La traduction la plus complètede l’interview d’Evgeny Prigozhin d’où la citation sur « Si nous devons atteindre le Dniepr, environ 3 ans. Si juste le Donbass, alors environ 1, 5-2 ans de travail de plus. Si nous devons atteindre la Manche, j’ai un plan pour ça aussi. » est apparue.

Evgeny Prigozhin est, comme la plupart d’entre vous le savent, le fondateur et directeur de Wagner PMC. L’interview a été réalisée par Semyon Pegov, ancien correspondant de guerre russe avec de nombreuses guerres à son actif et fondateur du projet médiatique WarGonzo. 

Première question de Pegov : quoi de neuf à Artyomovsk/Bakhmut ?

Prigozhin : Bakhmut est devenu un centre de gravité pour l’armée ukrainienne. Notre tâche dans le hachoir à viande de Bakhmut est d’y faire entrer autant de troupes ukrainiennes que possible pour libérer nos forces ailleurs. »WG » sera WarGonzo (Pegov), « P » sera Prigozhin.

WG : Sommes-nous proches d’un blocus complet de Bakhmut ?

P : Il est trop tôt pour dire que nous sommes « proches », il y a de nombreuses routes entrant et sortant de Bakhmut, les Ukrainiens sont bien préparés et connaissent toutes les routes, nos troupes travaillent sur un enveloppement, des assauts frontaux sur les grandes villes ne fonctionne pas

WG : J’ai remarqué que vos ressources médiatiques, contrairement au RU MOD, sont très lentes à rendre compte de leurs succès. Y a-t-il des raisons militaires à cela ou est-ce une préférence personnelle ?

P : Comme disent mes soldats : le bonheur aime le silence. Nous allons d’abord prendre Bakhmut, puis vous en parler.

P : Nous ne montrons pas le visage de nos hommes pour que l’armée ukrainienne ne les voie pas. S’ils les voient, ils survivront tous, car la mort a aussi peur de nos soldats.

WG : Vous avez dit que Wagner PMC a cessé de recruter des condamnés. Qu’est-ce qui se passe avec ça?

P : Les anciens condamnés se battent et ils se battent bien. Il y avait des problèmes à résoudre mais nous avons un principe de base : nous sommes ouverts et honnêtes avec eux, ils sont ouverts et honnêtes avec nous.

P : Si vous avez signé le contrat, vous allez faire votre travail. Le taux de pertes parmi les condamnés est le même que dans toutes nos unités. Parfois, les condamnés se battent plus bravement qu’ils ne le devraient et accordent moins d’importance à leur vie qu’un soldat ne le devrait.

P : Les condamnés ne servent pas seulement dans l’infanterie, mais aussi dans d’autres branches et ils ont des rôles de soutien, comme tous nos autres employés. Nous avions une procédure spécifique pour le recrutement des condamnés ; elle a suivi son cours pour des raisons d’organisation. Ils peuvent être utilisés d’autres manières.

WG : Certaines personnes prétendent que les bagnards sont utilisés comme chair à canon à utiliser dans les zones les plus difficiles. Y a-t-il du vrai là-dedans ou est-ce que tous les soldats wagnériens combattent dans les mêmes conditions ?

P : Qu’est-ce que la « chair à canon » ? Biomasse sans cervelle dont la tâche est de se faire tuer par l’artillerie. Si un fantassin meurt au combat, ce n’est pas de la chair à canon – c’est un fantassin qui a fait son travail sur le front. Il n’y a pas un seul homme parmi les bagnards qui pourrait être qualifié de « chair à canon »

WG : Comment les recrues bagnardes sont-elles préparées au combat ?

P : D’abord, ils reçoivent un mois d’entraînement, 20 heures par jour, avec 4 heures de sommeil. Y compris des exercices de tir réel, de l’aube au crépuscule. 5-6 heures par jour sont consacrées à la théorie , le reste est un entraînement physique.

WG : En tout cas, il est probablement plus facile de respirer dans une tranchée qu’en prison.

P : J’ai été en prison et je peux confirmer qu’effectivement, il vaut mieux être dans une tranchée qu’en prison.

WG : Il y a toute une mythologie autour de Wagner PMC. Il semble avoir sa propre idéologie ou codex. Quelle est l’idéologie de Wagner PMC ?

P : L’idéologie de Wagner est d’être un collectif avec un commandement et un contrôle quasi parfaits, où chaque commandant écoute ses combattants sur le terrain.

P: Notre idéologie est que là-bas, chaque combattant peut se lever, que vous êtes un homme avec beaucoup d’adrénaline dont son collectif et son pays ont besoin, et donc, quand la patrie a appelé, les gars ont survolé en portant des uniformes tropicaux et ont rejoint le combat en deux jours.

WG : Je connais beaucoup de gens dans vos rangs, certains d’entre eux sont des amis proches. J’ai remarqué chez eux une attitude très particulière face à la mort. Des phrases comme « être un guerrier, c’est vivre pour toujours » qui sont devenues populaires dans l’armée sont venues du PMC. Existe-t-il un culte du mépris de la mort ?

P : J’appellerais cela une attitude cynique envers la mort.

(Soldat en arrière-plan : « La mort n’est pas la fin, c’est le début d’autre chose »)

P : Nous irons tous en enfer, mais en enfer nous serons les meilleurs.

(Soldat en arrière-plan : « Absolument ! »WG : Vous avez cité le film [« Le meilleur de l’enfer »]. J’ai vu votre nom dans le générique. Était-ce basé sur plusieurs opérations, comme par exemple Marioupol…

P : Non, tout est une représentation de Popasnaya.

WG : À propos des marteaux. On parle beaucoup d’eux. Je vais être honnête, je suis ambivalent à ce sujet, je suis d’accord que les traîtres doivent être trouvés et punis…

P : Je ne sais pas de quoi tu parles. Je sais juste que le marteau est un joli outil et symbole.

WG : Vous êtes une personne qui critique assez souvent ouvertement notre leadership militaire. À quel point la situation de nos troupes est-elle vraiment mauvaise ?

P : Je ne critique personne. La chose la plus importante pour l’armée est que les hauts gradés *voient* parfois les rangs inférieurs. Les soldats seraient surpris et très heureux si les généraux visitaient plus souvent les tranchées.

P : Quand je rends visite à mes gars, ils savent que je ne suis pas un personnage étranger, mais que je suis avec eux. Tous les commandants de Wagner PMC sont d’anciens soldats de choc qui ont gagné le droit de commander grâce à leur travail.

WG : Il y a des rumeurs selon lesquelles parmi les soldats de Wagner PMC, il y a un certain nombre de personnes d’extrême droite, qui aiment l’esthétique du Troisième Reich, etc. Y a-t-il des radicaux d’extrême droite ici ?

P : Chaque homme qui rejoint Wagner PMC doit avoir assez de courage, d’adrénaline et de couilles pour aller dans le feu et tuer l’ennemi. Si vous avez besoin de mecs doux avec de jolis ongles qui vont à l’église chaque semaine, ce n’est pas pour Wagner PMC.

P : Wagner valorise vos qualités de soldat, votre dévouement envers vos camarades, vos couilles et votre intelligence. Si vous aimez le Troisième Reich, si vous avez des tatouages ​​de gangs, on s’en fout de ça. Nous ne nous soucions que de la façon dont vous traitez vos frères d’armes et de la façon dont vous vous comportez au combat.

WG : Mais quelle est votre opinion personnelle ?

P : Mon opinion est que tout le monde se masturbe comme il aime. L’important est qu’il remplisse son devoir et qu’il aille de l’avant.

WG : Depuis combien de temps sommes-nous ici ?

P : Commençons par les bases. Il n’y a pas eu de guerres comme celle-ci depuis 1945. Quand je compare Soledar et Stalingrad, je n’ai pas été à Stalingrad personnellement, mais c’était *difficile* de lever la tête. Le nombre d’obus tirés est encore plus élevé.

P : L’important pour nous, c’est que l’ennemi ait plus de pertes que nous. Qu’avons-nous fait jusqu’à présent ? Nous avons saisi un morceau de la côte de la mer Noire, nous avons sécurisé un couloir terrestre vers la Crimée. Maintenant, nous devons nous concentrer sur le Donbass. Nous devons sécuriser le DPR et le LPR.

P : Comment l’opération militaire spéciale a-t-elle commencé ? Les Ukrainiens ont commencé à se conduire mal, ont fait une révolution illégale, ce qui est peut-être leur droit, mais ils ont attaqué les Russes et ont commencé un génocide. Nous avons réussi à arrêter la guerre en 2014 et pendant 8 ans… Je ne sais pas pourquoi nous avons attendu 8 ans.

P : Revenons maintenant à votre question, combien de temps cela prendra-t-il ? Si nous devons atteindre le Dniepr, environ 3 ans. Si c’est juste le Donbass, alors environ 1,5à 2 ans de travail supplémentaires. Si nous devons atteindre la Manche, j’ai aussi un plan pour ça.

P : Mais si nous décidons d’aller vers la Manche, nous devons redevenir comme nous étions en 1941-1945, et, bien sûr, nous devons donner leur juste part aux Ukrainiens, peut-être la France, l’Italie, la Bulgarie. Parce que nous souffrirons plus qu’assez ici avec eux.

WG : Beaucoup de gens parlent de vos ambitions politiques. Comment les décririez-vous ?

P : Je n’ai pas besoin de partis politiques. Je n’ai aucune ambition politique. Tous mes gars disent la même chose : quand cette histoire ici en Ukraine se terminera, renvoyez-nous en Afrique, c’est tellement chouette là-bas.

WG : Qui sont les gars en arrière-plan ici ?

P : La direction militaire de Wagner. On ne peut pas les montrer, comme je l’ai dit, sinon la mort s’enfuira. Ce ne serait pas juste.

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