Anders Fogh Rasmussen, ancien secrétaire général de l’OTAN et qui, selon ses propres termes, « agit bénévolement, par le biais de sa société, comme conseiller du président ukrainien », a accordé une interview remarquable au quotidien économique danois « Børsen » (publiée aujourd’hui, le 31 octobre 2025), dans laquelle il expose son projet d’un « tsar du réarmement » en Europe.

https://borsen.dk/nyheder/perspektiv/anders-fogh-har-lagt-arm-med-putin-mange-gange-nu-slar-han-alarm ?

EXTRAITS

« Je crains que la Russie ne soit en mesure d’attaquer un ou plusieurs pays de l’OTAN d’ici la fin de la décennie », déclare-t-il.
Et qu’elle y parviendra parce que nous ne sommes pas assez forts ?« Oui, c’est le risque si nous ne faisons pas le nécessaire : nous équiper si rigoureusement que Poutine n’ose pas nous attaquer. »
Et que nous gagnerons la guerre s’il le fait malgré tout ?« Oui », répond Fogh.« Mais je crois maintenant que nous pouvons éviter la guerre, si nous prenons conscience du caractère exceptionnel de la situation et de la nécessité de prendre des décisions exceptionnelles. »À ses yeux, ces décisions exceptionnelles impliquent une réorganisation complète de notre société.« Nous vivons encore comme en temps de paix, mais nous devons fondamentalement changer la mentalité danoise et européenne pour adopter une mentalité de guerre », affirme Fogh.« Il nous faut une nouvelle approche de tout. »Il a récemment relu l’un de ses livres préférés sur le Danois William Knudsen, qui a joué un rôle crucial dans l’issue de la Seconde Guerre mondiale.C’est Knudsen, alors PDG du géant automobile General Motors, qui, à la demande du président Franklin D. Roosevelt, a initié une restructuration massive de l’industrie américaine.« En quelques mois, la production américaine est passée d’une vocation civile à une vocation militaire : au lieu de fabriquer des voitures, on produisait des chars, des avions et des munitions, permettant aux États-Unis de mener la guerre en Europe et en Asie », explique Fogh.« Voilà comment fonctionne une économie de guerre. »
Et c’est celle que vous souhaitez en Europe ?« Oui, et c’est urgent. »

Fogh estime que l’Europe a besoin d’une sorte de « tsar du réarmement ». Interrogé sur le profil idéal, il répond :« Je ne veux pas être trop précis, car cela risquerait de compromettre l’idée d’avance. Mais il pourrait s’agir d’un chef d’entreprise influent et respecté, capable de fédérer ses partenaires industriels européens et d’aplanir les obstacles bureaucratiques au nom de l’Europe. » 
Et au Danemark ?« Oui. »L’objectif doit être une « forte accélération » de la production de défense européenne et, selon Fogh, cela nécessitera des mesures non conventionnelles.À ses yeux, il est évident que les entreprises de défense actuelles ne peuvent pas augmenter leur capacité de production assez rapidement.« C’est pourquoi nous devons agir radicalement en réorientant simplement la production civile vers la production militaire », explique-t-il.
Qu’est-ce que cela signifie ?« Cela signifie, par exemple, que les pays qui produisent aujourd’hui beaucoup de voitures devront réduire leur production civile au profit de la production militaire. »
Ils doivent donc produire du matériel militaire à la place ?« Exactement », dit Fogh.« Et je ne pense pas seulement aux chars, aux avions et aux porte-avions. Il s’agit aussi de toutes les PME, très flexibles, qui peuvent se lancer dans la fabrication de radars, de drones, de munitions – tout ce qui est possible. »
Peut-on simplement dicter la loi – dire à Volkswagen qu’il doit désormais fabriquer des armes ?« C’est là qu’intervient le rôle d’un tsar du réarmement », explique Fogh.« Un tel homme peut réunir ses collègues au sommet de la hiérarchie et les amener à adopter cette ligne de pensée – et bien sûr, il doit obtenir d’importants contrats à long terme de la part des gouvernements. »
N’est-il pas tout de même troublant d’entendre cela de la part d’un homme qui se déclare libéral ?« Oui, mais c’est aussi une situation extraordinaire où l’objectif principal est de vaincre Poutine. Tous les autres combats politiques ne valent rien s’il gagne », déclare Fogh.« Nous devons tout mettre de côté et donner la priorité à la production militaire – et j’admets que je dois moi aussi faire des compromis sur un certain nombre de principes libéraux pendant un certain temps. Nous pourrons reprendre le combat des idées une fois que nous aurons vaincu Poutine. »

Tsar du réarmement. Eh bien, il semblerait que le fascisme soit en bonne voie de s’installer en Europe.

EN PRIME

Le réarmement allemand de 1933 : l’impulsion d’Hitler

Dès son arrivée au pouvoir le 30 janvier 1933, Adolf Hitler lance un réarmement massif et clandestin de l’Allemagne, en violation flagrante du Traité de Versailles (1919). C’est le premier acte stratégique du régime nazi, visant à restaurer la puissance militaire, effacer l’humiliation de 1918 et préparer la guerre. Voici les faits clés, en tableau pour plus de clarté.

---

Contexte : Versailles, une contrainte à briser

Clause du Traité	Limite imposée	Réalité 1933
Armée	100 000 hommes (Reichswehr)	→ Objectif secret : 300 000 en 1935
Aviation	Interdite	→ Création secrète de la Luftwaffe
Marine	6 cuirassés, pas de sous-marins	→ Plan Z (flotte océanique)
Armement lourd	Interdit (chars, artillerie)	→ Développement clandestin

---

Chronologie du réarmement (1933–1935)

Date	Mesure clé	Responsable	Détails
Fév. 1933	Plan secret de 4 ans	Hitler + von Blomberg (ministre de la Défense)	Objectif : armée de 300 000 hommes, 4 000 avions, 1 000 chars d’ici 1938.
Mars 1933	Sortie de la SDN (Société des Nations)	Hitler	Prétexte : égalité des droits. Permet de rejeter le contrôle international.
1933–34	Développement clandestin	von Fritsch, Göring	– Avions : coopération avec URSS (Lipetsk) – Chars : prototypes chez Krupp (déguisés en « tracteurs »)
16 mars 1935	Rétablissement du service militaire obligatoire	Hitler	Loi publique : armée portée à 550 000 hommes. Réaction : France/UK protestent, mais pas d’action.
Mai 1935	Création officielle de la Luftwaffe	Hermann Göring	1 888 avions en 1936 (vs. 0 autorisé).
Juin 1935	Accord naval anglo-allemand	Ribbentrop	Allemagne autorisée à 35 % de la flotte britannique (légalise la violation).

---

Moteurs du réarmement

1. Économique :
   • Autarcie + plan Schacht (Hjalmar Schacht, ministre de l’Économie) :
     • Dettes converties en Mefo-Wechsel (billets fictifs) → financement hors budget.
     • 1933–1939 : dépenses militaires × 20 (de 1,9 à 35 milliards RM).
   • Création d’emplois massifs → chômage ↓ de 6 M à < 1 M en 1938.
2. Industriel :
   • Krupp, IG Farben, Siemens mobilisés.
   • Reichswerke Hermann Göring (aciéries d’État, 1937).
3. Idéologique :
   • Lebensraum (espace vital) → besoin d’une armée pour conquérir.
   • Wehrwirtschaft (économie de guerre) dès 1933.

---

Réactions internationales

Pays	Réaction
France	Inquiète, mais Maginot (défensive) → pas d’intervention.
Royaume-Uni	Appeasement : accord naval 1935, peur d’une nouvelle guerre.
URSS	Coopération secrète (jusqu’en 1933), puis méfiance.

---

Conséquences

• 1936 : Rhénanie remilitarisée (succès sans opposition).
• 1938 : Anschluss, Munich → réarmement validé par l’inaction.
• 1939 : Pacte germano-soviétique + invasion Pologne → guerre totale.

---

Verdict : Le réarmement de 1933 est le moteur de la Seconde Guerre mondiale. Hitler mise sur la passivité des démocraties, et gagne.

« Celui qui veut la paix doit préparer la guerre. » – Hitler, 1933 (cynique réinterprétation de Végèce).

Tu veux un focus sur un aspect (ex. : rôle de Göring, financement secret, impact économique) ?

Rôle de Hermann Göring

Politique d’apaisement britannique