la théorie des anticipations rationnelles,  l’ingénierie financière, les buy-backs, les distribution de dividendes et réserves, les fusions acquisitions, les opérations de  Private Equity, les introductions en Bourse, la logique de ce système est imparable.

La logique microéconomique  masque une folie macroéconomique.

L’ennui est que si on déplace l’angle de vue, le point d’observation on s’aperçoit que ce système  est fou. Il remplace le tout , qui est l’activité économique productrice par la minuscule partie, la dérivée, la progression du bénéfice par action et la production de capital plus ou moins fictif. Et au fil du temps de plus en plus fictif. Par ce capitalisme devenu vicieux, nos sociétés deviennent inadaptées.

Le public est une mule

Le système néglige le tout et externalise en quelque sorte ses éléments essentiels. Il est évident qu’en recourant au levier c’est à dire aux dettes au lieu d’utiliser des capitaux propres/l’épargne  le système maintient la contrainte de profits; il faut rembourser les dettes, payer les agios et les coupons, pour cela il faut produire du profit de façon fixe, régulière.

La contrainte de profit reste mais elle est subventionnée par la banque centrale qui fixe le coût des dettes et a mis les taux à quasi zéro. On fait monter la part des bénéfices qui revient aux détenteurs de capitaux propres  boursiers en baissant la part de ceux qui portent les dettes et le crédit. Le public est comme la mule qui porte deux tonnes de foin, mais n’en reçoit qu’une poignée pour pouvoir continuer à porter sa charge. 

Notons que la déductibilité fiscale des intérets des dettes est, vue sous cet angle, un pur scandale. Elle pousse au vice! La collectivité des contribuables subventionne la maximisation du profit par le leverage et ainsi contribue à la fragilisation du système par la montée du risque financier.

La banque centrale permet d’externaliser  le coût du capital en pillant la  » monnaie-bien public ». La différence entre le coût minuscule des dettes et les bénéfices par action est empochée par les actionnaires.  Le « tout » paie pour la « partie ». La base paie pour la « pointe » du triangle! La masse paie pour une classe sociale privilégiée que depuis longtems je designe comme klepto. Tout ceci pour dire que dans le système une grande partie du profit par action apparent est subventionnée et que c’est un vol de la collectivité.

 

 
Le  capitalisme aux États-Unis a besoin une mise à jour en raison de l’inégalité des revenus, selon milliardaire gestionnaire de fonds de couverture et philanthrope Paul Tudor Jones.

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« Le capitalisme peut avoir besoin de modernisation », a déclaré le trader reclus à CNBC « Squawk Box« Mardi dans une rare interview . 

Jones a souligné la définition de l’économiste Milton Friedman selon lequel  la «responsabilité sociale d’une entreprise est d’améliorer ses profits. »

 

Jones a fondé la Fondation Robin Hood, qui se concentre sur l’élimination de la pauvreté à New York.

Mercredi, Goldman Sachs a annoncé le lancement d’ un fonds négocié en bourse axé sur l’impact social, qui utilise un modèle de la fondation Jones, Just Capital. Il marque les entreprises sur des facteurs tels que le traitement des travailleurs, l’environnement et les produits et suit une sélection de sociétés Russell 1000, y compris AppleAmazoneet Bank of America.

 

 

 

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