Editorial: alerte sur les marchés, les tuyaux font du bruit!

Le marché américain a connu une puissante crise de liquidité la semaine dernière. Les pénuries ont été considérables, les écarts de taux également et si on en juge par les masses colossales injectées par  la banque centrale, la Fed, les besoins ont été proprement surprenants.

La dimension extraordinaire des remèdes ai- je coutume de dire révèle l’ampleur du mal, l’ampleur que bien sur, ils nous cachent. Ils, le grand « ILS »!

Le retour de la Fed aux injections de liquidités dans le système après une pause de dix ans a reçu une couverture médiatique abondante. Pas très informée ou très perspicace mais ce qui a retenu l’attention c’est le spectaculaire, l’apparence.

Wall Street Journal : «La Banque de réserve fédérale de New York proposera d’ajouter au moins 75 milliards de dollars par jour au système financier d’ici le 10 octobre, prolongeant ses efforts pour atténuer la pression de financement sur les marchés monétaires.

En plus d’au moins 75 milliards de dollars de prêts au jour le jour, la Fed de New York… proposera également trois contrats de prise en pension de 14 jours d’au moins 30 milliards de dollars la semaine prochaine…

Vendredi, les banques ont demandé 75,55 milliards de dollars de réserves, soit 550 millions de plus que la montant proposé par la Fed, en offrant une garantie sous forme de titres de trésorerie et de titres hypothécaires.

C’est la quatrième fois cette semaine que la Fed intervient pour calmer les marchés monétaires disloqués. Les taux des pensions à court terme ont brièvement grimpé à près de 10% plus tôt cette semaine, alors que les sociétés financières cherchaient désespérément un financement au jour le jour. C’est  la première fois depuis la crise financière que la Fed est obligée de prendre de telles mesures.  »

Avec l’effondrement de Lehman, qui a déclenché la «pire crise financière depuis la Grande Dépression», l’instabilité en cours sur le marché  des pension/repos portant sur des dizaines de milliards de dollars suscite un vif intérêt.

Ce marché crucial pour le financement des positions en effet de levier est essentiel pour la «tuyauterie» du système financier. La tuyauterie je vous le dis souvent c’est ce que l’on ne voit pas, c’est ce qui se passe en dessous , sous l’écorce des apparences. Quand la plomberie se colmate, c’est le chaos.

Il s’agit d’un marché pour des instruments très liquides et pratiquement sans risque. Si le risque devient soudainement un problème dans ce circuit  shadow/fantôme, le coût et la disponibilité du crédit pour les joueurs fortement endettés sont soudainement remis en question.

C’est tout l’édifice du levier, du leveraging, bref de l’endettement spéculatif qui peut être remis en question. Avec sa conséquence: des paniques qui condusient la communauté spéculative  à réduire son endettement, donc à vendre au plus pressé.

J’ai expliqué souvent et encore il y a peu que le système ne pouvait plus se permettre de se metre en risk-off, en position de fuire le risque et le jeu. C’est marche ou crève. Nous sommes rue Quincampoix , chez John Law.

Toute réduction des expositions au  risque / réduction de l’endettement au cœur du système financier mondial produirait un risque systémique en raison des effets de contagion en chaine.  Le  risque clair et présent sur le « funding » se transmet à l’ensemble  des marchés du crédit et automatiquement, plus généralement à l’ensemble  des marchés financiers.

La dislocation du début de  semaine sur les marché de «repo» était clairement un développement majeur, cependant il restait comme le disent les banquiers centraux localisé, « contained ». Peu  d’effets de contagion  sur le crédit aux entreprises.

Jusqu’à jeudi les swaps , les CDS, c’est à dire les assurances sur les défaillances sont restés contenus. Pas de dilatation remarquable. Idem sur les dérivés des grandes banques. On est resté ordonné.

Vendredi tout a changé pour le pire. Les CDS de première qualité ont bondi de 15% à 59,7%, soit la clôture la plus élevée depuis environ un mois. Le CDS de Goldman Sachs a augmenté de 9,4% à 63,1%, un sommet de près de quatre semaines. JPMorgan CDS a augmenté de 8,9% (à 42,7%), BofA 11,0% (à 47,5%) et Citigroup de 5,7% (à 61,1%).

Aie aie aie!

Les rendements des valeurs refuge ont chuté. Les rendements du Trésor ont chuté de six points de base vendredi à 1,72%, tandis que les rendements du Bund ont reculé de deux points de base à moins de 0,525%. L’or a grimpé de près de 18 dollars vendredi à 1 517 dollars, portant le gain de la semaine à 28 dollars.

Le vrai problème selon nous, ce n’est pas le coté spectaculaire des masses en jeu, nous sommes habitués à tout cela et nous savons que les sommes que brassent le monétaire, le funding, les changes, les dérivés sont astronomiques. Non ce qui est absolument effrayant c’est de constater que personne n’a une explication crédible à avancer.

Le vrai problème, pour nous qui avons examiné tout cela avec soin et sollicité toutes nos sources, le vrai problème c’est l’ignorance. On ne comprend pas. Les autorités n’ont rien vu venir, les intervants des marchés non plus et ne parlons pas des gourous , ils sont hébétés.

Nous savons depuis longtemps et nous le répétons, que personne ne comprend plus rien à la monnaie, personne ne comprend le refinancement de gros, le funding, Personne n’a une vision satisfaisante de ce qu’est la liquidité, de ses caprices, de ses circuits et de ses caractéristiques. La liquidité c’est le mystère absolu. Comme l’a dit un ancien gouverneur de la Fed : la liquidité c’est une croyance!

Les analystes ont souligné une convergence de facteurs inhabituels: des sorties de fonds du marché monétaire de 35 milliards de dollars pour financer les paiements de l’impôt sur les sociétés du 15 septembre; règlements pour des enchères du Trésor démesurées; et  l’approche de la fin du trimestre , où les banques réduisent généralement l’endettement du bilan à des fins « d’information » financière et de réglementation. Tout cela est bien insuffisant et surtout n’explique rien, tout cela était prévisible.

Notre interpretation est … que l’on ne comprend rien à ce stade et que tout ce que l’on dit est bidon.

Nous remarquons  que cet épisode suit une période de grande volatilité , une période d’instabilité exceptionnelle  avec des yoyos et des escarpolettes sur tous  les marchés, bonds, actions, taux etc.

Nous considerons que  le renversement extraordinaire du marché obligataire de la semaine dernière  a du jouer son role mais sans pouvoir expliquer pourquoi ou comment : les rendements des obligations du Trésor à 10 ans ont bondi de 34 points de base et les rendements de référence des MBS ont bondi de 46 points de base (2,37% à 2,83%)!

Nous avançons l’idée que les marchés de protection contre les fluctuations de taux sont chaotiques et que les positions sont à la fois couteûses et fragiles.

On dit que ces derniers mois ont été un  cauchemar pour ceux qui tentent de se protéger contre le risque de taux d’intérêt. On dit que  l’effondrement des rendements de MBS a généré des vagues de refinancements destabilisantes . On dit , on dit …Le marché pour la couverture de MBS et les autres risques de taux d’intérêt est énorme.

Les dérivés gouvernent vraiment le monde. Et on ne sait rien, on ne voit rien!

Lorsque les rendements du marché chutent, les opérateurs  qui ont vendu divers types de protection contre des taux plus bas sont forcés d’aller sur le  marché  chercher  des instruments permettant de couvrir leur exposition croissante aux taux. Une grande partie de ces achats avec effet de levier serait généralement financée sur le marché des opérations de pension, c’est à dire sur les  «repo».

Ces type activités de couverture sont auto-renforçantes, nous l’avons souvent expliqué, on se couvre en dynamique (dynamic hedging)  c’est dire en intervenant sur les marchés.

Notre hypothèse de travail est que les évènements de la semaine dernière révèlent un vice, un problème fondamental dans le système et que leur survenue est liée a l’intense activité spéculative d’une part et à la volatilité des taux exceptionnelle d’autre part. Avant la forte reprise des taux du 10 ans US tout le monde était du même coté du bateau!

Nous avons la conjugaison:

-d’une période de transition dans les politiques monétaires mondiales avec le retour à la stimulation et les persectives de nouveaux QE

– les banques centrales mondiales sont à nouveau  en mode d’assouplissement agressif

-d’une maladresse de Powell qui a enchainé les faux pas , les contrepieds , multiplié les valses hésitations

-les fractures au sein de la Fed

-phase de rotation très appuyée sur les marchés, sur les secteurs et sur les types de classes d’actifs

-la disparition du soutien des médias à la politique des banques centrales

-la crainte de récession, mais elle joue l’arlésienne

-une communauté spéculative à la fois surchargée , mais fragile car sans véritable conviction

Tandis que tout le monde s’en mettait plein les poches,  des problèmes se sont multipliés  sous la surface des marchés , dans la «plomberie».

Le balancier de l’escarpolette a fait mal.

Lorsque les rendements se sont effondrés, les effets de levier spéculatifs se sont envolés . Le retournement du marché a provoqué la panique des acheteurs de titres du Trésor, de MBS, d’obligations de sociétés, de CDO et de financements structurés, alors qu’ une grande partie est financée sur les «repo» et les marchés monétaires.

Les activités de couverture par dérivées des joueurs ont également considérablement accru l’effet de levier du système. Tous ces effets de levier spéculatifs ont contribué à donner l’illusion  d’une grande  liquidité du système, à laquelle les autorités elles même ont du croire.

Nous le répétons souvent mais cela ne fait pas de mal de le redire: les marchés sont « pricés » pour la perfection. Et quand nous disons cela nous ne visons pas que les cours et les prix, nous visons également les volumes, les profondeurs des carnets d’ordres  comme on dit.

Nous avons toujours soutenu que la liquidité cela n’existe qu’à la hausse, la liquidité est un mirage, c’est comme le mercure, cela coule, cela se dérobe. Et de la même façon que la question majeure de la hausse reste sans vraie réponse : d’ou vient donc tout cet argent? ;  la question de la future baisse sera symétrique: mais ou donc s’en va tout cet argent?

Ma réponse à ce moment là sera: au paradis de la monnaie, au Money Haven.

No place to hide.

En Prime

La Fed de New York examine « pourquoi les banques disposant de liquidités excessives n’ont pas prêté sur le marché monétaire au jour le jour, après une semaine qui a révélé des fissures dans la situation financière des Etats-Unis ».

Plus précisément, M. Williams a mis en doute l’hésitation des grandes banques liquides, affirmant que « le point sur lequel nous devons nous concentrer aujourd’hui n’est pas tant le niveau des réserves [détenues par la Fed]. C’est le fonctionnement du marché ».

18 septembre – CNBC : «Alors que la Fed se réunissait pour envisager une réduction des taux d’intérêt, elle a perdu le contrôle du taux de référence  qu’elle même gère.

La semaine a été rude sur le marché du refinancement à un jour, où les taux d’intérêt ont temporairement grimpé jusqu’à 10% pour certaines transactions les lundi et mardi.

Le marché est considéré comme la tuyauterie de base des marchés financiers, où les banques qui ont un besoin de liquidités à court terme viennent se financer elles-mêmes.

La hausse irrégulière des taux a obligé la Fed à intervenir avec des opérations sur le marché monétaire destinées à les contenir, et après la deuxième opération mercredi matin, elle semblait avoir calmé le marché.

La Fed a annoncé une troisième opération jeudi matin. Le taux cible des fonds fédéraux de référence de la Fed s’est élevé à 2,3% mardi, dépassant ainsi la fourchette fixée lors de la réduction des taux lors de sa dernière réunion en juillet …

«Cela n’a pas l’air bon. Vous définissez votre cible. Vous êtes la toute puissante Fed. Vous êtes censé le contrôler et vous ne pouvez pas le jour de la Fed. Ça a l’air mauvais. Cela a été une course difficile pour Powell », a déclaré Michael Schumacher, directeur, stratégie de taux, à Wells Fargo. »

16 septembre – Bloomberg : «La hausse rapide des taux des valeurs du Trésor a eu une incidence surla  duration hypothécaire, mesure de la sensibilité d’une obligation aux variations de taux d’intérêt, qui a enregistré sa plus forte augmentation hebdomadaire en près de neuf ans. La durée de l’indice Bloomberg Barclays US MBS est passée de 2,45 ans à 3,11 ans, en hausse de 27%. Il s’agit du pourcentage le plus violent en termes de pourcentage depuis l’augmentation de 47% constatée au cours de la semaine se terminant le 24 septembre 2010… »

16 septembre – Bloomberg : «Les coûts sur l’un des principaux marchés emprunteurs américains ont augmenté lundi avec le règlement des adjudications de bons du Trésor et l’afflux de paiements trimestriels de l’impôt sur les sociétés. Le taux des contrats de rachat au jour le jour a grimpé de plus de 140 points de base, pour atteindre 3,68%, soit la plus forte augmentation quotidienne depuis décembre, sur la base des prix ICAP.

«Il est clair que les marchés de financement sécurisé ne fonctionnent pas bien», a déclaré Jon Hill, stratège en matière de taux de BMO Marchés des capitaux. Un saut comme celui-ci,  est « presque chaotique », at-il ajouté.

19 septembre – Bloomberg : «Lorsque la plomberie fonctionne bien, vous n’avez pas besoin d’y penser. C’est généralement le cas d’une partie vitale mais obscure du système financier appelée marché des pensions de titres, où de vastes quantités d’argent liquide et de garanties sont échangées tous les jours.

Mais quand il se produit une fuite, comme il l’a fait cette semaine, il attire l’attention de la Réserve fédérale américaine, des plus grandes banques du pays, des fonds monétaires, des entreprises et d’autres grands investisseurs. La Fed a calmé la situation en injectant des milliards de dollars, mais elle pourrait avoir encore beaucoup de travail à faire sur les tuyaux.  »

Snider:

 

 

 

 

 

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