Andrea Zhok
via PHILIPPE GRASSET,
https://www.dedefensa.org/article/dans-la-cataracte
L’exclusion du physicien Carlo Rovelli de la cérémonie d’ouverture de la Foire du livre de Francfort, à laquelle il avait été invité, fait des vagues.
La faute de Rovelli est d’avoir contesté, de manière certes argumentée, les choix du gouvernement concernant le conflit entre la Russie et l’Ukraine.
Figurant jusqu’à hier parmi les « accrédités » du système médiatique, Rovelli a même fait sourciller la bourgeoisie semi-cultivée, les lecteurs des journaux Corriere et Repubblica et la faune apparentée. Malheureusement, ce segment influent de la population ignore complètement la gravité de ce qui se produit depuis un certain temps, comme une tendance souterraine, continue et capillaire.
Il y a une ligne rouge continue qui s’effiloche dans la gestion de l’opinion publique occidentale depuis des années et qui s’est accélérée depuis 2020. C’est une ligne qui n’est parfois visible qu’en surface, comme dans la persécution d’Assange (ou de Manning, ou de Snowden, etc.) jusqu’à des censures mineures, comme celle qui fait aujourd’hui la une de l’actualité. La signification profonde de ce mouvement souterrain est très claire: la recherche de la vérité et la gestion du discours public en Occident sont désormais des options incompatibles.
Rovelli est accusé d’une chose impardonnable, à savoir d’avoir trahi son appartenance au cercle de ceux qui sont honorés par les élites du pouvoir, en les mettant dans l’embarras. Cela ne peut et ne doit pas se produire. Aujourd’hui, le discours public oscille entre deux pôles, d’un côté la polémique inoffensive et auto-extinguible sur l’ours ou le ragondin du jour, de l’autre la fourniture de munitions à la ligne dictée par le patron, c’est-à-dire par la chaîne de commandement dirigée par les Américains, derrière le char, – de moins en moins triomphant – auquel nous sommes attachés.
Pour les vérités dévoilées, celles qui sont les plus lourdes et les plus dangereuses, l’ordre de détruire est en vigueur, comme le montre le cas d’Assange dont la vie a été annihilée pour servir d’exemple et d’avertissement à tout autre sujet éventuellement enclin à la paranoïa.
Pour les insubordinations mineures (Rovelli, Orsini, etc.), il suffit de tomber en disgrâce auprès des courtisans, ce qui se répercute en censure, en chantage silencieux et mesquin, puis en discrédit, en blocage de carrière, etc.
Tout cela est condensé en une leçon fondamentale, une leçon implicite que tout notre système de formatage des esprits, journaux, télévision, écoles, universités, etc. met en œuvre consciemment ou inconsciemment: “Tout ce qui est discours public est essentiellement faux”.
C’est la leçon que les jeunes reçoivent très tôt et dont ils tirent toutes les conséquences en termes de désengagement et d’aboulie. Cette leçon n’échappe que partiellement à une partie de la population moins jeune, chez qui l’illusion des aspirations passées (« participation », « démocratie », etc.) est encore vivace.
La « réalité » dans laquelle nous baignons fonctionne cependant selon le syllogisme infaillible suivant :
1) Tout ce que nous avons en commun en tant que citoyens, en tant que demos, c’est le discours public alimenté par les médias ;
2) Mais ce discours public est désormais purement et simplement faux (ou carrément faux, ou composé de fragments de vérité bien choisis, fonctionnels pour créer un effet émotionnel désiré);
3) Par conséquent, il n’y a plus de demos possible, plus de discours public possible, et donc plus de levier pour une action collective visant à changer quoi que ce soit. Mettez vos cœurs en veilleuse, sauvez ce que vous pouvez.
Dans ce cadre, d’ailleurs, se détache avec intérêt l’attitude des super-diffuseurs de mensonges certifiés, des pontes-gourous de l’information et du pouvoir, très actifs dans la dénonciation de toute hétérodoxie malvenue, posée comme « fake news ».
Nous sommes donc confrontés à un spectacle à la fois comique et répugnant où les commandants des cuirassés de l’information appellent au naufrage péremptoire des canots sociaux qui ne bénissent pas assez l’altruisme de Big Pharma, qui sont un peu trop indulgents avec Poutine, qui ne respectent pas le dernier catéchisme politiquement correct, et ainsi de suite.
Nous vivons dans un monde où le mensonge instrumentalisateur est désormais la forme dominante du reportage d’intérêt public.
Il y a ceux qui y réagissent par un simple désengagement résigné, ceux qui s’enferment anxieusement dans leur chambre comme des hikikomori, ceux qui cherchent des paradis artificiels dans les pilules, ceux qui acceptent le jeu en essayant de l’utiliser pour un gain à court terme (parce qu’il n’y a pas d’autre horizon disponible); il y a ceux qui tombent dans la dépression ; il y a ceux qui deviennent fous; il y a ceux qui, de temps en temps, cassent tout pour revenir se cogner la tête contre le mur de leur cellule; et il y a ceux qui développent cette forme particulière de folie qui consiste à se battre sans armes contre des géants en espérant qu’ils se révèlent être des moulins à vent.
Au fond coule le courant de l’histoire où notre navire occidental a pris une position inclinée et, avec une inertie irréversible, accélère vers la cataracte.
Une fois que la parole publique a perdu sa capacité à transmettre la vérité, il est impossible de lui rendre son poids. Chaque parole supplémentaire dépensée pour corriger les faussetés du passé, si elle atteint la sphère publique, est elle-même perçue comme faible, usée, impuissante.
La société que nous avons mise en place est une société sans vérité, et retirer la vérité du monde social, c’est le condamner à une maladie mortelle.
Combien de temps dureront les grincements, combien de temps faudra-t-il encore pour que tombent les plâtres, combien de temps faudra-t-il encore pour que s’infiltrent les eaux, combien de temps dureront les espaces de vie de plus en plus réduits, cela n’est pas facile à prévoir, mais un monde sans vérité est un monde sans logos, et il ne peut aboutir qu’à cette dimension où les mots sont superflus parce que la violence et la mort ont pris leur place.
La gomme magique fonctionne … à force d’effacer un nouveau continent va apparaître peuplé des « Cancelled » bientôt
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La vérité sur l’état situationnel de la France plus que l’on serait capable d’en dire, se ressent. C’est plus dans l’ordre de l’expérience sensible personnelle que nous vivons dans nos intimes que par la tentative des mots de nous en rapporter les faits et leur nature, que la sensation de vérité s’épanche en nous et s’affirme.
Le retour de cette sensation, déjà mémoire, aura besoins de se mettre en mots afin que celle-ci trouve une assise et un moyen de perdurer et de se propager par delà nous-mêmes. La vérité et sa recherche nous amarrent dans le réel, car si le vrai de la création est un tout unique et unifié chaque parcelle de vérité qui nous est révélée par l’effort que l’on a consenti à prodiguer nous apparaît comme la mesure d’une récompense et la contre-mesure d’une négation à l’existence et à la dignité personnelle.
Il y aurait à vivre dans le mensonge, à y pourvoir dans l’exercice que l’entend par lui, une forme de dénégation du réel et de soi… Une forme de neantisation et d’entropisation de l’être nous rend captif. Cet engourdissement de la saine raison que l’on projette par les actes et la pensée dans un réel fantasmé, névrotique et donc ireel parce que fantasmé dans l’entraînement d’un fleuve tortueux d’illusions mais que l’on veut tordre à ses désirs et maîtriser les inconnus pour faire de la réalité, son identité et sa nature, une convenance personnelle qui satisfasse l’image de soi dans un univers conforme à ce que l’on croit être du vrai comme du juste.
Dans les périodes troubles de l’existence mondaine nous sommes d’autant rendu sensible aux cycles de l’histoire et de ses intensités dispendieuses pour nos émotions personnelles que nous oscillons nous-mêmes entre des pôles de vérités et de mensonges. Ce qui peut distinguer celui qui vit constamment dans le mensonge de celui qui l’aborde et finit de s’en détacher, c’est qu’au premier sa vie aura été comme un gâchis apparent et qu’au second le désir de vérité n’aura été fécond que dans l’abnégation et l’humilité la plus constante et consciente de la logique supérieure des défis. Ces défis apparaissent venir du monde alors qu’ils prennent leur essort en nous-mêmes et se projettent comme des objets signifiés et possiblement identifiés mais c’est par eux que nous nous identifions et que nous trouvons un sens au monde et pour nous-même.
La 1ere des nécessités pour l’Etre c’est de configurer du sens à l’existence personnelle et collective. Parce que la vérité dévoile et met à nu ce qui n’était jusqu’ici qu’un masque façonné , un apparat taillé à la juste mesure egotique que revêtait l’acteur dans sa vie theatralisee et que l’acteur dans l’étroitesse de son « je » s’était ainsi oublié au point de se tromper sur ce qu’il Est… » Je », un intermittent du spectacle mondain aurait pu dire Blaise Pascal dans ses pensées ou encore un prisonnier dans la caverne pour Platon qui avant d’en être prisonnier aurait du dans un au-delà mythifie être de ceux qui s’abreuverent au fleuve Lethe… Le fleuve de l’oubli de qui l’on fut pour ce que l’on être devenu.
Si la vérité trépasse en apparence sous l’uniforme du mensonge, elle persiste pourtant dans son entière nudite car elle est première. Or, il en est de l’être qui est premier dans son infinitude bien qu’il revêt le fini du « JE « . Quand le rideau tombe enfin sur la réalité mondaine, l’acteur meurt à son rôle et se découvre Autre.
Tous les mensonges, injustices… Ont un sens. C’est une mise à l’épreuve car le théâtre est distrayant et nous rend distrait sur la part essentielle de l’existence mais les épreuves ont une saveur amère et nous partageons cette amertume mais c’est par elle que le nectar peut ou non alchimiquement se faire mais c’est un long et pénible travail laborieux dont nous sommes à la fois chaudron et laborentin.
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Dialectique de l’apparat, du faux semblant… Tout reste conforme aux stigmate d’une mort qui s’annonce pour une civilisation qui n’est plus que l’ombre de son héritage. Les héritiers ont failli… L’ignominie les confond et les a précipité dans la parodie et peut être même dans une parousie incandescente ou toute dimension morale et intellectuelle n’est qu’une relique honnie de notre passé brûlée sur l’autel de la folie orgiaque de la démesure.
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Bonsoir M. Bertez
Staline faisait disparaître ses « ennemis » des photographies officielles; ces disparus des photos avaient étés surnommés les « âmes mortes » en référence à Gogol
Depuis 3 ans tous les opposants disparaissent des media. Todd, Raoult, Perrone etc. Carlo Rovelli semble destiné à rejoindre les nouvelles « Âmes mortes » du régime Occidental. Bien entendu c’est pour le bien de la « démocratie »!
Cordialement
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