Editorial: Nous sommes en train de danser sur un gouffre, masqué par une très fine couche de glace.
La guerre en Ukraine, tout comme l’affrontement stratégique entre les Etats Unis et la Chine ont pour enjeu la suprématie dans le monde. Autrement dit le maintien de la position privilégiée qu’y occupent les Etats Unis et leurs satellites occidentaux..
La suprématie américaine est encore là, -voir l’ article récent de Foreign Affairs sur ce sujet que j’ai publié- mais elle s’érode et c’est pour cela que ses stratèges prennent les devant, ils veulent retarder l’ascension du bloc concurrent tant qu’ils sont les plus forts.
C’est le but des provocations, c’est l’objectif de la transformation de l’OTAN en alliance offensive, c’est le but de la mainmise sur les ressources en matières premières de l’Ukraine et de la Russie, c’est le but de la mise au pas de l’Europe Continentale.
Au coeur de cette lutte déja bien avancée se situe la question monétaire.
La question monétaire est simple et complexe.
Le privilège dont bénéficie le dollar permet aux Etats Unis de vivre très au dessus de leurs moyens: ils impriment de la monnaie que les autres pays acceptent, ils leur vendent leurs dettes et leurs actifs financiers. C’est le paradoxe du joueur de billes qui fut relevé en son temps par les Français comme Rueff. Le joueur américain perd sans cesse mais les autres joueurs lui rendent ses billes pour qu’il puisse continuer à jouer et faire tourner le carrousel..
Au cours des dernières années, la moitié des dépenses fédérales a été financée par la vente de dettes.
Cette situation se poursuivra jusqu’à ce que Washington ne puisse plus vendre de dette bon marché pour financer son budget ou jusqu’à ce que les actions de ses entreprises cessent d’être attrayantes pour les détenteurs de capitaux étrangers.
Les autorités américaines jouent les matamores; elles popularisent l’idée que le système n’a pas de limite et que la machine à accumuler les dettes et les promesses peut tourner toujours.
Les propagandistes américains méconnaissent à la fois l’Histoire et la Logique.
L’histoire montre que le système américain peut se détraquer comme il l’a fait dans les années 80 et connaitre une terrible hausse des prix destabilisatrice qui fai trembler les fondations..
Les responsables américains méconnaissent la logique, cette logique qui fut exposée en 2012 par Bernanke: l’attrait pour le dollar ne tombe pas du ciel il est fondé et causé par la rentabilité supérieure du capital américain. C’est parce que les Etats Unis offrent une rentabilité du capital supérieure à celle des autres régions du monde qu’ils attirent/drainent les capitaux. Mais c’est également parce qu’ils drainent les capitaux mondiaux bon marché qu’ils peuvent offrir une rentabilité exceptionnelle. En sens inverse cela signifie que si leur système devait dysfonctionner au point de ne plus offir cette rentabilité -ou cette sécurité- exceptionnelle, les capitaux partiraient.
Le Trésor US affirme que si le capital étranger arrêtait de financer les déficits , le beurre, les canons et les drones américains, il suffirait que la Réserve Federale achète et monétise les dettes. C’est un peu léger car si la monétisation de dette peut être tolérée dans le court terme, elle est problématique dans le long terme, à la longue elle mine la monnaie et cette politique devient contreproductive . La monnaie concernée cesse d’être attrayante à force d’être trop sollicitée.
Les autorités américaines feraient bien sous cet aspect de demander une consultation à Soros lui qui a si bien développé et analysé les phénomènes qu’il épingle sous les noms de « reflexivité » et « transitivité ».
Je n’ose imaginer par exemple ce qui se passerait si la succession de Biden intervenait et que Kamela Harris prenait sa suite!
Je ne donne pas cher de la stabilité du système américain si la tendance actuelle de Biden à aller vers le dirigisme et l’intervention de l’état et la gabegie se maintenait. Et je comprends l’avertissement solennel que vient de lancer The Economist dans ce sens.
The Economist a compris le danger et il conjure les USA de ne pas tourner le dos au néolibéralisme.
Par conséquent, il est essentiel de prendre du recul par rapport à la guerre ukrainienne et de voir que celle ci n’est qu’une partie du colossal combat qui se joue.
Cette question complexe est résumée par un terme simple qui recouvre un phénomène très compliqué: la dédollarisation. Et son rythme.
Les Bons du Trésor à 3 mois payent 5,2 %, mais on peut egalement dire le symétrique: ils coutent 5,2%. C’est deja cher pour un budget!
Je ne pense pas que les taux courts soient en eux même un enjeu, non, ils sont importants mais pas centraux dans le système. Ceux qui sont centraux ce sont les taux longs, les taux du 10 ans du Trésor US. Et ce sont eux qu’il faut surveiller. Les taux longs très bas sont la clef de la survie du système fondé sur la suprématie du dollar.
Ce sont les emprunts longs du Trésor americains qui font bulle, qui sont la pierre angulaire du système bullaire et qui sont également le sous-bassement du système monétaire/bancaire mondial.
La hausse des taux longs à ce stade est moderée – c’est le grand succès de l’action de Powell- et encore supportables en terme de flux puisque la hausse des prix les rend, en réel, négatifs.
Mais la question des taux longs ne se résume pas aux flux, elle se pose en terme de stocks!
Le système mondial a accumulé des actifs financiers longs, voire très longs pendant des décennies et ces actifs financiers ne rapportent quasi rien. Les stocks ont été constitués quelquefois avec des taux … négatifs. Cela signifie que les valeurs de marché de ces stocks sont largement amputées, et quelque fois elles sont amputées de 40a 50% selon leur duration. Le système mondial se trouve reposer sur une base de collatéraux en grande partie fictifs.
Nous sommes en train de danser au dessus d’ un gouffre, sur une très fine couche de glace.
Tout accident, tout mouvement de capitaux qui ferait un tant soit peu boule de neige,- révélerait le pot aux roses ou de façon plus imagée révélerait ceux qui se baignent nus- pourrait être fatal.
Les autorités et leurs propagandistes essaient de se rassurer et j’ai vu récemment des papiers qui essaient de montrer/ de faire gober que les pays qui impriment leur propre monnaie comme les USA et d’autres ne peuvent pas faire faillite.
C’est bien sur une pirouette car certes ils peuvent toujours imprimer de la monnaie mais reste encore à savoir si cette monnaie continuera d’être demandée et si elle ne brulera pas les doigts.
L’analyse historique du terrible enchainement qui a conduit à Weimar rend sceptique à ce sujet.
Spring Meetings du #FMI : lancement d’une monnaie mondiale ! The Economist aurait-il prédit notre futur en 1988 ? Il semblerait que oui. La une de ce célèbre journal nous annonçait la fin du dollar et l’avènement d’une monnaie mondiale pour 2018. Thread 1/6 ⏬ pic.twitter.com/ncd9MmGWtX
— Franck Pengam (Géopolitique Profonde) (@FranckPengam) April 25, 2023
Un texte de Bill Bonner qui aborde ces questions.
Traduction BB
VANITES ET ILLUSIONS.
Vous n’imaginez pas à quel point la plupart des débats que vous voyez à la télévision sont incroyablement stupides. Ils sont complètement hors de propos. Ils ne signifient rien.…
Tucker Carlson
Nous ne suivons ni la politique ni les médias, ici à Bonner Private Research. Mais au cours des derniers jours, deux choses se sont produites dans ces secteurs – et les deux peuvent affecter le secteur que nous couvrons, l’argent. Tucker Carlson a été renvoyé de sa première place à Fox News.
Et Robert F. Kennedy, Jr., a annoncé sa campagne présidentielle. Aujourd’hui et lundi, nous regardons ce qu’ils ont en commun. .
Mais d’abord, sur le front de l’argent, Bloombergrapporte :
Les États-Unis dans le « pire des deux mondes » avec une inflation élevée et un ralentissement du PIB
Le produit intérieur brut a augmenté de 1,1% en rythme annualisé au premier trimestre, nettement moins que la prévision médiane de 1,9% dans l’enquête de Bloomberg, ont montré jeudi les données du Bureau of Economic Analysis.
Frustrant pour la Fed, l’indicateur de base des prix préféré de la banque centrale, qui exclut les aliments et l’énergie, a augmenté à 4,9 % de janvier à mars, le rythme le plus rapide en un an.
Croissance plus lente. Des prix plus élevés. Comment tu appelles cela?Enterrement de vie de garçon ? Non… stagflation ! Merci.
Et pour ce qui est de la partie « stag », notre vieil ami Richard Russell avait l’habitude de dire que vous pouvez dire quand une récession est vraiment là quand « les transports s’effondrent ». Quand les camions s’arrêtent de rouler, vous savez, les commandes se tarissent. Voici les dernières nouvelles du Wall Street Journal::
La baisse des prix du diesel done un avertissement pour l’économie américaine
Un ralentissement du fret à l’échelle nationale a contribué à réduire de moitié les prix du diesel aux États-Unis par rapport au record de l’année dernière, ce qui fait craindre que certaines parties de la plus grande économie du monde aient commencé à ralentir.
Le diesel en gros est récemment tombé à 2,65 dollars le gallon dans le port de New York, contre 5,34 dollars en mai dernier, après que l’invasion russe de l’Ukraine a détraqué les marchés des matières premières.
Les coûts record du diesel ont rendu plus coûteux l’utilisation des excavatrices sur les chantiers de construction, l’utilisation de machines dans les fermes et le transport de marchandises depuis les ports, les gares de triage ou les usines.
Mais laissons cela – comme une trace de carburant diesel sur nos mains après avoir fait le plein – et reprenons le siège du conducteur.
Au moins un de nos lecteurs nous a abandonnés. Nous étions «trop anti-américains», a-t-il déclaré. Plusieurs se sont plaints (surtout sous le règne de Donald Trump) que nous passions trop de temps à l’étranger et que nous avions perdu le contact avec nos racines
Mais nos racines n’étaient jamais loin. Nous apprécions le chêne amérindien autant que quiconque. Ce sont les parasites dans les branches et le bois pourri au centre que nous n’avons jamais aimés.
Nous parlons spécifiquement des «décideurs» et de la façon dont ils ont décidé qu’ils devraient prendre les décisions pour le monde entier. Nous sommes la « nation indispensable », comme l’a dit Madeleine Albright ; ils ne peuvent pas vivre sans nous.
Le problème, pour le dire succinctement, c’est que l’Amérique ne peut plus se permettre ses vanités et ses illusions. Avec la hausse des prix, nous ne pouvons plus simplement « imprimer » de l’argent pour les payer. Enfin, les gens le disent.
Il fut un temps où l’arbre était vigoureux – exceptionnellement ouvert, exceptionnellement libre et exceptionnellement prospère. Ce n’était pas parfait, loin de là… mais c’était différent des autres nations.
L’Amérique est toujours exceptionnellement amusante, mais elle n’est plus libre ni prospère… et le New York Times livre les lanceurs d’alerte au FBI !
Les crétins gériatriques – Biden, Pelosi, McConnell, Feinstein… républicain et démocrate – ont fait un gâchis. Leurs politiques fiscales et monétaires ont été des échecs délirants. Des trillions de dollars de dépenses de «stimulation» ont ralenti la croissance du PIB, réduit les salaires réels, accablé le pays de 93 trillions de dollars de dettes, récompensé les riches avec des prix des actifs plus élevés, rendu les pauvres dépendants des dons et apporté l’inflation des prix à la consommation à tout le monde.
Mais rien de tout cela n’était ce que Robert F. Kennedy, Jr., avait en tête lorsqu’il a annoncé sa candidature à la présidence des États-Unis. Au lieu de cela, il visait un autre échec grandiose : l’empire américain.
« En tant que président, Robert F. Kennedy, Jr. entamera le processus de démantèlement de l’empire. Nous ramènerons les troupes à la maison. Nous arrêterons d’accumuler des dettes impayables pour mener une guerre après l’autre. L’armée retrouvera son rôle propre de défendre notre pays. Nous mettrons fin aux guerres par procuration, aux campagnes de bombardement, aux opérations secrètes, aux coups d’État, aux paramilitaires et à tout ce qui est devenu si normal que la plupart des gens ne savent pas que cela se produit. Mais cela se produit, une épuisement constant de nos forces. Il est temps de rentrer à la maison et de restaurer ce pays.
« Lorsqu’une nation impériale guerrière désarme de son propre gré, elle établit un modèle pour la paix partout. Il n’est pas trop tard pour nous d’abandonner volontairement l’empire et de servir la paix à la place, en tant que nation forte et saine.
Une phalange de faux
Pour autant que nous sachions, M. Kennedy est le premier et le seul candidat à reconnaître ouvertement que les États-Unis ne sont plus la nation indispensable qu’ils étaient… et à appeler à la fin de la chose grotesque qu’ils sont devenus.
Mais le candidat sous-estime le coût. Dans son annonce de campagne, il a fait référence au budget de 800 milliards de dollars du Pentagone. Mais le coût du maintien de l’empire est bien plus élevé. Winslow Wheeler a inclus tous les coûts évidents – le budget du Pentagone, 800 bases militaires américaines dans le monde… des avions, des chars, une formation à la diversité et d’autres accessoires…
…et également ajouté aux coûts indirects…tels que l’aide étrangère, les ambassades, les soins aux anciens combattants, etc. C’est lui qui est arrivé au chiffre de 1,5 trillion de dollars. Et cet argent n’a pas grand-chose à voir avec la « défense » ou la « protection du pays ». L’Amérique a peut-être été exceptionnelle, à ses débuts. Les Américains ne l’ont jamais été. Comme tous les autres, ils sont la proie des faiblesses dont la chair est l’héritière – l’orgueil, la paresse, la luxure, la cupidité – et la vanité. Ils ne pourraient pas plus résister à l’attrait de l’empire qu’un dipsomane ne pourrait résister à une vodka tonique.
Alors que nous revenions en Irlande il y a quelques semaines, par exemple, il y avait Air Force One sur l’asphalte. Joe Biden était en visite. Mais il y avait aussi Air Force Two… tout aussi gros. Et toute une phalange de camionnettes noires, de personnel militaire et fantasmagorique, et un entourage qui devait se compter par centaines. Le voyage – qui n’était d’aucun avantage apparent pour les États-Unis – n’était qu’une partie de la posture, de la politicaillerie et de la pontification qui se déroulent tout le temps.
NPR a rapporté que le voyage était « profondément personnel ».
Alors, pourquoi n’a-t-il pas simplement pris United, comme nous tous ?