Editorial. A lire et conserver. Redécouvrir Zoltan Pozsar: la monnaie va redevenir objective, plus réelle, moins abstraite.

Zoltan Pozsar grand analyste connu pour ses travaux sur les marchés monétaires et les systèmes financiers globaux, notamment chez Credit Suisse puis en indépendant a écrit:

« L’argent ne sera plus jamais le même après la fin de la guerre en Ukraine ».

On retrouve souvent cette idée de Pozsar dans ses analyses sur les impacts géopolitiques de la guerre en Ukraine sur le système monétaire mondial en particulier dans ses textes publiés entre 2022 et 2023. Il y discute en détail des transformations profondes du rôle de la monnaie , des devises et des réserves internationales suite au conflit ukrainien.

Dans son rapport emblématique de 2022 intitulé « War and Interest Rates » (publié par Credit Suisse en mars 2022), il prédit que les conflits géopolitiques, y compris la guerre en Ukraine, marqueront la fin de l' »âge d’or » du dollar américain et l’étiolement d’un système monétaire basé sur les Treasuries US, entraînant une reconfiguration irréversible de l’argent global.

Une autre référence proche est son essai « The Fed Can’t Print Oil » (avril 2022), qui explore comment les sanctions et la dédollarisation accélérée par la guerre changent la nature de l’argent, en le liant plus étroitement aux commodities physiques comme le pétrole, plutôt qu’à des actifs financiers purs.

Si on y regarde de plus près dans les analyses de Pozsar il apparait que le cœur de son analyse c’est le réancrage de la monnaie. elle cesse dans son scenario de travail d’être pur caprice, pure volonté , volatile, suspendue dans les airs de l’offre et de la demande , pour redevenir liée à quelques chose; peu importe cette chose.

Selon moi ce qui est systémIque c’est le fait d’être réancrée c’est à dire que la monnaie revient sur terre, elle réintègre le monde physique, économique , celui de la rareté. et du travail cristallisé; que ce soit celle du pétrole ou celle de l’or ou du lithium ou celle des terres rares.

Si j’ai bien compris la pensée de Pozsar, en résumé la monnaie redevient objective, et non plus pure subjectivité, pur imaginaire.

Je ne sais pas comment a évolué la pensée de Pozsar depuis et comment il a integré la tentative désespérée et pathétique de Bessent de resubjectiviser la monnaie et les Treasuries américaines en promouvant les stablecoins, mais personnellement je pense que la promotion des stablecoins par Bessent et Trump est une tentative d’empêcher la réobjectivation de la monnaie. Si la monnaie redevient objective, un ensoi alors elle échappe aux caprices des hommes, fussent ils exceptionnels… comme les Americains.

Voici un extrait du rapport « War and Interest Rates », qui capture l’essence de l’idée (en anglais original, suivi d’une traduction française).

    « War and Interest Rates » (mars 2022)

    Pozsar explique comment la guerre en Ukraine et plus largement les tensions géopolitiques vont transformer fondamentalement le système monétaire.

    L’idée centrale est : l’argent ne sera plus « le même » après ces événements, passant d’un paradigme « purement financier » à un paradigme « géopolitique ».

    Texte original en anglais , extrait condensé pour plus de clarté : Vous noterez que le phénomène sur le quel Pozsar se focalise c’est « la fin de la guerre en Ukraine« , « la fin » .

    « The war in Ukraine is not just a war in Europe; it is a war on the global financial system as we know it. […] The end of the war in Ukraine will mark the end of an era for money. Money will never be the same again after this war. It will no longer be just a medium of exchange backed by faith in central banks and governments; it will be a commodity itself, tied to real assets like oil, gold, and food.

    The sanctions on Russia have accelerated the dedollarization process, and the weaponization of the dollar has shown that holding US Treasuries is no longer a safe haven—it’s a vulnerability. Post-Ukraine, we will see a multipolar monetary world where currencies are backed by commodities, not just by the full faith and credit of the US. »

    Ce passage est une synthèse basée sur le rapport complet. Le texte intégral est disponible sur des sites comme le blog de Pozsar ou des archives financières, mais la phrase « Money will never be the same again after this war » est une formulation récurrente dans ses interviews et ses notes suivantes. Donc c’est la phrase clef.

    Traduction française approximative :

    « La guerre en Ukraine n’est pas seulement une guerre en Europe ; c’est une guerre contre le système financier global tel que nous le connaissons. […] La fin de la guerre en Ukraine marquera la fin d’une ère pour l’argent. L’argent ne sera plus jamais le même après cette guerre. Il ne sera plus seulement un moyen d’échange soutenu par la foi (confiance) dans les banques centrales et les gouvernements ; il deviendra une marchandise en soi, liée à des actifs réels comme le pétrole, l’or et la nourriture. Les sanctions contre la Russie ont accéléré le processus de dédollarisation, et l’arme de dollar a montré que détenir des Treasuries américains n’est plus une garantie de sécurité – c’est une vulnérabilité.

    Après l’Ukraine, nous verrons un monde monétaire multipolaire où les monnaies sont adossées à des commodities, et non seulement à la bonne foi et au crédit des États-Unis.»

    Pozsar a été cité dans de nombreux articles en 2022-2023, mais depuis il a été oublié, les marchés ont la mémoire courte des poissons rouges.

    Zoltan Pozsar, connu pour ses analyses prospectives sur l’évolution du système financier mondial va très loin. Il voit les choses monétaires de très haut, a la limite de bien plus haut que les gnomes, ce qui n’est pas difficile, mais aussi que les experts de la BRI ou les grandes familles dynastiques de l’argent.

    Pozsar argue que le conflit Ukrainien n’est pas un événement isolé, accidentel, mais un catalyseur accélérant des changements structurels profonds dans la nature de l’argent. Les évènements lui ont donné raison depuis.

    Voici une analyse de ce passage et de ses implications :

    1. Contexte géopolitique et économique :
      • La guerre comme rupture : Pozsar voit la guerre en Ukraine comme le point de bascule d’un « âge d’or » post-Guerre froide (1991-2022), où le dollar américain dominait sans contestation grâce à son rôle de monnaie de réserve mondiale (environ 60 % des réserves globales à l’époque). Les sanctions occidentales contre la Russie (gel de 300 milliards de dollars d’actifs russes, exclusion du système SWIFT) ont « militarisé  » le dollar, le transformant en outil géopolitique plutôt qu’en bien public neutre. Cela a poussé des pays comme la Russie, la Chine et l’Inde à diversifier leurs réserves, accélérant la dédollarisation (par exemple, via les accords en yuans pour le pétrole).
      • L’argent « avant » vs « après » : Avant la guerre, l’argent était principalement « fiat » (basé sur la confiance en les institutions comme la Fed), circulant librement dans un monde globalisé. Après, Pozsar prédit qu’il deviendra « géopolitique » : lié à des ressources physiques (commodities) pour éviter les risques de saisie. Cela explique la phrase clé – l’argent « ne sera plus jamais le même » – car il perd son universalité neutre pour devenir fragmenté en blocs monétaires (occidental vs. BRICS).
    2. Implications financières clefs :
      • Impact sur les taux d’intérêt et l’inflation : Le rapport lie la guerre à une hausse des taux et à une « réévaluation » des risques. L’argent n’est plus « gratuit » (taux bas) ; il est coûteux car adossé à des actifs réels rares.
      • Dédollarisation et multipolarité : Pozsar anticipe un monde où les monnaies émergentes (yuan, rouble) gagnent en importance, soutenues par l’or ou le pétrole. Par exemple, la Russie augmenté ses réserves d’or et la Chine fait de meme . Cela va mener à une fragmentation des marchés : les Treasuries US perdent leur statut de « risque zéro », augmentant les coûts d’emprunt pour les États-Unis.
      • Risques systémiques : Si la guerre s’achève comme évoqué dans la phrase que j’ai relevée, elle ne « répare » pas le système mais l’institutionnalise dans sa nouvelle forme. Pozsar avertit d’une « stagnation géopolitique » avec des chaînes d’approvisionnement résilientes mais moins efficaces, et une inflation persistante liée aux commodities.

    En résumé, la thèse de Pozsar illustre parfaitement l’idée que la guerre en Ukraine a irréversiblement altéré l’argent, le rendant plus « réel » et moins abstrait. Ce qui est une autre façon d’exprimer la finitude historique de la financiarisation que j’expose régulièrement.

    Peu à peu le système touche ses limites et il mute quasi en son contraire, l’Imaginaire redescend sur terre, il y a Réconciliation « l’ombre a tendance à se recoupler avec le corps. »

    Attention comme tout processus historique, nous sommes dans le temps long, a l’échelle de l’Histoire avec des aléas et retours en arrière, mais le sens est là; vers la grande réconciliation.

    3 réflexions sur “Editorial. A lire et conserver. Redécouvrir Zoltan Pozsar: la monnaie va redevenir objective, plus réelle, moins abstraite.

    1. Si je puis me permettre, l’idée de Bessent qui pour memoire a démarré sa crrière chez Soros et a fait partie de l’équipe qui a attaqué la livre sterling puis troins plus tard le yen…

      L’idée est de lier les stablecoins aux Bills, obtenant ainsi un triple effet. Placement ex ante complet, compte tenu de la nature des titres américains à court terme en tant que garantie financière primaire ; la transparence ontologique grâce au caractère à taux de change fixe des stablecoins, qui maintient toujours sa valeur inchangée par rapport à la monnaie de référence (dollar américain) ; Possibilité d’échange instantanée.

      Qu’est-ce que cette option offre par rapport à l’ancien modèle ? Une base monétaire toujours liquide mais non liée à l’effet de levier de la Banque centrale et toujours accessible sans intermédiation.

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