La Fed et les autres grandes banques centrales ont franchi toutes les limites en intervenant sur les marchés. Il n’y a plus de marchés libres, tous sont manipulés ou faussés et cela ne date pas d’aujourd’hui.
L’idéologie des marchés ne sert plus qu’à une chose: affirmer l’existence d’un marché du travail lequel compte tenu de la masse de chômeurs, permet de maintenir une offre surabondante , d’extraire le surproduit et de réduire les coûts salariaux.
En bas on vit dans l’arène de tous contre tous , en haut on vit dans le socialisme et la nomenklaturiste.
Les marchés libres ne sont plus libres au sens fondamental.
Les marchés sont devenus presque entièrement dépendants de «l’argent noir» . L’argent noir c’est l’argent spécial, de l’argent digital tombé du ciel de la Fed, ou du moins des promesses qu’il sera là chaque fois que nécessaire.
Cet « argent noir » agit comme un turbo, il booste et constitue les béquilles du capital, il soutient les marchés financiers.
Comment tout cela concorde-t-il avec la théorie des marchés libres? Mystère.
Le principal économiste des marchés libres était Milton Friedman.
Nous l’avions invité lorsque j’étais patron de la Vie Française.
C’était un philosophe enjoué autant qu’un économiste monétariste. Il défendait de façon très cohérente et convaincante le rôle des marchés comme lieux et expressions de liberté et condamnait particulièrement le système dans lequel nous vivons: le système de Tiers payants généralisé; ce système produit des irresponsables, des profiteurs et des politiciens véreux. Il avait coutume de dire que la poche des autres n’avait pas de fond. Friedman n’était pas le sanguinaire dont on a popularisé l’image, loin de là.
Milton Friedman était un économiste et statisticien américain, connu principalement pour son travail en faveur du capitalisme de libre marché. Il a remporté un prix Nobel d’économie pour ses contributions.
Alors qu’il était professeur à l’Université de Chicago, il a développé plusieurs théories du marché libre qui critiquaient directement les théories économiques les plus populaires de son temps.
Avant que Friedman et ses disciples n’arrivent à la mode de l’économie, c’était l’économiste britannique John Maynard Keynes qui tenait la vedette. Il avait trouvé les moyens de dépasser les limites du capitalisme et de traiter la question des crises et du chomage. Ses théories étaient les plus répandues. Keynes est célèbre pour …son keynésianisme: il a préconisé des mesures de relance budgétaire ou gouvernementale pour aider l’économie.
Son idée était que la perception d’un montant approprié d’impôts à utiliser pour le soutien à l’économie serait une bonne façon de maintenir la croissance et de limiter les récessions.
Friedman n’était pas d’accord avec Keynes. Il a soutenu l’idée que le gouvernement devrait intervenir uniquement dans des domaines comme la défense et l’éducation. Il a également préconisé une théorie appelée « monétarisme ».
Cette théorie reposait sur la conviction de Friedman que les banques centrales et leurs ajustements de routine de la politique monétaire étaient de meilleurs mécanismes pour rendre les marchés efficaces plutôt que les actions des gouvernements.
Essentiellement, cela signifiait que si les marchés étaient efficaces et que la politique monétaire était optimale, l’économie suivrait, elle serait optimale avec peu de gaspillages et donc efficace.
Sa théorie impliquait de laisser les marchés décider des prix
La toile de fond de l’idée de Friedman était que les marchés, s’ils avaient la possibilité d’être «libres», débarrassés de trop de règles ou de réglementations, ils pouvaient traiter les informations disponibles et les prix sans le biais de l’intervention des gouvernements.
Cela signifiait en théorie que les marchés refléteraient davantage les valeurs réelles, plutôt que d’être déformés par d’autres facteurs externes. Cela signifie que les prix du marché seraient plus directement représentatifs de ce qui se passait vraiment dans l’économie réelle.
Il pensait également que l’économie réelle se porterait mieux avec une augmentation lente et soutenue de la masse monétaire basée sur les politiques de la Fed, plutôt que sur les relances budgétaires des gouvernements.
Friedman a soutenu et approfondi la théorie classique des «marchés libres» qu’Adam Smith avait établie au 18e siècle.
Cela signifiait essentiellement que si les acheteurs et les vendeurs pouvaient échanger des biens et des services sans restrictions ou taxes gouvernementales, alors le marché déterminerait naturellement la valeur de divers articles sur la base d’une simple rencontre de l’offre et demande.
Par exemple: si quelqu’un faisait du meilleur pain et que les gens le préféraient, alors ce boulanger devrait recevoir un prix plus élevé sur le marché (tous les ingrédients et les coûts de cuisson étant égaux) que celui qui faisait du pain que personne n’aimait particulièrement.
Dans une certaine mesure, l’offre et la demande sont un moteur des économies et des marchés. Notez que je dis bien dans une certaine mesure car moi je considere que c’est une illusion et que le moteur caché de nos economies c’est le profit.
Cependant, ni Adam Smith, ni John Maynard Keynes, ni Milton Friedman n’auraient pu concevoir un bilan de la Réserve fédérale porté à 7 trillions de dollars ou une Fed intervenant sur le marché des obligations d’entreprises et achetant des titres comme un gestionnaire de fonds.
Et pourtant, c’est la réalité du monde d’aujourd’hui.
Friedman est décédé en 2006, avant la crise financière de 2008 et avant que la Fed n’entre dans l’overdrive de la création de monnaie noire. Notez que son ancienne associée Anna Schwartz a critiqué sévèrement la politique de Bernanke à l’époque de la crise financière.
La Fed et les autres banques centrales sont devenues « le Marché », et dans le processus de prise de controle des marchés , elles ont assumé des rôles bien au-delà de leurs mandats. Le marché lui-même ne peut plus découvrir les valeurs sur la base d’informations et de résultats des entreprises, il doit tenir compte de la manipulation de la monnaie, du prix de l’argent, des interventions de la Fed et de ses guidances.
Cela signifie que la notion classique de l’Ecole de Chicago de Milton Friedman d’un «marché libre» estt devenue obsolète .
Les marchés ne sont plus libres; ils sont devenus dépendants du soutien, des béquilles externes artificielles et de la promesse implicite qu’il en sera dorénavant toujours ainsi.
Un cadeau aux banques d’ampleur colossale
À la suite des mesures de relance monétaire et budgétaire aux États-Unis pendant la pandémie, les grandes banques ont vu un montant record de 2000 milliards de dollars entrer dans leurs comptes de dépôt dans les trois mois qui ont suivi les fermetures liées à la pandémie.
Le département du Trésor et la Fed ont élaboré 10 programmes de soutien différents pour aider les banques et les grandes entreprises, et un seul pour aider l’économie des gens du commun . Mais même cet argent là est allé plutot aux petites entreprises. Elles ont recu des prêts garantis des grandes banques, tandis que ces grandes banques se payaient des millions de dollars en frais associés au traitement de ces prêts.
L’économie réelle était en état de choc, mais les marchés boursiers eux ont enregistré des hausses exceptionnellement élevées au deuxième trimestre de 2020.
Il y a eu énormément de spéculation boursière. Ce sont les grandes banques qui ont mené la charge.
C’est pourquoi par exemple deux des plus grandes banques américaines, JPMorgan Chase et Goldman Sachs, ont pu enregistrer des bénéfices d’opérations sur titres absolument records. Leurs traders ont pu déplacer des sommes considerables sur les marchés et de manière très rentable.
JPMorgan Chase a pulvérsié les attentes en matière de bénéfices et a affiché ses meilleurs bénéfices de trading de tous les temps. Goldman Sachs a affiché ses bénéfices d’operations sur titres trimestriels les plus élevés en neuf ans
Pendant ce temps , 30% des Américains n’ont pu faire face à leurs paiements de loyers de juin 2020. Ce chiffre était encore en hausse par rapport aux 24% qui ont manqué leurs paiements en avril.
Le marché boursier vit essentiellement de « l’argent noir » ; il peut faire monter la cours des actions par sa simple présence. Mais l’économie réelle elle, reste à la traine. Elle est alimentée par des gens qui travaillent avec de vrais emplois, pour des salaires réels et avec de vraies factures à payer chaque mois.
Article inspiré et partiellement traduit de:
Nomi Prins