La question du chômage est devenue politique parce que tous les menteurs candidats savent que c’est une question essentielle et qu’à ce titre, pour être élu, il faut prétendre en avoir la solution. Ce qui est, il faut le répéter, et l’assener, un mensonge criminel et le restera quel que soit le prochain élu. Prétendre avoir une solution au problème de l’emploi dans l’état actuel du Système c’est aussi idiot que prétendre avoir une solution à l’inéluctabilité de la mort.
A lire un bon billet sur le même thème sur le blog de Nathalie MP
D’abord la maîtrise de l’emploi a échappé à tout pays dès lors qu’il s’inscrit dans la mondialisation des échanges et donc dans la mondialisation des marchandises, lesquelles incorporent le travail. Le prix des marchandises sur le marché mondial fixe le prix du travail qui est incorporé. C’est ce que l’on appelle l’arbitrage mondial du travail. Ceux qui ont un emploi sont ceux qui sont les moins chers, les plus rentables à employer.
Ensuite, nous venons de connaître une phase de progrès des technologies, des techniques et des processus de fabrication qui n’a pas encore produit tous ses effets déflationnistes sur l’emploi. Il y a encore beaucoup de sureffectifs à éliminer si on veut bien tenir compte de l’effet de diffusion des techniques liées à l’informatisation et à l’automatisation. Le cycle de productivité n’est pas terminé, la diffusion doit encore s’élargir au tertiaire par exemple. On commence à le voir dans les banques, les assurances, les administrations etc. Donc il y a là encore ce que j’appelle tristement une réserve de chômage.
Enfin nous sommes déjà, sous la pression d’un nouveau cycle accéléré de robotisation; on peut guider beaucoup de tâches par des robots et c’est la prochaine vague de modernisation. Elle est terrible et effrayante. Ainsi, on peut sur longue distance se passer de chauffeurs de poids lourds! On peut exploiter des restaurants fast food sans personnel. Wal Mart, n’a pour ainsi dire plus de caissière. Personne n’en parle, mais c’est la prochaine vague et je sais que la Chine, malgré le bas coût de sa main d’oeuvre s’y prépare.
Tout ceci pour dire que la réserve de chômage, (ou de pertes d’emplois ) est colossale, elle est potentiellement dévastatrice. L’emploi fuit comme à travers un tonneau des Danaides.
C’est la conséquence de l’accélération des progrès de la science, de la Recherche et Développement et de la pression du Système qui refuse la stagnation, le « sur place ». Le système est comme Ugolin, il dévore ses enfants. Il met l’épée dans les reins des acteurs économiques pour toujours aller de l’avant. C’est le fameux bon sens du « qui n’avance pas recule ».
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Les facteurs de transmission de cette pression du « toujours plus » sont::
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-la concurrence, celui qui ne suit pas le mouvement disparait
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-la mondialisation avec ses différences de salaires, elle oblige à remplacer les hommes par les machines
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-la publicité qui a pour fonction de crée de nouveaux désirs marchands
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-la finance qui, en mettant l’argent gratuitement à la disposition du système, même en l’absence d’épargne, donne les moyens d’investir et de faire en sorte que les innovations se substituent aux travailleurs. Le crédit gratuit accélère les pertes d’emplois. Le crédit déprécie tout ce qui a été financé plus cher avant.
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-la hausse des marchés boursiers qui oblige les managers à faire de profits de plus en plus gros pour ratifier les cours de bourse élevés, et toucher des bonus scandaleux, ce que Mélenchon appelle les licenciements boursiers.
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Le problème dépasse les malheureux politiciens. Ils n’ont rien lu, ne travaillent pas, n’ont aucune vision globale, historique, tout occupés qu’ils sont à paraître partout et ailleurs. Au lieu de regarder devant et d’anticiper, ils conduisent les yeux fixés sur le rétroviseur de leur popularité.
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Nous sommes face à une question historique et même philosophique; Est-il positif de continuer de se laisser conduire par la logique d’un Système qui a perdu de vue le fait qu’il devrait être au services des hommes?
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Si le Système ne détruisait pas ses traces au fur et à mesure de son avancée, on a calculé qu’avec les progrès réalisé dans les processus de production depuis 1980, on pourrait baisser le temps de travail nécessaire à la même production jusqu’à 17 heures par semaine! Mais « heureusement », le Système détruit ses acquis anciens, les met au rebut, hommes compris, et ainsi on peut faire tourner la vis sans fin. Vice ou vis sans fin? Le Système a trouvé comme parade de priver ceux qui travaillent des bénéfices des progrès dont ils sont la cause. Les salaires n’augmentent plus avec la productivité, mieux ils sont amputés… pour donner à ceux qui ne travaillent pas.
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Posez vous la question de l’ordre social si jamais on stoppait la vis sans fin, le mouvement de destruction par la concurrence, si on réfléchissait sur ce problème de la raréfaction structurelle des emplois ?
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On y a refléchi! Les élites ont choisi de stabiliser l’ordre social par la répartition. Ils donnent à ceux qui n’ont pas d’emploi, une part du salaire de ceux qui en ont un, par la répartition, redistribution. Cela permet d’acheter le calme et la docilité. Mais la redistribution a des limites et ces limites on sent confusément qu’elles sont en train d’être touchées.
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On y réfléchit! Pourquoi à votre avis est on en train de militariser la police, si ce n’est, dans tous les pays industrialisés, pour être prêts comme à Baltimore ou Philadelphie, à faire face à la révolte? Croyez vous que l’instauration d’un monde de surveillance, sécuritaire, soit uniquement pour affronter le terrorisme? Déjà, vous êtes habitués aux caméras de surveillance … pour votre sécurité, aux troupes dans les rues, aux fouilles au corps, à la délation, les séries américaines vous familiarisent avec l’apocalypse, la Loi Martiale…
Bonjour Bruno, et merci d’avoir donné le lien de mon article sur vos blogs. Ca m’a apporté un nombre conséquent de lecteurs (bien plus que d’habitude) et je suis donc dans une humeur très optimiste ce soir.
Je sais que vous êtes très pessimiste sur la nature humaine, mais ce n’est sans doute pas complètement vrai car autrement vous n’écririez pas.
Question emploi, on est certainement en pleine phase de transition, en plein défi, en raison de ce que vous énoncez : mondialisation, mutation technologique, arrivée annoncée d’une robotisation de plus en plus opérationnelle.
Mais :
– la France a des structures du marché du travail spécifiques qu’elle pourrait alléger : les seuils sociaux, la complexité des embauches et des licenciements, etc.. Il me semble qu’on s’est créé des freins propres et qu’il y aurait déjà un gain à obtenir de ce côté-là.
– Les défis technologiques, on en a déjà connu ; je n’ai pas vérifié les dates, mais on peut dire qu’au début de la IIIè République, peut-être même en 1914, on était à 80 % agriculteurs. Aujourd’hui, on est à moins de 5 %. Les humains s’adaptent petit à petit et leur compréhension du monde suit le mouvement.
– La mondialisation est bel et bien là, mais il n’y a aucune raison que la France en soit exclue, c’est un mouvement qui peut être bénéfique à tous.
– Sur la robotisation, j’ai lu des articles très intéressants sur Contrepoints et H16. Les robots effectuent certaines tâches, mais en créent d’autres qu’on n’imagine peut-être même pas encore.
– Avec une prévision démographique de 9 milliards de personnes bientôt, il y a un défi pour nourrir tout le monde, équiper tout le monde. Beaucoup de travail en perspective.
– Ce qui fausse tout, ce sont les bulles qui sont créées par des anticipations aussi enthousiastes que de courte vue et de courte durée, ou par des manipulations monétaires; mais si on écrête cela, il doit rester un socle de développement économique important et solide.
Donc sur l’emploi, je dirais que les gouvernements n’ont de pouvoir que marginalement, réglementairement, mais qu’on n’est pas forcément dans une spirale de non-emploi.
Comme écrit plus haut : je suis de très bonne humeur ce soir !
Bien à vous, Nathalie MP
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