Jean-Pierre Robin: «Macron, Castex et Le Maire ont trouvé le truc pour dévaluer notre monnaie»

Jean Pierre Robin le Figaro

L’euro est-il trop fort?

Question sempiternelle que Christine Lagarde se pose elle-même publiquement, et ce n’est pas banal pour une présidente de la Banque centrale européenne.

La BCE «surveille attentivement» le marché des changes pour éviter que l’euro ne monte trop, a-t-elle déclaré jeudi, après la réunion des gouverneurs de la BCE, son instance de décision.

La patronne de la politique monétaire européenne a en ligne de mire la parité euro/dollar. Celle-ci est névralgique pour le niveau de l’inflation en Europe (un euro fort rend encore plus difficile le retour à un taux proche de 2 % l’an, l’objectif prioritaire de la BCE),

L’euro est-il trop haut? Il est une autre façon de poser la question. Non pas vis-à-vis de l’extérieur de la zone euro, mais au sein même de l’espace monétaire européen et de ses 19 États dont c’est la monnaie unique, puisqu’il s’est substitué à leurs devises nationales respectives à partir du 1er janvier 1999.

Le franc était entré alors dans l’euro à un taux de 6,55957 francs. Ce taux serait-il excessif hic et nunc?

Par construction, il est impossible de rien changer ; la France ne saurait modifier le franc par rapport au deutsche mark!

Et pourtant les deux premières économies européennes traversent actuellement des conjonctures très contrastées.

Au premier semestre 2020, l’Hexagone a enregistré une chute de 12,52 % de son PIB (par rapport au deuxième semestre 2019), selon les chiffres de l’OCDE, alors que la récession n’a été que de 6,78 % en Allemagne, près de deux fois moins.

Le modèle est l’Allemagne, qui mit en place une « TVA sociale  » le 1er janvier 2007Lorsque des pays sont confrontés à des chocs aussi disparates, la théorie économique, mais aussi la pratique et l’histoire, enseignent que le moyen le plus commode d’y faire face est de dévaluer sa monnaie.

La France avait dû s’y résoudre à l’issue des événements de Mai 68, que l’on tend à présenter comme le seul précédent significatif de la crise actuelle par l’ampleur du coup d’arrêt porté alors à l’activité économique. Malgré le refus farouche du général de Gaulle de toucher au franc, son successeur à l’Élysée, Georges Pompidou, n’avait pu y échapper en août 1969. Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances, s’en souvient d’autant mieux que la dévaluation franche et massive (11,1 %) est restée dans les annales comme une formidable réussite remettant en selle notre économie.

Plus encore que les liens sacrés du mariage, les taux des anciennes monnaies nationales sont inscrits dans le marbre de l’euro. Et contrairement à l’union légale de deux êtres humains, aucune procédure de divorce n’est prévue pour en sortir, comme on l’a constaté lors de la crise grecque des années 2010. En revanche, à l’instar du mariage – pardon pour cette observation triviale qui n’est pas un aveu personnel -, il existe des entorses possibles pour desserrer le carcan.

À défaut d’une dévaluation de la monnaie, il est possible de procéder à une «dévaluation fiscale», qualifiée en France de «TVA sociale», voire de «dévaluation interne», quand il s’agit d’austérité salariale généralisée pour retrouver une compétitivité perdue. En remplaçant des cotisations sociales par un relèvement de la TVA sur la consommation, on parvient au même effet qu’une dévaluation monétaire.

«Dévaluations fiscales»Le modèle est l’Allemagne, qui mit en place une «TVA sociale» le 1er janvier 2007. Quinze mois après son élection à la Chancellerie, Angela Merkel a relevé de 16 % à 19 % le principal taux de TVA tout en en abaissant de 6,5 % à 4,5 % les cotisations chômage.

L’opération faite sans concertation avec ses partenaires européens a été critiquée comme étant une «dévaluation compétitive» et a suscité l’envie.

En janvier 2012, Nicolas Sarkozy, candidat à sa propre succession, avait fait voter un texte (jamais appliqué) portant la TVA de 19,6 % à 21,2 % de façon à financer la suppression des cotisations patronales de la branche famille de la Sécurité sociale.

Comme l’expliquait Agnès Bénassy-Quéré, devenue aujourd’hui chef économiste du Trésor à Bercy, les résultats espérés sont ceux d’une dévaluation de la monnaie: «Le but est triple: stimuler l’emploi par une baisse des charges sociales ; redresser le solde commercial en améliorant la compétitivité prix de nos exportations (soumises à la TVA de nos partenaires) tout en taxant pleinement nos importations (soumises à notre TVA) ; améliorer l’efficacité de notre économie en nous appuyant davantage sur un impôt réputé peu distortif (sic).»

La baisse annuelle de 10 milliards des impôts de production du plan de relance s’inscrit dans cette lignée de mesures mimant les effets d’une dévaluation de la monnaie

Depuis huit ans, les gouvernements français n’ont cessé de recourir à des «dévaluations fiscales» déguisées sous une forme ou une autre.

Le crédit d’impôt compétitivité et emploi de François Hollande (CICE) relevait de cette thérapeutique ; il a été depuis transformé en réduction pérenne de cotisations patronales.

La suppression des cotisations chômage des salariés en 2018 s’y assimile partiellement.En instaurant une baisse annuelle de 10 milliards d’euros (20 sur deux ans) des impôts de production, le plan de relance s’inscrit lui aussi dans cette lignée de mesures mimant les effets d’une dévaluation de la monnaie désormais interdite.

Si Macron, Castex et Le Maire ne peuvent prétendre avoir inventé le fil à couper le beurre, du moins savent-ils s’en servir. À une réserve près: quelle que soit leur couleur, nos gouvernements successifs ont toujours renoncé à aller jusqu’au bout en relevant sensiblement la TVA pour financer une réduction de charges. Ils craignent que, tout en favorisant l’emploi, on ne pénalise le pouvoir d’achat des plus modestes.

En France, on a le souci de ménager la chèvre et le chou. Au risque de subir le sort de l’âne de Buridan, qui, ne sachant s’il devait commencer par boire ou par manger, a fini par mourir de soif et de faim. 

Une réflexion sur “Jean-Pierre Robin: «Macron, Castex et Le Maire ont trouvé le truc pour dévaluer notre monnaie»

  1. Bonjour,

    La crise grecque n’était rien, la preuve, la Grèce est en capacité d’acheter des Rafales ! C’est bien la preuve que l’euro, si c’est un bel idéal politique, est une mauvaise idée économique.
    Notre pays est condamné à une agonie dont je ne saurai prédire la durée. La crise sanitaire que nous connaissons aura mis à jour tous les mensonges accumulés depuis la Libération et plus particulièrement depuis 40 ans. En cela, elle est salutaire. Je crains cependant fortement quant à son protocole de sortie.

    Bon fin d’après-midi

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