A relire
Powell a utilisé 15 fois le mot « désinflation » la semaine dernière dans son allocution de 45 minutes.
Peu importe ses confusions et ses bafouillages, le mot s’est gravé dans la tête des participants à la grande communauté spéculative mondiale.
Powell a fourni à un marché hautement spéculatif tous les signaux qu’il pouvait imaginer que la Fed était heureuse de conclure bientôt ce bref cycle de resserrement monétaire Canada Dry .
Il n’a pas parlé de récession, il a simplement parlé de ralentissement. Victoire sur l’inflation, désinflation, atterrissage en douceur, pas besoin d’articuler des raisonnementss, la simple utilisation des mots, leur simple juxtaposition et leur répétition suffit à provoquer un effet sur les foules. Ces mots sont des cailloux blancs, des signaux codés.
L’usage de ces mots n’est jamais innocent, ils signifient: reprise des marchés haussiers perpétuels.
Tout s’emboîte tout se passe comme prévu !
La communauté spéculative n’a pas besoin de dessins ou de sous titres, elle comprend.
Regardez les graphiques fournis par Hussman ci dessous, l’avidité, la gourmandise , l’appétit pour le jeu sont à des niveaux maximum! Les buy-backs sont de retour, les émissions de titres nouveaux et de dettes nouvelles battent les records. Les « mêmes » sont à la fête.
Qui pourrait croire au vu de ces graphique d’euphorie , au vu des indices bousiers , au vu des gains spectaculaires enregistrés depuis la mi decembre que nous sommes en période d’austérité , en train de lutter contre l’inflation?
Personne.
Je l’ai toujours dit et j’ai tenu bon , Powell n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais Volcker.
Et c’est d’ailleurs pour cela qu’en son temps il a été choisi.
Il a été choisi parce que comme pour Bernanke, les décideurs ultimes de la politique monétaire américaine, les banques TBTF, savent qu’il n’y a pas d ‘autre solution: Il faut continuer .
Il faut si possible faire des pauses bien sur , mais ces pauses sont simplement des pauses pour rafraichir, pour écumer, pas des pauses pour changer de cap.
On ne peut sortir de l’inflationnisme du moment que l’on y est entré.
Pourquoi?
Parce que l’inflationnisme est un effet de stock; il crée un effet de stock: les dettes s’accumulent , leur qualité se dégrade, l’instabilité s’installe et à partir d’un certain stade, ce sont elles, les dettes , qui dictent, qui commandent. Et les dettes disent toujours la même chose dans l’hstoire: toujours plus!
Il faut pour que l’édifice ne s’écroule pas, toujours faire rouler la boule de neige, toujours taper dans la légendaire boite de conserve. L’Ogre doit être alimenté. Sinon il dévore ses enfants.
En janvier 2021 j’ai expliqué que contrairement à tout ce qui était dit par les autorités nous vivions dans ce que j’ai appelé « un régime de domination financière ».
Je voulais dire par là que, certes les préoccupations économiques, budgétaires avaient de l’importance mais qu’in fine c’etait la contrainte financière qui marquait les limites de ce que les autorités pouvaient faire.
La logique de la finance, ses forces internes, les structures du sytème étaient ce qui délimitait le terrain à l’intérieur duquel les autorités pouvaient agir. Elles peuvent agir , elles ont des petites marges de manoeuvre certes, mais ces marges sont encadrées. On peut faire des pauses ; mais on ne peut échapper à la domination financiere. C’est elle qui dicte sa loi.
Et la loi c’est qu’il ne faut pas mettre en danger l’effet de levier généralisé, il ne faut pas fracasser les indices boursiers majeurs, il ne faut pas que le cout réel de la dette à 10 ans du Tresor US monte trop, il ne faut pas que le dollar soit contesté, il ne faut pas faire chuter le taux de profitabilité des investissements aux Etats Unis.
Bref il faut continuer de faire rouler la bicyclette, lui laisser descendre la pente.
Powell sait très bien que l’inflation est un phénomène mondial.
Powell sait que la désinflation liée à la globalisation des échanges est terminée.
Powell sait très bien que la fluidité des mouvements de capitaux, de biens et de services c’est terminé.
Powell sait très bien que de nouvelles raretés apparaissent du coté des matières premières.
Powell sait très bien que le cout de la transition écologique va être colossal et entrainer une tension sur les revenus et sur les prix.
Powell sait très bien que le financement de l’effort de réarmement dans le monde va propulser les forces inflationnistes à des niveaux stratosphériques
Powell sait très bien que pour faire tenir les peuples tranquilles, il va falloir distribuer, répartir , augmenter les dépenses de transferts
Powell sait qu’une page est tournée sur les conditions exceptionnelles qui avaient permis une désinflation historique.
Les anticipations inflationnistes sur lesquelles il se base n’ont aucun rapport avec une quelconque prévision de l’état futur du monde.
Ce sont des anticipations financières, anticipations qui ressortent du monde imaginaire de la finance, ce sont des anticipations que … Powell fabrique lui même, à la main.
Le taux des Treasuries à 10 ans ne signifie rien lui non plus, il n’exprime rien d’autre que ce que la politique de la Fed inspire à la Communauté de l’Imaginaire Financier. Le taux du 10 ans n’exprime que l’habileté de la Fed à gérer le court terme. Il ne nous dit rien sur l’état futur du monde, il ne prépare rien.
En Prime :
Quand l’inflation devient ancrée à la suite d’une longue dérive
Après avoir commencé 1968 à 3,6 %, le CPI américain a bondi à 6,2 % a fin 1969.
La « désinflation » s’est installée, le CPI est tombé à 2,7 % en juin 1972.
Guerre du Kippour, l’OPEP annonce en octobre 1973 un embargo sur les exportations de pétrole vers les pays soutenant Israël.
La flambée des prix de l’énergie alimente une poussée inflationniste, le CPI a terminé 1974 à 12,3 %.
La crise se calme, le CPI en glissement annuel redescend à 4,9 % en novembre 1976.
Le CPI revient à 7,0 % en avril 1977, avant de se stabiliser à 6,5 % un an plus tard.
Une autre crise géopolitique a déclenché l’explosion le CPI a atteint 14,8 % en mars 1980.
Tout au long de la période les patrons de la Fed Arthur Burns et G. William Miller se sont trompés et nous ont trompés. Ils ont agi toujours en retard, toujours à contretemps avec des théories fausses!
Les fonds fédéraux étaient à 6,75% lorsque G. William Miller a été nommé président de la Fed en mars 1978. Ses augmentations progressives des taux à 10,5% en août 1979 ont été inefficaces pour contenir la spirale inflationniste. La révolution iranienne, la guerre Irak/Iran et d’autres facteurs se sont combinés pour le choc pétrolier de 1979.
Volcker est arrivé en aout 1979. L’inflation était profondément enracinée.
Volcker a vaincu les pressions sur les prix par une politique sanglante, dévastatrice : les taux ont presque doublé en huit mois pour atteindre 20 %.
Il a radicalement changé de paradigme, il a cessé de cibler les taux pour cibler la masse monétaire et la masse de crédits distribués.
Volcker en 1979 : « Je voudrais souligner que l’idée maîtresse est d’amener l’expansion monétaire et l’expansion du crédit dans les fourchettes établies par la Réserve fédérale il y a un an. »… «Ces mesures visent spécifiquement à fournir une assurance supplémentaire que l’expansion de la masse monétaire et du crédit bancaire serait fermement maîtrisée. »