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14 février 2022
Le système qui été mis en place dès le milieu des années 60 se définit comme une tentative de dépassement des limites du capitalisme traditionnel par le sur-développement de la fonction financière et la sur-stimulation monétaire.
Ce système consiste à forcer , à depasser les limites naturelles de l’épargne et de la rentabilité et à ce titre il produit de l’instabilité endémique.
Les masses d’actifs financiers mises sur les marchés boursiers enflent, elles explosent, elles gonflent sans cesse et, formant bulles, elles deviennent instables, fragiles ; les phénomènes naturels, spontanément rééquilibrants, ne fonctionnent plus.
Les masses financières qui sont mises sur le marché pour en favoriser la diffusion deviennent soumises aux aléas des marchés c’est à dire aux animal spirits. Aux caprices du jeu si vous voulez.
Dans ces conditions ce système de sur-stimulation doit progressivement être complété afin de pallier ses défauts et de réduire ses risques.
Il en résulte une nécessité pour les banques centrales et les autorités de ne pas chahuter ces marchés, de les cajoler, de les informer, de ne jamais les surprendre. Lorsqu’il y a des chocs soit endogènes soit exogènes il devient nécessaire de les soutenir; ce soutien des autorités aux marchés s’appelle le PUT.
Le PUT c’est le filet de sécurité du système. Il n’est pas facultatif, il fait partie intègrante du système, on ne peut s’en passer.
Le PUT si vous voulez comprendre c’est ce qui assure la possibilité de transformer en monnaie les actifs quasi monétaires. C’est ce qui assure la liquidité ultime.
Le PUT remplace le capital propre du systme.
Le capital propre est insuffisant pour garantir un bon fonctionnement du système, pour encaisser les risques et c’est la banque centrale qui prend en charge le risque.
Le bilan de la banque centrale devient la garantie ultime du sysème.
Et le gonflement du bilan par le PUT traduit la remontée des risques de marchés vers LE CENTRE DU SYSTEME, vers l’institut d’émission.
Cela n’empêche pas de bluffer, de faire semblant et de mentir, bien sur pour baiser le petit public .
Certains analystes envisagent que la Fed puisse arrêter de garantir aux marchés financiers qu’elle interviendra en cas de chute. Ce qui est le meilleur moyen de garantir une chute…
Vendredi dernier, nous parlions du put de la Fed, c’est-à-dire la garantie établie par la banque centrale américaine qu’elle interviendra pour stopper une chute boursière en boule de neige. Du moins, à l’origine. Avant qu’il soit dévoyé et transformé en outil pour maintenir des valorisations boursières élevées.
La Fed a défendu son action en expliquant que, tant que les taux d’intérêt étaient très bas voire nuls, il n’était pas possible que les marchés soient surévalués.
Mais ce lien tracé par la Fed elle-même entre les valorisations des actifs financiers et les taux d’intérêt est une véritable machine infernale qui peut se révéler une bombe à retardement.
Et si les taux remontent ?
L’explosion de l’inflation risque de justifier de nombreuses hausses de taux, des réductions de QE puis des contractions de la taille du bilan de la banque centrale, puis des liquidations de positions en levier… ce qui doit, mécaniquement, déboucher sur une déroute boursière !
Cette déroute ferait des dégâts dans les bilans des institutions financières les plus exposées, pèserait sur la richesse perçue et enclencherait une spirale déflationniste dans l’économie réelle… ce qui est, précisément, ce que la Fed cherche à éviter depuis plus de 30 ans.
N’oubliez pas que l’influence de la Bourse sur l’économie réelle est devenue colossale. La capitalisation boursière US représente plus de 200% du PIB, contre une moyenne historique de 70%.
Si la Bourse s’enrhume, l’économie fait une pneumonie. Il y a transitivité. Par ailleurs, il y a un lien jamais démenti entre le moral/sentiment des consommateurs et la tendance boursière. Si le consommateur s’appauvrit, il consomme moins, les bénéfices des entreprises flanchent et si les bénéfices flanchent les dépenses d’investissement se contractent.
La financiarisation n’a pas que des avantages. Elle crée un lien organique pervers entre le marché financier et l’économie réelle.
Pendant des années, les investisseurs ont compté sur les sauvetages héroïques de la Réserve fédérale. Et c’est à juste titre, maintenant leur croyance repose sur des analyses qui tiennent debout.
Ils continuent de s’attendre à ce que cette option de vente de la Fed corrige toute perturbation substantielle.
Mais seront-ils déçus ? Lebowitz semble le penser :
« D’une manière générale, le niveau de confiance [de Powell] dans la gestion de l’inflation a fortement chuté. Parfois, il a semblé ébranlé par le niveau élevé et persistant de l’inflation. Lors de réunions précédentes, il a qualifié l’inflation de transitoire et purement fonction du COVID et des problèmes de ligne d’approvisionnement connexes.
Désormais, l’arrogance dans la capacité de la Fed à gérer l’inflation a disparu…
Plus révélateur, Powell semble perturbé par la tendance à la hausse des prix. Il semble qu’il craint que la tendance ne soit plus puissante que prévu et qu’elle ne soit donc pas aussi facile à inverser…
Pour la première fois, Powell semble réfléchir à la façon dont l’inflation est dommageable et à son impact néfaste sur les classes à faible revenu. Il semble que les pressions politiques du président et des membres du Congrès influencent sa vision de l’inflation et de ses effets néfastes. »
Powell nie l’évidence et considère qu’il n’y a pas de menace pour la stabilité financière.
Son argumentation est stupide : elle se résume par l’idée que les classes aisées ont bien profité des hausses boursières, donc maintenant elles peuvent en rendre un peu, elles peuvent souffrir.
L’impact néfaste de l’inflation sur les classes à faible revenu a eu des effets opposés sur les classes à revenu élevé. Ce sont ces classes qui aventurent leur argent en Bourse.
Et Powell continue sur sa lancée :
« Les prix des actifs sont donc quelque peu élevés, et ils reflètent un appétit pour le risque élevé. Je ne pense pas vraiment que les prix des actifs eux-mêmes représentent une menace importante pour la stabilité financière, et c’est parce que les ménages sont en [aussi] bonne forme financière qu’avant.
Les entreprises sont en bonne santé financière. Les défauts de paiement sur les prêts aux entreprises sont faibles et ce genre de choses. Les banques sont fortement capitalisées avec une liquidité élevée et assez résilientes et solides. »
Comment peut-on proférer pareilles âneries ?
Tout ce que Powell décrit, c’est la situation présente. Or cette situation présente n’est ce qu’elle est que parce que les cours de Bourse sont élevés, parce que le leverage est à son maximum, parce que la liquidité est considérable.
Retirez tout cela par trois mois de baisse et 25% de chute des cours des actions, des obligations, des faillites et un élargissement des spreads, et les Etats-Unis seront dévastés !
Ma conclusion : le système américain ne peut pas se passer du put, et celui qui tentera de l’en priver se mordra les doigts, tout comme les idiots qui ont laissé chuter Lehman Brothers en son temps.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
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Le put ne concerne plus que les actions et c’est là que les choses se compliquent.
D’autres bulles doivent être soutenues et notamment la mère des bulles, celle de l’obligataire souverain.
Même avec un différentiel de taux favorable, le Trésor US ne peut plus se passer de la FED pour écouler ses émissions devenues démesurées.
Alors comment faire dans un contexte de tapering ?
Et bien quand je vois la séquence de propagande à laquelle on vient d’assister, je me demande si les US n’ont pas intérêt à entretenir des tensions géopolitiques et le flight to quality qui va avec.
Cela n’aidera pas les actions mais ça leur sera moins préjudiciable qu’un krach obligataire.
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trés bonne analyse. Merci Seb.
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