Editorial. Les dettes des gouvernements ont rejoint les niveaux de guerre, ils la préfigurent.

Il y a longtemps que j’explique que nous sommes en situation de guerre,

La vérité a été la première victime de cette guerre car on a refusé de faire le diagnostic de ce qui s’était passé en 2008. On a fait comme si il s’agissait d’une vulgaire crise de spéculation immobilière alors que celle ci n’était qu’un symptôme d’abord d’un sur-endettement généralisé et ensuite d’un dysfonctionnement du système monétaire issu de Bretton Woods et de la rupture du lien des monnaies à l’or.

J’ai expliqué qu’en dernière analyse la crise était une crise du bilan du système: trop de passif pour un actif insuffisant. Présenté autrement: trop de promesses qui dépassent les flux, les cash flows et les revenus à venir: Il n’y en a pas assez pour tout le monde pour parler vulgairement.

Crise du bilan qui fait , qu’un passif étant un ensemble de promesses, eh bien ces promesses ne peuvent être tenues.

Donc c’est une crise de la rareté on ne peut  honorer toutes les promesses faites et il en va des promesses comme du butin des bandits quand il  devient rare, insuffisant, pour le partage ils s’entretuent.

Le passif d’une société, d’un système, c’est l’origine des fonds et les droits à prélever sur la richesse présente et future : c’est une sorte de clef de répartition. Si les actifs à partager sont insuffisants alors il faut modifier le partage et les règles de ce partage.

Il faut détruire des droits à prélever. Détruire des droits à prélever c’est l’équivalent de détruire un ordre social, car l’ordre social c’est justement la cristallisation des droits de chacun et de chaque classe.

Il y a en gros les droits des salariés, les producteurs de travail vivant et le capital sous toutes ses formes qui est le droit du travail mort, accumulé dans le passé.

En 2008 et 2009 on a buté sur les limites de la solvabilité qui n’est rien d’autre que la capacité à honorer tous les droits et donc la question s’est posée : quels droits va-t-on détruire? Qui va-t-on spolier?

Si les salariés avaient été forts, puissants, si ils avaient disposé d’un bon rapport de forces, c’est  le capital qui aurait été détruit, on aurait laissé faire les faillites, les moratoires, les ré-échelonnement de dettes. On aurait accepté que les promesses faites aux détenteurs de capitaux soient les premières à être euthanasiées.

Le système serait reparti allégé de la pourriture, allégé des zombies, allégé du capital fictif irrecouvrable, allégé du capital dit de poids mort.

Si au contraire c’est le capital qui est en position de force alors c’est l’inverse qui se produit on sauve le capital, on le protège, par un changement des règles du jeu, par une politique monétaire scélérate,  et on lamine les salariés, on euthanasie les droits du travail vivant. On asphyxie le vif pour préserver le mort.

C’est donc la seconde voie que l’on a choisi  avec la complicité des politiciens de  droite et de gauche, avec celle des syndicats, avec celle des médias des élites, avec l’aide des  pseudo savants économistes etc.

Bien entendu pour ne pas provoquer de prise de conscience et donc de révolte , on le fait subrepticement, de façon complexe, technique, doucement, on étale, on érode, on rogne, on rabote de manière  étalée, c’est la technique de la boiling frog, la grenouille ébouillantée ou encore des petits pas. On fait tout cela avec l’aide des ingénieurs sociaux, des publicitaires, des communicants, bref avec les mercenaires du capital.

Il est évident, vous le comprenez que tout cela est politique, c’est même de la grande, de la très grande politique, puisque l’on transfère des sommes, des richesses considérables de la poche des uns vers celle des autres, de la poche des salariés et des classes moyennes vers celle des détenteurs de capitaux. On opère des transferts considérables, on modifie le présent mais aussi l’avenir car beaucoup de dépenses du système sont des dépenses de préparation de l’avenir. On s’engage de façon insidieuse dans une société malthusienne.

Comme cela est fait de façon technique, opaque on ne le fait pas par des décisions gouvernementales visibles ou par les parlements, non ce sont les associés des ultra riches, les banquiers centraux, soit disant indépendants qui font la besogne, par trillions. Les bilans des banques centrales dans le monde explosent de 16 trillions, argent donné à la fois aux banques, aux marchés financiers et aux gouvernements afin qu’ils paient leurs intérêts et leurs dettes aux banques! Le capital baigne dans l’euphorie, les marchés financiers explosent de joie, ils touchent le jackpot, la manne de la monétisation.

Pendant ce temps les parlements, les représentants du peuple soi disant souverain, font joujou avec des hochets: ce sur  quoi les peuples soi disant souverains se prononcent, les budgets, sont libellés en milliards! On amuse la galerie, on distrait. On crée un monde d’illusions, de faux semblants, un mode Potemkine.

Les responsables de la conduite des affaires en fait font un pari ils vont faire le pari du retour de l’inflation des prix: ils espèrent que la dépréciation progressive des monnaies va s’enclencher et que peu à peu tous les prix vont monter, s’inflater et ainsi effacer les traces du passé.

On va rechercher l’illusion monétaire.

On va tenter de rétablir la situation en effaçant les traces du passé; c’est la raison de de la rengaine: il faut au moins obtenir une dérive des prix de 2%. Powell a dit il y a quelques jours qu’il fallait s’habituer à l’idée de dépasser ces 2%.

Il faut fabriquer de la hausse des prix, autrement dit de la dévalorisation de la monnaie. Pourquoi? Tout simplement parce que la fonction systémique de la hausse des prix c’est de réduire le poids du passé, l’ampleur des promesses, de diviser le poids des dettes. La hausse des prix est un voile qui permet de ratifier tous les transferts. Avec la hausse des prix on joue sur les valeurs nominales, sur les apparences et ainsi les consciences sont mystifiées.

On peut même faire semblant d’être un peu plus généreux sur les salaires!

Hélas, les actions menées ne donnent aucun résultat: décidées et mises en oeuvre sur la base de théories fausses, la hausse des prix n’est pas au rendez vous, quoi que l’on fasse.

Les bilans, les stocks de dettes, sont la mémoire du système et l’absence de hausse des prix, pire, la déflation font que la mémoire ne se vide pas: ce qui devait être allégé par la dérive inflationniste et la dépréciation monétaire, ce qui devait être allégé ne l’est pas.

C’est l’impasse et nous y sommes.

Au lieu de pouvoir faire chuter les tensions, au lieu de produire aux peuples des communiqués de victoire et de leur faire croire que leurs sacrifices n’ont pas été vains, il faut continuer, voire renforcer les politiques de spoliation.

Il faut s’enfoncer dans la guerre sociale.

Ne vous faites aucune illusion, nous sommes en guerre sociale,  même si à ce stade les morts sont sociales, statutaires : on déclasse les gens, on les paupérise, on les prolétarise et on en fait des moins que rien en leur ôtant la dignité. On les salit, on les marginalise, on les nazifie, on les rejette hors du champ républicain. Déja on les éborgne, on les fiche.

Nous sommes en guerre , une guerre non déclarée, « soft » mais sanglante: la propagande est reine, les journalistes sont assassinés ou emprisonnés, les contrôles sont permanents, la police est militarisée, les lois sont des lois d’exception. L’état de droit n’est plus qu’un souvenir.

La boiling frog est dans la casserole, le chemin parcouru est deja très long, la température est élevée comme le prouvent des mouvements de  révolte comme ceux des gilets jaunes.

Il y a un autre aspect que je développe également souvent, c’est le viol de toutes les règles de l’orthodoxie monétaire et financière. avec la création monétaire sans limite, la répression financière généralisée, l’accumulation des dettes non recouvrables.

En pratique tous les problèmes ont été aggravés, multipliés et c’est le monde entier qui est en mauvaise position, la contagion est totale. Pire, les amortisseurs qui existaient  avant ont été utilisés, les arsenaux sont vides, ce qui signifie pour l’avenir des mesures encore plus scélérates pour les peuples.

Tout cela je l’ai développé depuis 2008 et depuis régulièrement à longueur de chroniques, avec un roulement de  tambours il y a quelques années, vers 2014, pour annoncer: « un jour ou l’autre il faudra qu’il y ait la guerre on le sait bien… »

La guerre est inéluctable car nous accumulons des promesses et des mensonges qui un jour deviendront insupportables: Trump a été obligé de déclarer la guerre commerciale au monde entier, il pousse les dépenses d’armement, il cherche à mettre la main sur les ressources rares, il fabrique des ennemis, il morcelle le monde, le re-nationalise, il le « re-domestiquise ». C’est MAGA.

Il n’y a plus de grain à moudre, plus d’huile dans les rouages. Tout grince et se grippe.

Le monde devient ou redevient illibéral, totalitaire non pas comme les élites voudraient nous le faire croire à cause des populistes mais à cause de la voie qui a été suivie, voie  qui monte les peuples les  uns contre les autres et les  classes sociales les unes contre les autres. Haine, intolérance, violence s’installent.

Nous sommes deja obligés de réduire les niveaux de vie des masses, nous sommes en train de ruiner leurs retraites et leurs protections sociales, nous pillons leur épargne.

Bref c’est la régression et la régression, cela produit la révolte et la révolte produit  la guerre intérieure d’abord  puis la guerre extérieure ensuite.

Seule la guerre peut permettre la destruction de la pourriture,  la destruction de ce qui est excédentaire, la remise à zéro.

Ce graphique résume et illustre tout , comme j e l’ai dit les bilans, les dettes sont la mémoire du système. Nous sommes deja à des niveaux de guerre.

En Prime explosion des dettes en dehors des circuits traditionnels visibles 

En temps de guerre dire la vérité c’est trahir

9 réflexions sur “Editorial. Les dettes des gouvernements ont rejoint les niveaux de guerre, ils la préfigurent.

  1. Je vous lis avec intérêt.
    Votre analyse est pragmatique, logique dans ses conclusions. Je veux croire que  » le pire n’est jamais certain « … mais je suis bien conscient que l’avenir est lourd d’ inquiétudes pour les générations qui nous suivent.
    Bien à vous.

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  2. Qui connait encore Romain Rolland et son Jean Christophe : « Ce roman d’un homme de paix lucide et généreux, publié en 17 fascicules de 1904 à 1912, lui valut le Nobel de littérature 1915, mais aurait pu tout aussi bien lui valoir le Nobel de la paix, ou de philosophie s’il avait existé. le roman est écrit à la veille de la guerre de 1914-18, qui avait déjà failli se déclencher en 1905 dans un climat de guerre imminente, comme l’auteur l’explique. Voilà le contexte.
    Lors d’un bagarre, Jean-Christophe, musicien allemand réputé, tue un policier et prend le train pour s’exiler en France, ce qui nous vaut des tableaux d’ambiance fort réussis.
    «La nuit couvrait les champs, trempés de pluie… Les trains que l’on croisait, de plus en plus nombreux, déchiraient l’air de leurs sifflets qui secouaient la torpeur des voyageurs assoupis. On approchait de Paris». À l’arrivée, «il y avait cette odeur fade de Paris, où se mêlent les exhalaisons des usines de banlieue et la lourde haleine de la ville… La lueur des becs de gaz tremblaient comme une bougie qui va s’éteindre».
    La musique et la religion sont très présentes. Jean-Christophe ouvre une vieille Bible. «Le grand-père avait marqué au crayon, de sa grosse écriture, les dates des jours où il avait lu et relu chaque chapitre; le livre était plein de bouts de papier jauni, où le vieux avait noté ses naïves réflexions… Un siècle des deuils et des joies de la famille se dégageait de ce livre».
    Adversaire de toutes les guerres, notre héros fustige aussi les querelles d’école: «Ils se lançaient à la tête les mots d’idéalisme et de matérialisme, de symbolisme et de vérisme, de subjectivisme et d’objectivisme. Christophe se disait que ce n’était pas la peine d’être venu d’Allemagne pour trouver à Paris des querelles d’Allemands… Une guerre acharnée divisait les musiciens des deux armées: celle du contrepoint et celle de l’harmonie».
    C’est aussi l’époque du conflit exacerbé entre chrétiens et anticléricaux: «Ils tendaient beaucoup moins à détruire l’Église qu’à la remplacer. Et de fait, ils formaient une Église de la Libre Pensée, qui avait son catéchisme et ses cérémonies… qui avaient besoin de se réunir en troupeaux pour penser librement. Il est vrai que leur liberté de pensée consistait à interdire celle des autres, au nom de la Raison, car ils croyaient à la Raison, comme les catholiques à la Sainte-Vierge».
    Comme musicien, Christophe a du succès, fréquente les milieux mondains comme «Les Jeannin (qui) étaient une de ces vieilles familles françaises qui, depuis des siècles, restaient fixés au même coin de province, et pures de tout alliage étranger». Au livre VI, le pays qu’il décrit, c’est le sien, Clamecy, dans la Nièvre, qu’on reconnait au canal avec son pont, au bord duquel se dressait la maison natale de Romain Rolland, aujourd’hui musée. C’est dans ce pays que meurt le vieil Augustin. «En vingt-quatre heures, il était parti pour l’autre monde, auquel il ne croyait guère, muni de tous les sacrements de l’Église, en bon bourgeois voltairien de province, qui se laisse faire au dernier moment pour que les femmes le laissent tranquille, et parce que cela lui est bien égal… Et puis, on ne sait jamais».
    À la veille de la guerre, l’auteur fustige le nationalisme prussien. «Nous autres; ce n’est pas de pureté qu’il s’agit, c’est d’universalité… Nous sommes citoyens de la Ville-Univers». Non seulement Romain Rolland est un pacifiste, un européen convaincu, mais il n’oublie pas le reste du monde, et écrit dans un autre ouvrage, «Quinze ans de combat, 1919-1944», recueil de nombreux textes, notamment contre le fascisme, «Je ne peux envisager d’esprit qui se restreigne à l’Europe».
    Il se fait des amis et des amies, ce qui nous vaut des pages émouvantes: Rousssin, les Stevens, d’origine belge, Olivier Jeannin, le littérateur, Sidonie, fille du peuple et Grazia mariée, à l’autre bout de l’échelle sociale, puis veuve et libre, mais plus vieille, Anne Braun, amours impossibles avec une femme mariée qui le conduit au remords dans le Jura suisse. D’abord, «Ils se dirent quelques mots gênés, puis essayèrent des paroles banales, et se turent tout à fait, craignant d’approfondir», mais après…
    Pour comprendre les derniers mots du roman, il faut se rappeler la légende de Saint Christophe et l’étymologie du mot Christophe (celui qui «porte le Christ», Christ enfant): Jean-Christophe vieillissant a vu tout le monde mourir autour de lui. Il dit à un enfant «Nous voici arrivés ! Comme tu étais lourd ! Enfant, qui donc es-tu ? Et l’enfant dit Je suis le jour qui va naître». C’est la dernière ligne.
    Un superbe roman d’un homme généreux, qui nous instruit sur cette époque, et dont je ne puis donner qu’un bref aperçu. Et n’oubliez pas la plus belle citation de toutes, prémonitoire, à propos du slogan « La France aux Français » : «Notre génie ne s’affirme pas en niant ou en détruisant les autres mais en les absorbant. Laissez venir à nous et le Nord trouble et le Midi bavard… – Et l’Orient vénéneux ?
    En résumé l’histoire humaine est un éternelle recommencement, en 1914, c’est une jeunesse qui ne savait rien après 50 ans de paix de la guerre qui va se faire exterminer.
    Je crois savoir pourquoi la conscience morale de l’espèce humaine n’évolue pas. C’est parce qu’on forme l’homme à n’être qu’un agent économique. C’est à cause de l’enseignement. Ce qui fait que tout ce qui est pensé dit écrit recherché à travers les siècles échappent à l’instruction de la masse humaine. Seul quelques passionnés feront ce chemin trop peu pour faire évoluer l’humanité, trop peu et trop tard, le moule « arbeit macht frei » est déjà en place, on ne forme l’humain qu’à produire, puis avec l’arrivée de l’industrie à gaspiller…Rien n’est fait pour élever sa conscience tout est fait pour activer ses bas instincts. On est bien peu de chose chantait mon amie la Rose…

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  3. Qui connait encore Romain Rolland et son Jean Christophe : « Ce roman d’un homme de paix lucide et généreux, publié en 17 fascicules de 1904 à 1912, lui valut le Nobel de littérature 1915, mais aurait pu tout aussi bien lui valoir le Nobel de la paix, ou de philosophie s’il avait existé. le roman est écrit à la veille de la guerre de 1914-18, qui avait déjà failli se déclencher en 1905 dans un climat de guerre imminente, comme l’auteur l’explique. Voilà le contexte.
    Lors d’un bagarre, Jean-Christophe, musicien allemand réputé, tue un policier et prend le train pour s’exiler en France, ce qui nous vaut des tableaux d’ambiance fort réussis.
    «La nuit couvrait les champs, trempés de pluie… Les trains que l’on croisait, de plus en plus nombreux, déchiraient l’air de leurs sifflets qui secouaient la torpeur des voyageurs assoupis. On approchait de Paris». À l’arrivée, «il y avait cette odeur fade de Paris, où se mêlent les exhalaisons des usines de banlieue et la lourde haleine de la ville… La lueur des becs de gaz tremblaient comme une bougie qui va s’éteindre».
    La musique et la religion sont très présentes. Jean-Christophe ouvre une vieille Bible. «Le grand-père avait marqué au crayon, de sa grosse écriture, les dates des jours où il avait lu et relu chaque chapitre; le livre était plein de bouts de papier jauni, où le vieux avait noté ses naïves réflexions… Un siècle des deuils et des joies de la famille se dégageait de ce livre».
    Adversaire de toutes les guerres, notre héros fustige aussi les querelles d’école: «Ils se lançaient à la tête les mots d’idéalisme et de matérialisme, de symbolisme et de vérisme, de subjectivisme et d’objectivisme. Christophe se disait que ce n’était pas la peine d’être venu d’Allemagne pour trouver à Paris des querelles d’Allemands… Une guerre acharnée divisait les musiciens des deux armées: celle du contrepoint et celle de l’harmonie».
    C’est aussi l’époque du conflit exacerbé entre chrétiens et anticléricaux: «Ils tendaient beaucoup moins à détruire l’Église qu’à la remplacer. Et de fait, ils formaient une Église de la Libre Pensée, qui avait son catéchisme et ses cérémonies… qui avaient besoin de se réunir en troupeaux pour penser librement. Il est vrai que leur liberté de pensée consistait à interdire celle des autres, au nom de la Raison, car ils croyaient à la Raison, comme les catholiques à la Sainte-Vierge».
    Comme musicien, Christophe a du succès, fréquente les milieux mondains comme «Les Jeannin (qui) étaient une de ces vieilles familles françaises qui, depuis des siècles, restaient fixés au même coin de province, et pures de tout alliage étranger». Au livre VI, le pays qu’il décrit, c’est le sien, Clamecy, dans la Nièvre, qu’on reconnait au canal avec son pont, au bord duquel se dressait la maison natale de Romain Rolland, aujourd’hui musée. C’est dans ce pays que meurt le vieil Augustin. «En vingt-quatre heures, il était parti pour l’autre monde, auquel il ne croyait guère, muni de tous les sacrements de l’Église, en bon bourgeois voltairien de province, qui se laisse faire au dernier moment pour que les femmes le laissent tranquille, et parce que cela lui est bien égal… Et puis, on ne sait jamais».
    À la veille de la guerre, l’auteur fustige le nationalisme prussien. «Nous autres; ce n’est pas de pureté qu’il s’agit, c’est d’universalité… Nous sommes citoyens de la Ville-Univers». Non seulement Romain Rolland est un pacifiste, un européen convaincu, mais il n’oublie pas le reste du monde, et écrit dans un autre ouvrage, «Quinze ans de combat, 1919-1944», recueil de nombreux textes, notamment contre le fascisme, «Je ne peux envisager d’esprit qui se restreigne à l’Europe».
    Il se fait des amis et des amies, ce qui nous vaut des pages émouvantes: Rousssin, les Stevens, d’origine belge, Olivier Jeannin, le littérateur, Sidonie, fille du peuple et Grazia mariée, à l’autre bout de l’échelle sociale, puis veuve et libre, mais plus vieille, Anne Braun, amours impossibles avec une femme mariée qui le conduit au remords dans le Jura suisse. D’abord, «Ils se dirent quelques mots gênés, puis essayèrent des paroles banales, et se turent tout à fait, craignant d’approfondir», mais après…
    Pour comprendre les derniers mots du roman, il faut se rappeler la légende de Saint Christophe et l’étymologie du mot Christophe (celui qui «porte le Christ», Christ enfant): Jean-Christophe vieillissant a vu tout le monde mourir autour de lui. Il dit à un enfant «Nous voici arrivés ! Comme tu étais lourd ! Enfant, qui donc es-tu ? Et l’enfant dit Je suis le jour qui va naître». C’est la dernière ligne.
    Un superbe roman d’un homme généreux, qui nous instruit sur cette époque, et dont je ne puis donner qu’un bref aperçu. Et n’oubliez pas la plus belle citation de toutes, prémonitoire, à propos du slogan « La France aux Français » : «Notre génie ne s’affirme pas en niant ou en détruisant les autres mais en les absorbant. Laissez venir à nous et le Nord trouble et le Midi bavard… – Et l’Orient vénéneux ?
    En résumé l’histoire humaine est un éternelle recommencement, en 1914, c’est une jeunesse qui ne savait rien après 50 ans de paix de la guerre qui va se faire exterminer.
    Je crois savoir pourquoi la conscience morale de l’espèce humaine n’évolue pas. C’est parce qu’on forme l’homme à n’être qu’un agent économique. C’est à cause de l’enseignement. Ce qui fait que tout ce qui est pensé dit écrit recherché à travers les siècles échappent à l’instruction de la masse humaine. Seul quelques passionnés feront ce chemin trop peu pour faire évoluer l’humanité, trop peu et trop tard, le moule « arbeit macht frei » est déjà en place, on ne forme l’humain qu’à produire, puis avec l’arrivée de l’industrie à gaspiller…Rien n’est fait pour élever sa conscience tout est fait pour activer ses bas instincts. On est bien peu de chose chantait mon amie la Rose…

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  4. « Pendant ce temps les parlements, les représentants du peuple soi disant souverain, font joujou avec des hochets: ce sur quoi les peuples soi disant souverains se prononcent, les budgets, sont libellés en milliards!  »

    un jour peut etre écrirez vous que les partis politiques doivent etre dissous et le vote interdit.

    Ce circus est permanent , le clown est triste, et le public commence finalement a s’énerver ( on le serait á moins )

    Tres bon article, aprés la traduction d’Hussman, décidément vous nous gatez

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    1. « un jour peut etre écrirez vous que les partis politiques doivent etre dissous et le vote interdit. »
      => http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Simone_Weil_Note_sur_la_suppression_generale_des_partis_politiques.pdf
      « NOTE SUR LA SUPPRESSION GÉNÉRALE DES PARTIS POLITIQUES Simone Weil, 1940, Écrits de Londres »

      Sur le fond en effet, ce « cirque » permanent est deseperant, le chaos total de la gestion du Brexit au RU est un exemple frappant de décomposition des corps politiques.

      Juan Branco m’a mis une claque, les politiques sont cooptés et récupérés dès leur sortie de Science-Po/ENA/Young Leaders and Co par les réseaux des oligarques. Les dés sont pipés avant même le début du spectacle du cirque.
      Ce qui sort de ces écoles, de ces « moules à élites » ne sont pas des hommes d »exceptions, mais des conformistes (voir Promotion Ubu Roi d’Olivier Saby), des hommes dont les oligarques s’assurent de leur « coopération » via des financements et qu »ils ne viendront pas perturber la marche des choses qui leur est profitable actuellement.

      Se ne sont pas des clowns, c’est bien pire, se sont des pantins (clownesques certes).

      Merci à notre hôte et à toutes ces autres personnes de nous aider à apercevoir quels sont les personnages contrôlant les fils de ces pitoyables marionnettes.

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  5. Avec la descente aux enfers que nous subissons depuis 2008, on comprend mieux l’enthousiasme vécu par la jeunesse de 1914 et parfaitement restranscrit dans les oeuvres Ernst Jünger.

    La guerre, à l’été 1914, était perçue par la jeunesse d’alors comme d' »essence divine » et comme une « vertu » qui permettrait d' »élever les âmes héroïques » …

    Si « la belle époque » (première mondialisation) a abouti à la boucherie de 14-18, si les « années folles » se sont terminées par les génocides de la 2snd guerre mondiale, si nos élites sont incapables de réformer ce même système aujourd’hui avant qu’il n’entraîne notre civilisation, voir notre humanié à sa perte,
    Il convient alors de s’interroger sur la nature de ce système économique qui provoque de tels désastres récurrents !!!
    Le système capitaliste (avec son accumulation infinie de capital) est démoniaque dans son essence.
    D’ailleurs Aristote avait bien identifié les dangers de la Chrématistique (l’argent pour l’argent) et l’opposait à l’économie (gestion de la « maison », de la communauté).

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  6. Bravo pour votre limpidité! Je n’avais encore jamais lu quelque chose d’aussi court et direct.

    Ce qui me renvoie à une question que je vous avais déjà posé il y a des mois. Comment se fait-il qu’aucun politique, aucun, n’arrive à délivrer ce type de raisonnement?

    A vous lire et encore bravo.

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    1. Je vous remercie.

      Le monde politique ne travaille pas. Quand on fait de la politique on devient bête, stupide, borné en même temps que l’on acquiert un sentiment de supériorité.

      Tout ce que l’on connait du monde est résumé dans des fiches bristol élaborées par des conseillers eux aussi intoxiqués.

      Le pouvoir rend idiot. La fréquentation des grands de ce monde tourne la tête et réduit les facultés cognitives. La personne politique perd ses références, sa capacité de bon sens, elle est dans un monde névrotique. Le mimétisme y est incroyable.

      Les politiciens des extrêmes sont plus proches et plus semblables les uns des autres qu’ils ne le sont de leurs électeurs, de leurs amis et de leur famille.

      Les mêmes personnes avec qui vous discutiez normalement avant leur entrée en politique vous répètent sans cesse « non, on ne peut pas, tu ne peux pas comprendre ».

      C’est la raison pour laquelle toutes les tentatives de faire entrer une personne de la société civile ont toujours été vouées à l’échec. Les greffes ne prennent pas.

      C’est un monde à part et les fossés se creusent très, très vite dès que l’on y pénètre.

      Le politicien ne réfléchit pas sauf sur ses problèmes nombrilistiques de personnage politique.

      C »est un monde qui se referme sur lui même dès qu’il est en fonction et en exercice.

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      1. Votre dernière phrase est parfaitement juste. A un certain niveau, le monde politique se coupe du « réel » et vit dans sa bulle… Il faut des événements sociaux graves, tels les GJ actuellement, pour que la bulle éclate : mais alors que le retour dans la vraie vie est difficile !

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